Des extraits des films Warner Bros sont montés et doublés à « leur manière » par des acteurs français : George Abitbol, « l’homme le plus classe du monde » meurt en prononçant les mystérieux mots « Monde de merde ». Les journalistes Dave, Peter et Steven mènent l’enquête…

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Attention ce ‘piaper’ n’est pas un ‘piaper’ sur le ‘cyclimse’. Par contre, il sera question de ‘ouiche’ lorraine, de George Abitbol, l’homme le plus classe du monde ou encore d’animaux préhistoriques partouzeurs de droite. Une introduction sibylline qui devrait pourtant rappeler d’excellents souvenirs aux amateurs de détournements parodiques puisque ces termes abscons pour les profanes sont tirés du célébrissime Grand Détournement, également connu sous le nom de La Classe Américaine, « réalisé » en 1993 par Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette.

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Le principe est simple, utiliser de nombreux extraits de ‘flims’ issus du catalogue Warner et faire dire à ses plus illustres acteurs, par la magie d’un redoutable doublage, les pires conneries ! Une idée lumineuse qui ne date pourtant pas d’hier. Ce procédé fut utilisé en 1966 par un tout jeune réalisateur qui signait là son premier ‘flim’ en détournant une obscure série B japonaise International Secret Police : Key of Keys de Senkuchi Taniguchi. Avec Lilly La Tigresse, Woody Allen (!) s’amuse à redoubler et remonter les séquences originales pour en faire une bande d’espionnage totalement farfelue où le sort du monde dépend d’une improbable recette de salade d’œufs durs que le héros doit retrouver.

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George Abitbol "L'homme le plus classe du monde"

Les films asiatiques semblent être une manne importante pour l’art délicat du détournement puisque c’est un ‘flim’ de kung-fu hongkongais, The Crush de Tu Kuang-chi, qui servira à René Viennet pour exprimer les thèses situationnistes de son compère Guy Debord. En 1973, La dialectique peut-elle casser des briques ? transforme ainsi un affrontement classique entre de pauvres villageois et des brigands, en diatribe sur la lutte des classes et ses limites idéologiques. Ou comment des coups de tatanes peuvent aussi être les vecteurs d’une critique de la société de consommation.

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Un nouveau palier est franchi en 1982 avec le film de Carl Reiner, Les cadavres ne portent pas de costards où le détective interprété par Steve Martin, doit retrouver le père disparu de la femme fatale Rachel Ward et pour ce faire, va soumettre à la question Ava Gardner, Humphrey Bogart, James Cagney ou encore Vincent Price. Il ne s’agit plus ici d’apposer de nouveaux dialogues mais de faire coexister sur un même plan prises de vues contemporaines et classiques du ‘flim’ noir. Par un savant travail de montage et d’incrustation de l’image, les champs/contrechamps donnent l’illusion que Steve Martin interagit effectivement avec toutes ces stars disparues. Une Å“uvre qui inspirera fortement Robert Zémeckis qui en perfectionnera le procédé avec Forrest Gump.

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Autant d’œuvres qui paveront la voie au duo Hazavicius/Mézerette pour leur coup de maître de La Classe Américaine. Mais avant d’aboutir à ce ‘flim’ grandiose, le duo se sera fait la main avec Derrick contre Superman où en un peu plus de 16 minutes, le célèbre inspecteur tente, contre la volonté des personnages de séries de M6, de recréer la défunte « 5 » en faisant appel aux héros de Dynastie, Matt Huston ou Kung-Fu. De dangereux récidivistes qui officiaient sur Canal + et qui ont été encouragés par un des producteurs maison, Robert Nador, qui, en 1993, souhaitait rendre un vibrant hommage au cinéma américain. Profitant des largesses de la Warner qui permet au duo de piocher allègrement dans leur immense catalogue, Hazanavicius et Mézerette fourbissent leurs armes et vont travailler d’arrache-pied pour livrer ce ‘flim’ mythique contant l’enquête de trois journalistes, Peter (Dustin Hoffman), Steven (Robert Redford) et Dave (Paul Newman) pour trouver la signification des derniers mots de l’homme le plus classe du monde, George Abitbol (John Wayne) qui avant de mourir s’est mystérieusement écrié : « Monde de merde ! ».

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Une intrigue inspirée du chef-d’œuvre d’Orson Welles, Citizen Kane, et structurée par un autre chef-d’œuvre, celui de Alan J. Pakula, Les hommes du président, dont plusieurs séquences (ou la triple reprise d’une seule) rythmeront le métrage. S’adjoignant les services des doubleurs français attitrés de John Wayne (Raymond Loyer) ou Paul Newman (Marc Gassot) entre autres – ce qui nous vaudra de grands moments comme ce bon Abitbol/Wayne déclamant lors d’une tempête à sa dulcinée ; « Les Anglais ont débarqué. On va être obligés de passer par derrière. Tu sais, par ce tunnel tout sombre qui sent pas très bon. » – nos trublions vont surtout faire preuve d’une science insensée du montage pour accoucher d’une bande hilarante où le comique absurde fonctionne à plein régime.

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Un ‘flim’ qui inventera l’enchâssement de plusieurs flashbacks bien avant la saga moisie des Saw et sera avant tout une révélation pour Mozinor dont les détournements opèrent avec la même classe. Une véritable petite bombe décapante qui explosera à la figure des curieux s’étant branchés sur la chaîne cryptée le 31 décembre 1993 et qui fera l’objet d’un véritable culte. En effet, Le grand détournement malgré son succès d’estime ne put jamais être commercialement exploité du fait des nombreux problèmes de droits d’auteur que cet ancêtre du mash-up posait. Bienheureux étaient les possesseurs d’un enregistrement sur VHS…Heureusement, le partage de fichier numérique, dit peer to peer (dit aussi LE mal absolu pour l’Hadopi), permit de suppléer à l’usure des cassettes vidéos et permit surtout de faire partager ces grands moments au plus grand nombre. Mais la qualité était toute relative puisque provenant d’un enregistrement effectué par magnétoscope.

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Et c’est là qu’intervient pour notre plus grand bonheur Sam Hocevar. Loué soit ce grand malade qui a passé cinq années à reconstituer La classe américaine à partir des éditions DVD des ‘flims’ utilisés par Hazanavicius et Mézerette. Une organisation rigoureuse et une patience sans limite auront été nécessaires pour aboutir à une version restaurée à 99%. Fruit du travail d’un passionné, il est désormais possible de télécharger le résultat sur n’importe quelle plateforme. Mais déjà ce fêlé de Sam commence à travailler sur une meilleure remasterisation à partir cette fois-ci des éditions blu-ray. Désormais bien rôdé et bénéficiant du script et de programmes adéquats il lui faudra sans doute moins de cinq ans pour proposer une Classe américaine encore plus classe. Mais ce n’est pas la peine d’attendre cinq minutes de plus pour vous procurer la version déjà en circulation et apprécier comme au premier jour des répliques pas banales.

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Pour télécharger l’édition 2010 restaurée dans une qualité DVD : c’est ici


Par Nicolas Zugasti

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Extrait de ‘La Classe américaine’ de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette

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