Série/ In the Flesh : critique

Publié par Philippe Tessier le 12 avril 2013

Il y a quatre ans, les morts se sont levés de leurs tombes pour dévorer les vivants mais l’invasion a été endiguée. La mise au point d’un traitement spécial a permis de guérir les zombies afin de les rendre à leurs familles. Kieren Walker est l’un de ces morts-vivants « réhabilités » et il revient parmi les siens dans un petit village où il n’est pas certain d’être le bienvenu.

 

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Décidément, les zombies ont le vent en poupe et, ces dernières années, ils enflamment l’imagination des auteurs, que ce soit dans le domaine de la littérature, de la bande dessinée, dans les jeux vidéo ou de plateau, au cinéma ou sur le petit écran. Même si on les « dissèque » de toutes les manières possibles et imaginables, l’utilisation des morts-vivants pour traiter de sujets sociaux est à l’honneur. Série écrite par Dominic Mitchell et produite par la BBC, In the Flesh prouve que l’on peut encore faire preuve d’originalité avec un thème que l’on croyait usé jusqu’à la corde. Enfin, usé jusqu’à la corde, c’est beaucoup dire, parfois on arrive encore à nous surprendre avec des vampires alors que depuis plus d’un siècle on ne compte plus les œuvres qui y sont consacrées. Pour les zombies, en 2008 nos voisins britanniques nous avaient déjà surpris avec un Dead Set assez amusant contant les aventures de candidats d’une téléréalité confrontés à une invasion de morts-vivants. On leur doit aussi un délicieux Shaun of the dead (Edgar Wright) et, bien entendu, 28 jours plus tard (Danny Boyle) et 28 semaines plus tard (Juan Carlos Fresnadillo) même si, dans ces deux derniers films, on parle d’enragés et non de créatures sortant de leurs tombes. Avec In the flesh, on s’éloigne du récit classique de cadavres en putréfaction venus se repaître de tout ce qui bouge, pour explorer une idée tout à fait intéressante : et si les autorités avaient stoppé l’invasion et découvert un traitement pour guérir les revenants ? Une idée simple qui permet d’ancrer l’histoire dans un contexte social et d’utiliser le zombie pour parler d’autre chose que de la fin du monde ou de la survie.

 

 

Tout le récit est centré sur Kieren Walker, un de ces morts-vivants qui a semé la terreur quatre ans plus tôt. Kieren est considéré comme une victime du PDS, le Syndrome de Mort Partielle. Le prix de son retour parmi les vivants ? Une injection quotidienne et particulièrement douloureuse d’un produit dans sa nuque. Seule cette substance lui permet de ne pas redevenir un de ces « enragés ». Il faut aussi souligner que la science a ses limites et que les « Partiellement Morts » demeurent dans l’état dans lequel ils ont été ranimés. Leurs éventuelles cicatrices ne se referment pas et ils sont contraints de porter des lentilles de contact pour cacher leurs yeux ou d’utiliser du fond de teint pour masquer leur peau blafarde. Kieren va donc être remis aux siens mais, bien évidemment, ce n’est pas sans poser quelques problèmes. Non seulement il se rappelle de tout ce qu’il a fait quand il dévorait les humains mais ces derniers n’ont pas non plus oublié. Imaginez qu’après avoir massacré du zombie à la pelle, qu’après avoir perdu des proches dévorés par une meute de cadavres, qu’après avoir vécu dans la terreur absolue des morts-vivants, ceux-ci soient réintégrés dans votre village comme si de rien n’était. Il n’est pas certain que Rick, le sheriff de Walking Dead, voit ça d’un très bon œil. Le scénariste inverse donc complètement le problème, faisant passer le revenant du statut de bourreau implacable à celui de victime. Et quand Kieren rentre chez lui, on le cache, car son village est le siège d’une milice, l’Human Volunteer Force (HVF), un groupe de résistants ayant combattu lors de l’invasion. Pire, sa propre sœur, celle qu’il se fait une joie de revoir, est membre de cette organisation et elle ne partage pas vraiment l’impatience de son frère. Sur cette base, In the Flesh s’avère extrêmement riche, en explorant différents thèmes et en proposant différents points de vue en fonction des personnages.

 

 

Certains s’opposent ouvertement à la réinsertion des morts. Parmi ceux-ci, le pasteur Oddie (Kenneth Cranham) qui les considère comme des êtres purement maléfiques, des démons ayant usurpé les traits de ceux qui sont morts. Interprétant les Saintes Ecritures à sa sauce, il rejette ces abominations. Bien entendu, une grande partie des villageois l’écoutent et, en premier lieu, le chef de la HVF, Bill Macey (brillamment campé par Steve Evets). Son fils tué en Afghanistan, Bill est un personnage torturé. Pour lui, malgré tout ce que dit le gouvernement, la menace est encore là. Il ne peut se résoudre à déposer les armes et à accepter que ceux qu’il a combattus, que ceux qui ont tué tant des siens puissent revenir au sein des communautés humaines. On pense immédiatement au thème de la réinsertion de criminels dangereux. Peut-on accepter de côtoyer des êtres ayant commis des crimes abominables et susceptibles de recommencer à n’importe quel moment s’ils oublient de se faire leur injection ? Pour Bill, c’est hors de question. Mais plus largement, c’est la différence et la peur qu’elle peut susciter qui est au cœur du récit. L’utilisation du zombie dans ce contexte est très intéressante car cette créature illustre parfaitement la terreur et la haine qu’on peut éprouver à son égard. Il est particulièrement aisé de se mettre à la place des protagonistes qui ne sont pas des individus foncièrement mauvais.

 

 

Bien entendu, le regard que l’on porte sur ces partiellement décédés dépend également de nos liens avec eux. Très rapidement, In the flesh s’attarde sur les regrets, sur la perte des proches, sur ce qu’on est prêt à accepter pour revoir un être cher. S’il est facile de considérer comme une abomination un « partiellement décédé » avec lequel on n’a eu aucun lien, cela devient beaucoup plus compliqué quand il s’agit de votre enfant ou de votre conjoint. Certains l’accepteront immédiatement tel qu’il est, d’autres devront apprendre à l’accepter et d’autres encore se mureront dans la négation. C’est le cas de Bill quand on lui annonce le retour de son fils, Rick (David Walmsley). Déchiré entre son amour pour lui et son rejet de sa condition, il refuse de le considérer comme un non-mort malgré des cicatrices évidentes. Et pour couronner le tout, Rick était le meilleur ami de Kieren avec lequel il entretenait une relation que l’on suppose assez intime, une relation insupportable pour Bill… peut-être même plus que d’accepter la présence d’un zombie. La série apporte une touche tout à fait intéressante sur la manière de percevoir le mort-vivant à l’image de ce couple qui espère que leur enfant erre encore dans la nature sous forme de zombie car c’est leur dernier espoir de le revoir un jour. Mais du côté des « Partiellement Décédés », la situation n’est guère plus simple. Dès le premier épisode, un des compagnons d’infortune de Kieren vit très mal son retour à la conscience. Il va même jusqu’à regretter l’extase de la folie meurtrière. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’est évoquée une sorte de drogue que certains zombies utiliseraient pour revenir à leur état premier. Ce point est peu développé dans le reste de la série, tout comme un mystérieux prophète à la tête de l’Armée de libération des morts-vivants. Ce dernier affirme que les zombies sont les soldats saints investis d’une mission divine. Encore une fois, la religion s’interprète selon les besoins de chacun.

 

 

Le plus difficile à « vivre » pour ces revenants, c’est le souvenir de ce qu’ils ont été et les remords que cela engendre. Certains cependant accueillent leur condition avec beaucoup plus de facilité à l’image d’Amy Dyer (Emily Bevan). Pour elle, fauchée par une leucémie avant d’avoir pu vivre, c’est une bénédiction. Cela ne l’empêchera pas de perdre ses illusions à cause du regard des autres. Elle qui revendique le droit de ne pas porter de lentilles de contact pour dissimuler ses yeux, de ne pas s’enduire la peau d’un baume pour masquer sa pâleur se le voit reprocher. « Dans ce village, tu couvres ton visage pourri » lui lance-t-on… ce n’est pas sans nous rappeler certaines remarques adressées aux femmes qui « osent » porter des jupes. Comme quoi, même l’apocalypse ne parvient pas à éradiquer la bêtise. Enfin, les morts-vivants – qui ne sont pas guéris et qui errent encore – semblent évoluer. Presque disparus, fuyant les humains, ils passent du statut de monstres épouvantables sans cervelle à celui de victimes des chasseurs. Un peu comme Romero le fait dans Le jour des morts et Le Territoire des morts, les « enragés » évoluent et développent des sentiments humains.

 

 

Avec In the flesh, les anglais nous offrent une nouvelle fois une série brillante. Parfaitement interprétée, chaque personnage est tour à tour victime ou bourreau selon la situation et le point de vue. En se basant sur une histoire de zombies, le scénariste aborde une flopée de sujets graves qu’il distille au fil de son récit. Sans aucune scène en trop, passionnant de bout en bout, avec quelques petites boutades en référence aux classiques du genre (le nom de famille de Kieren, « Walker », qualificatif souvent utilisé pour désigner les morts-vivants ou encore la légende véhiculée par les films selon laquelle une simple morsure vous transforme en zombie). In the flesh démontre qu’on peut toujours faire du neuf avec du vieux. Pourtant il ne semble pas qu’une seconde saison soit prévue. C’est bien dommage car le seul reproche que l’on pourrait adresser à la série, c’est de ne pas avoir eu le temps de développer certains points particulièrement intrigants.

 

 

 

Série britannique In The Flesh créée par Dominic Mitchell d’une saison de trois épisodes de 56 minutes et diffusée sur BBC Three à partir du 17 Mars 2013 avec Luke Newberry, Steve Cooper, Marie Critchley, Harriet Cains, Steve Evets, Kenneth Cranham et Ricky Tomlinson.

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