Printemps 1922. L’époque est propice au relâchement des mÅ“urs, à l’essor du jazz et à l’enrichissement des contrebandiers d’alcool… Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s’installer à New York. Voulant sa part du rêve américain, il vit désormais entouré d’un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby, qui s’étourdit en fêtes mondaines, et de sa cousine Daisy et de son mari volage, Tom Buchanan, issu de sang noble. C’est ainsi que Nick se retrouve au cÅ“ur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges. Témoin privilégié de son temps, il se met à écrire une histoire où se mêlent des amours impossibles, des rêves d’absolu et des tragédies ravageuses et, chemin faisant, nous tend un miroir où se reflètent notre époque moderne et ses combats.
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Splendide, étourdissant et opulent d’un côté, amours exacerbées et secrets envahissants de l’autre, Gatsby le Magnifique mis entre les mains du cinéaste de Roméo+Juliette et de Moulin Rouge!, remplit tant son contrat que certaines de nos attentes, tout en déroutant quelque peu le spectateur. Si Baz Luhrmann se détache du chef-d’œuvre littéraire de Francis Scott Fitzgerald par son atmosphère contemporaine pop, sa bande originale techno hip hop et les apparats excessifs, éblouissants et clinquants des années folles, c’est aussi pour mieux se rapprocher fidèlement de ce récit populaire entre espoir et mélancolie, qui a traversé les époques, porté à trois reprises à l’écran en 1926, en 1949 et en 1974, mais avant tout de son personnage énigmatique et ténébreux. Si d’aucuns peuvent encore s’en étonner, Leonardo DiCaprio s’accapare magistralement ce mondain idéaliste impénétrable, exprimant toute la complexité intérieure du célèbre Jay Gatsby bien moins doucereuse que l’interprétation de Robert Redford. Mais l’une des plus grandes prouesses de Baz Luhrmann est de ne pas tomber dans l’écueil du mélodramatique dans lequel le film peut s’inscrire irrémédiablement avec cette personnalité mystérieuse, romantique et glamour. Le cinéaste australien boulimique à l’excès offre ainsi une relecture moderne d’une belle intensité, hormis la 3D totalement inutile, qui renvoie à Titanic par sa texture classieuse et soignée, à Romeo+Juliette par la fidélité de la prose de Fitzgerald, et même à Boulevard du Crépuscule, classique de l’âge d’or du cinéma muet hollywoodien, dans sa relation entre l’auteur face à une star légendaire, ses émotions exacerbées et sa tragédie.
Dans sa structure scénaristique, Gatsby le Magnifique s’ouvre de manière plutôt classique avec Nick Carraway, narrateur et auteur du livre éponyme – alter égo de Fitzgerald -, qui retrace dans un long flashback l’histoire tragique de ce dandy milliardaire présenté d’abord comme un homme chimérique au passé trouble et visiblement corrompu se révélant par la suite être un modèle d’espoir et de sincérité à l’optimisme étonnant. Tobey Maguire – ami de longue date de Leonardo DiCaprio – interprète de manière bouleversante mais tout en réserve ce personnage et ‘vieux frère’ (‘old sport’ expression recurrente de Gatsby), qui écoute attentivement et décèle progressivement sa véritable identité, immergé dans l’ambiance pétillante des soirées jazzy somptueuses et transgressives où les rumeurs, sur ce mondain que personne n’a rencontré, pimentent les conversations. Car si Baz Luhrmann parvient à retranscrire tragiquement cet amour immuable et illusoire que Jay porte envers sa Daisy, une femme au train de vie ennuyeux et au mari volage, emmenée par une Carey Mulligan toujours aussi douce, sensible et à fleur de peau, il évoque avec force cette amitié latente avec Nick Carraway – seul personnage sincère de son entourage – qui s’avère dans sa finalité plus profonde et plus solide. Avec swing, le cinéaste réussit à dresser en toute intimité, loin de tous les artifices, l’un des portraits masculins les plus emblématiques et romanesques de la littérature américaine, plongé un pays à la dérive et dans le désenchantement, qui confine au sublime grâce à la photographie brillante et glacée de Simon Duggan, aux accessoires luxueux et aux costumes étincelants de Catherine Martin et Miuccia Prada. Après avoir conquis le box office américain à sa sortie sur les écrans outre-atlantique une semaine auparavant, il n’en fallait pas plus pour ouvrir et exprimer toute l’exaltation – même sous la pluie – de cette 66e édition du festival de Cannes, présidée par le tout aussi magnifique Steven Spielberg…
GATSBY LE MAGNIFIQUE (THE GREAT GATSBY) de Baz Luhrmann en salles le 15 mai avec Leonardo DiCaprio, Carey Mulligan, Tobey Maguire, Joel Edgerton, Isla Fisher et Jason Clarke. Scénario : Baz Luhrmann Craig Pearce d’après le roman de Francis Scott Fitzgerald. Producteurs : Baz Luhrmann, Catherine Martin, Douglas Wick, Lucy Fisher, Catherine Knapman. Photographie : Simon Duggan. Musique : Craig Amstrong. Montage : Matt Villa, Jasib Ballantine, Jonathan Redmond. Décors : Catherine Martin. Distributeur : Warner Bros. Durée : 2h22.
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