PETIT BUDGET MAIS GRANDS MOYENS

 

Ceci est mon Corps-Jerome Soubeyrand-Marina Tome1CC : Comment s’est déroulé le tournage ?

JS : En trois temps. D’abord à Montreuil et à Paris en juin, ensuite nous sommes partis pour l’Ardèche et la Drôme en septembre pour y retourner en novembre. Nous avions très peu de budget mais curieusement nous avons eu tous les moyens. C’est le vrai paradoxe finalement.

 

CC : Justement avez-vous rencontré des difficultés de financement ?

JS : Aucun car nous n’avons rien demandé à qui que ce soit. C’était d’ailleurs le but car aujourd’hui, lorsque tu envoies ton scénario, c’est comme si tu demandais l’autorisation de faire ton film. On est passés outre et nous nous sommes débrouillés. Nous avons eu besoin de peu d’argent en liquidité. Pierre-Loup s’est ensuite chargé de trouver les moyens. J’ai eu la super caméra, le super chef op’, le temps qu’il fallait pour tout, neuf mois de montage – ce qui n’arrive plus à personne aujourd’hui -, le temps nécessaire pour le mixage qui représente le poste le plus tendu au cinéma même si personne n’en parle jamais. Ceci est mon Corps a été choyé. J’espère concevoir un modèle économique qui me permettra d’avoir toujours ces moyens extrêmement luxueux en dépit du fait que les acteurs n’ont pas touché d’argent car seuls les techniciens ont été rémunérés.

 

CC : Tu as présenté ton film au deuxième Festival International du Film Grolandais de Toulouse (Fifigrot) qui lui donne encore une nouvelle dimension…

JS : Oui tout s’est fait très vite et totalement hors délai d’ailleurs. Mais il s’avère que je connais Benoit Delépine et je l’ai quand même appelé pour pouvoir participer à ce festival. Il m’a bien sûr répondu ‘Tu te manifestes beaucoup trop tard mon vieux, ils sont en train de faire les catalogues…’ mais m’a demandé de lui faire parvenir un DVD au cas où. Je lui ai envoyé le film sorti tout droit de l’ordinateur, pas mixé ni étalonné. Il m’a appelé le lendemain pour me dire qu’il avait adoré et m’a conseillé d’envoyer une copie à l’un des membres du comité de sélection. Et la bonne nouvelle est tombée pendant mes vacances.

 

CC : As-tu trouvé un distributeur ?

JS : Nous sommes en recherche actuellement. Pour l’instant, très peu de personnes l’ont vu. J’ai récemment déposé le DVD chez Sophie Dulac Distribution qui s’est manifestée. On y va doucement et on laisse venir.

 

UN CINÉMA FRANÇAIS DE PLUS EN PLUS SCLÉROSÉ

 

Christophe-Aleveque-et-Laeticia-Lopez-dans-Ceci-est-mon-corps-realise-par-Jerome-SoubeyrandCC : Quel est ton avis sur la comédie populaire française aujourd’hui et plus largement sur l’état du cinéma français ?

JS : Il y a un vrai problème aujourd’hui ; ce n’est pas tant le fait que les acteurs aient le pouvoir, mais qu’un certain nombre de personnes détenant les budgets donnent du pouvoir à un certain nombre d’acteurs. Je trouve dommageable que les réalisateurs français soient désormais contraints d’accepter des acteurs imposés pour voir leur film se concrétiser. On constate cette année que très peu de réalisateurs ont pu vraiment choisir leur casting. Et cela ne se situe pas seulement dans la comédie, c’est également vrai dans le cinéma d’auteur. Hormis des films comme La Fille du 14 juillet ou La Bataille de Solférino, qui se sont faits avec des acteurs inconnus, tous les décideurs exigent aujourd’hui des garanties avec des stars bankables à différents niveaux. C’est l’un des états de faits qui sclérose le cinéma français. Pour le coup, mon film s’inscrit complètement en faux par rapport à cela.

 

CC : Et sur la place du scénariste français ?

JS : Historiquement c’est compliqué. Les scénaristes en général sont frustrés de la place qu’on leur accorde. Certains s’en sortent mieux que d’autres, en l’occurrence les scénaristes des séries américaines, qui deviennent eux-mêmes coproducteurs. Mais c’est souvent pour pouvoir toucher des droits de suite, une manière de se fabriquer des droits d’auteurs. La réalité est souvent beaucoup moins enthousiasmante. C’est quand même plus alarmant en France qu’ailleurs et ce, depuis la Nouvelle Vague. On pourrait même dire que cela la précède en réalité car Elie Faure, un grand critique d’art dans les années 20, avait classé le cinématographe naissant dans les arts plastiques. Il reste ainsi en France un hiatus entre le récit et la plasticité du film. Tout devient vite suspect si le scénario est trop bien écrit. Cela a été relancé avec la Nouvelle Vague mais cet aspect existe encore entre l’intelligentsia et le scénariste, qui va rendre le projet commercial. Le public s’en moque un peu de la plasticité si le scénario est mal conduit alors qu’il est assis depuis deux heures sur un fauteuil dans le noir. Le succès commercial est quand même encore lié à la qualité du récit en dépit de certaines exceptions. Mais il reste encore une relative équation mathématique entre la qualité de l’histoire et l’adhésion du public. Ce constat rend le scénariste sujet à caution au regard de l’intelligentsia, à savoir la critique, en particulier celle de l’ancienne école issue des Cahiers du Cinéma, car des nouveaux critiques comme toi arrivent et sont en train de balayer ces vieux principes. A tel point que j’ai créé à l’époque le prix Jacques Prévert en collaboration avec la petite fille de Prévert. Elle m’avait raconté que Serge Toubiana de la Cinémathèque Française – chantre des Cahiers du Cinéma – avait refusé de faire une rétrospective pour le centenaire de Jacques Prévert car pour lui c’était ringard. Mais progressivement les mentalités changent. Aujourd’hui le scénariste est plus valorisé et certains producteurs prennent conscience de l’importance du script.

 

CC : Le talent n’a pas de frontière et pourtant les méthodologies semblent mieux acquises aux Etats-Unis qu’en France. La différence reste de taille dans la construction d’une intrigue, des personnages…

JS : Je fais partie de la première génération des scénaristes formés. Je suis arrivé sur le marché en 1997 en ayant fait la Fémis avec Lavandier et des workshops aux Etats-Unis. J’ai deux grandes étagères pleines de livres américains sur le scénario que je continue de consulter régulièrement. Mais toutes les bases de la dramaturgie contemporaine ont été posées par le théâtre français du 19e. De nombreuses pièces d’auteurs, passées complètement inaperçues comme celles de Victorien Sardou ou Eugène Scribe, ont été adaptées dans le cinéma des années 30. Le théâtre de boulevard du 19e est largement à l’origine de la dramaturgie américaine. C’est ce qui créé le paradoxe. Lorsque je suis arrivé dans l’univers des scénaristes, je me suis fait rembarrer plusieurs fois car mon écriture ne correspondait pas du tout au format standard. Aujourd’hui, il existe des Truby, McKee et Syd Field avec leurs structures personnalisées. Pour eux, le cinéma se construit de cette manière, point. Je me suis amusé à relever sur mon cahier de notes toutes les structures telles que chaque ponte les conçoit. C’est assez drôle. Mais cela vaut le coup aussi pour se poser des vraies questions de dramaturgie et cela donne une culture sur l’art du récit.

 

CC : Quels sont tes prochains projets ?

JS : J’ai plusieurs projets en préparation. J’ai terminé un scénario de comédie coécrit avec Christophe Alévêque et que l’on doit coréaliser. Il s’agit d’une histoire d’un groupe de copains. Il joue le rôle central d’un professeur de philosophie et futur maire de Montceau-les-Mines, qui annonce vouloir devenir une femme. De grands acteurs nous ont déjà dit oui pour ce projet. C’est au niveau des distributeurs que cela coince car certains se demandent comment on peut faire une comédie avec un sujet aussi grave… Et puis je planche sur un biopic avec l’écrivaine-voyageuse Corine Sombrun, qui a écrit plusieurs ouvrages. Elle a été reconnue chaman par les chamans de Mongolie mais elle-même ne veut pas en entendre parler. Elle est revenue en occident pour prêter son cerveau aux grands scientifiques et ainsi étudier, d’un point de vue neurologique, un cerveau qui rentre en transe. On est en quête de l’actrice qui pourrait l’incarner.

 

 

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CECI EST MON CORPS de Jérôme Soubeyrand en salles le 10 décembre 2014 avec Marina Tomé, Christophe Alévêque, Laetitia Lopez, Hervé Dubourjal et Pierre-Loup Rajot.

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