Série/ Rectify (saison 1): critique

Publié par Guillaume Ménard le 12 juillet 2014

Synopsis : Après 19 années passées en prison pour viol et meurtre, Daniel Holden est finalement disculpé grâce à des analyses ADN. De retour dans sa ville natale, cet homme, qui n’avait que 18 ans lorsqu’il avait été emprisonné et condamné à mort, tente de se reconstruire une nouvelle vie. Pas évident quand ton entourage te considère toujours comme un criminel et qu’on a passé ces dernières années à attendre la mort !

 

♥♥♥♥♥

 

Rectify - affiche

Rectify – affiche

Sundance Channel, derrière la minisérie TOP OF THE LAKE (notre critique) et plus récemment THE RED ROAD, nous a offert en 2013 sa première création originale, RECTIFY. Avec seulement six épisodes, cette série, conçue par Ray Mckinnon – acteur habitué du petit écran (Deadwood, Sons Of Anarchy) -, s’est imposée comme l’une des plus prometteuses du moment. Avant d’analyser très prochainement ici la seconde saison, diffusée sur la chaîne câblée depuis le 19 Juin 2014, voici un premier retour sur cette révélation télévisuelle. On y suit l’histoire bouleversante de Daniel Holden (Aden Young), jugé coupable du viol et du meurtre de sa petite amie à 18 ans, qui est libéré grâce à ses analyses ADN et au manque de preuves… dix-neuf ans après. Rectify porte bien son nom car il est bel et bien question de rectification, de correction. Outre la notion de rédemption – car on ignore si Daniel est innocent -, Ray Mckinnon choisit de s’intéresser à la question de liberté. Que ressent un homme ayant passé la moitié de sa vie dans le couloir de la mort ? Apprécions-nous autant l’existence qu’un homme enfermé entre quatre murs recouvrant la liberté ? Si le sujet avait tous les risques de basculer dans le pathos, la mise en scène évite ces écueils en s’attardant sur le réalisme des situations. Le rythme est lent, mais non moins intéressant. Il est suspendu, comme le temps, dès le début du pilote lorsque Daniel retrouve sa mère (J. Smith-Cameron) et sa sœur (Abigail Spencer) à la sortie du pénitencier. Il n’avance pas et reste statique ne sachant quelle attitude adopter.

 

Aden Young (Daniel Holden) - Rectify - Sundance Channel

Aden Young (Daniel Holden) – Rectify – Sundance Channel

 

La suite nous démontre aussi à quel point le traumatisme est traité avec justesse. La famille de l’accusé est recomposée. Sa mère s’est remariée à un homme dont le fils, Ted Talbot Jr. (Clayne Crawford), voit l’arrivée de Daniel d’un mauvais œil. La nature humaine en est excellemment bien dépeinte. La série prend le temps de souligner la maladresse et l’incompréhension de son entourage qui, à trop vouloir se démener pour lui assurer sécurité et confort, le retranche davantage dans un monde qu’il ne connaît plus. La tâche se révèle doublement ardue dans la mesure où son retour est considéré comme une offense de la part des habitants. Le syndrome de la ‘petite ville’ règne au fur et à mesure des épisodes : tout le monde se connaît, s’épie, se juge. Alors qu’il est en attente d’un nouveau procès, on se demande pourquoi ce survivant du couloir de la mort a été retrouvé sur le corps de son amie. Les pistes sont peu nombreuses, Ray Mckinnon décide de les révéler via un personnage mystérieux qui a tout l’air d’avoir eu un rôle à jouer dans cette tragédie.

 

Aden Young (Daniel Holden) - Rectify - Sundance Channel

Aden Young (Daniel Holden) – Rectify – Sundance Channel

 

Très vite, notre attention est portée sur l’intéressante dualité entre liberté intérieure et extérieure. Si ce concept était avant tout psychologique pour cet ex-condamné à mort, on fait face à la renaissance d’un homme qui se redécouvre au travers des livres, se construit une culture et surtout se forge une philosophie de la vie. L’Australien Aden Young renvoie de manière hallucinante la transformation de ce personnage, qui se crée un espace de liberté par la pensée où il parvient à exister. Tout devient complexe à sa sortie car il ne peut appliquer ce mode de fonctionnement dans ses relations familiales et amicales, et s’enferme malgré lui dans un véritable autisme social. Au fil des épisodes, nous assistons, haletants, à son adaptation quasi impossible dans ce nouveau monde avec les choix qui s’offrent à lui. Car comment rattraper 19 ans de sa vie ? Si notre anti-héros décide de prendre le temps, le rythme intriguant de cette première saison ne faiblit pas et installe une atmosphère singulière qui se démarque des séries habituelles. Tout est filmé de manière pudique avec une photographie aux couleurs chaudes, qui déclenche une émotion sincère et authentique sans verser dans le lacrymal exagéré.

 

Adelaide Clemens (Tawney Talbot) et Aden Young (Daniel Holden) dans Rectify - Sundance Channel

Adelaide Clemens (Tawney Talbot) et Aden Young (Daniel Holden) dans Rectify – Sundance Channel

 

Autre point fort, le mode de narration, très bien calculé. Chaque épisode est entrecoupé de flashbacks avec Daniel dans le couloir de la mort pour nous permettre de comprendre. Les plans de coupes sont secs. Rectify évite toute surenchère et installe progressivement la folie dans cette solitude dévorante. On se retrouve confronté à des instants d’humanité avec l’ex-compagnon de cellule de Daniel, pourtant coupable d’un crime atroce. Rien n’est radical, tout est nuancé. ‘Correction’ des préjugés se délie alors du manichéisme inhérent de la société. C’est par cette justesse et ce souci de réalisme que Rectify a conquis son public. Tout comme la question de la religion, très présente, qui parvient à ne jamais prendre parti. Tawney, la femme de Ted Talbot Jr, est ainsi dès le départ intriguée par Daniel. Elle voit en lui l’opportunité ‘messianique’ de lui faire reprendre goût à la vie par la foi avant de se questionner sur ses sentiments. Nous ne sommes donc aucunement étonnés lorsque le titre Jacob’s Ladder s’inscrit dans le sixième et dernier épisode. La bande originale, très lancinante et homogène, appuie cette mélancolie grâce à des morceaux de Bon Iver, Mazzy Star et The Drones.

 

Rectify - Sundance Channel

Rectify – Sundance Channel

 

Rectify, qui rejoint donc les séries magistralement écrites, provoque une certaine fascination via ce degré étonnant de justesse tout en parvenant à redéfinir l’approche et l’attente que les téléspectateurs peuvent avoir en général sur les séries TV. C’est ce que retranscrit parfaitement le générique d’ouverture, fantastique instrumental de Balmorhea, dans lequel se succèdent les photographies des personnages principaux soulignant ce rapport au passé, ce temps perdu. Cette impression est doublement marquée par la prise de conscience de Daniel, face à toutes ses années perdues. Dans cette volonté de retrouver ses marques, la séquence dans le grenier où il joue avec Sonic, le célèbre hérisson bleu, sur son ancienne console poussiéreuse en est un exemple symbolique et plein d’intensité. Rectify est ainsi un choc télévisuel, servi par un casting méconnu mais extrêmement talentueux, où il se dégage une sensation étrange liée à cette compassion à l’aveugle qui s’effectue devant nous. On ne peut alors que s’empresser d’enchaîner les six épisodes pour découvrir impatients cette deuxième saison composée cette fois de dix épisodes, et voir enfin éclore ce personnage fascinant.

 

Guillaume Ménard

 

 

  • Série américaine RECTIFY créée par Ray McKinnon et diffusée le 22 avril 2013 sur Sundance Channel aux Etats-Unis et en France le 9 mai.
  • Casting : Aden Young, Abigail Spencer, Clayne Crawford, Adelaide Clemens, Bruce McKinnon, J. Smith-Cameron, Jane Austin Walker, Luke Kirby, Hal Holbrook, J.D. Evermore…
  • Scénariste : Ray McKinnon, Michael D. Fuller, Graham Gordy, Evan Dunsky
  • Réalisation : Ray McKinon, Keith Gordon, Nicole Kassell, Romeo Tirone, Bill Gierhart, Jim McKay
  • Production : Mark Johnson
  • Photographie : Paul M. Sommers
  • Musique : Gabriel Mann
  • Montage : Travis Sittard, Henk Van Eeghen
  • Décors : Amy McGary
  • Costumes : Ane Crabtree
  • Première saison de 6 épisodes de 42 minutes

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