White Bird de Gregg Araki: critique

Publié par CineChronicle le 26 juillet 2014

Synopsis : Une famille américaine mène une existence tranquille, jusqu’au jour où la mère disparait brutalement, sans laisser de trace. La fille unique, alors âgée de 17 ans, reprend toutefois sa vie comme si de rien n’était. Elle semble être plus touchée par ses premiers amours que par cette énigmatique disparition. Mais peu à peu elle quitte cette attitude distante, ne parvenant pas à refouler ses propres sentiments et, assaillie par des rêves récurrents, elle ne peut plus fuir la situation.

 

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White Bird de Gregg Araki - affiche francaise

White Bird de Gregg Araki – affiche francaise

Gregg Araki, figure reconnue du cinéma underground américain, est de retour avec White Bird, son douzième long métrage tiré d’un roman de Laura Kasischke, présenté au dernier festival de Sundance. Après l’explosif KABOOM, lauréat de la Queer Palm à Cannes en 2012, Gregg Araki délaisse ici les campus universitaires pour porter sa caméra sur la banlieue américaine à la fin des années 1980. On retrouve dans White Bird ce qui constitue l’univers si particulier du réalisateur ; son esthétique très pop et son intérêt pour les troubles de la jeunesse désoeuvrée et désenchantée. Si Gregg Araki est connu pour son cinéma provocateur et dérangeant, il signe cette fois une œuvre à la facture plus classique. Le récit prend pour cadre une famille a priori parfaite et même des plus conventionnelles. Eve, la mère (Eva Green), est une belle femme au foyer accomplie, élégante et sophistiquée. Kat, sa fille unique (Shailene Woodley), est une adolescente mal dans sa peau mais loin d’être marginale. La disparition d’Eve va faire peu à peu resurgir les failles de cette famille. Si Kat semble se protéger de la situation et rester en retrait, elle finit au fil du temps par être rattrapée par le fantôme de sa mère. On fait face alors à une intrigue non linéaire où le passé de la jeune fille lui revient par fragments. Les différents flashbacks donnent lieu à des visions irréelles et idéalisées avec des couleurs éclatantes. On se rend compte dès lors que cette maitresse de maison épanouie, est rongée par l’ennui et le train-train quotidien dans sa banlieue pavillonnaire américaine.

 

Eva Green dans White Bird in a Blizzard de Gregg Araki / Photo © Why Not Productions - Desperate Pictures

Eva Green dans White Bird in a Blizzard de Gregg Araki / Photo © Why Not Productions – Desperate Pictures

 

Eva Green est parfaite dans ce rôle dégageant une couleur vraiment très personnelle. Il y a un je-ne-sais-quoi de mystérieux dans la fixité de son regard qui lui donne une présence inquiétante. Elle parvient à esquisser progressivement le portrait d’une femme totalement désaxée et au bord de la rupture. Et ce qui apparaissait comme un foyer confortable se transforme en enfer. Les relations mère/fille sont particulièrement tendues. Car Eve, se sentant vieillir, jalouse de plus en plus la jeunesse de Kat. Cette jalousie maladive va la conduire au bord de la dépression nerveuse. Quant au père (Christopher Meloni), il semble toujours plus effacé, totalement abattu par la disparition de sa femme, et se renferme dans un silence dépressif. Mais son mutisme finit par se révéler tout aussi inquiétant. Gregg Araki dresse alors une peinture sur l’éclatement d’une famille dysfonctionnelle, à l’image d’American Beauty (1999) et de The Ice Storm (1998), de son propre aveu. Rien d’étonnant à ce que Kat, en quête d’indépendance, s’éloigne un temps de ce noyau familial déstructuré et ne semble pas concernée par la disparition de sa mère. Elle retrouve sa vie d’adolescence : ses fêtes, ses discussions entre amis, ses premiers émois amoureux et érotiques.

 

Dès cet instant le cinéaste brosse le portrait de cette adolescente – le personnage central – avec sa légèreté et son insouciance apparente, sa vitalité et ses inquiétudes. Il a toujours filmé ce monde empreint d’un regard qui n’est jamais extérieur. Son esthétique cinématographique en adopte totalement les codes, de la musique pop rock culte bien eighties aux expressions du langage, renforcée par une mise en scène très brillante. En outre, l’enquête policière ne fait pas l’objet ici d’un long développement, et si Kat retrouve le détective, c’est pour avoir une aventure avec lui. Mais il y a cependant toujours un côté excessif chez Gregg Araki, comme s’il poussait l’esthétisme à l’extrême pour mieux le déconstruire. Les couleurs sont violentes, les vêtements des personnages sont toujours des plus improbables. Ses films s’adonnent d’ailleurs le plus souvent à la provocation. Il aime installer un contraste évident, entre un climat un peu lourd – voire d’une certaine violence – et une plasticité visuelle assez pop. On retrouve par moments ce décalage ici mais nettement moins poussé. White Bird est en effet nettement moins clinquant que le reste de sa filmographie.

 

Shailene Woodley dans White Bird in a Blizzard de Gregg Araki / Photo © Why Not Productions - Desperate Pictures

Shailene Woodley dans White Bird in a Blizzard de Gregg Araki / Photo © Why Not Productions – Desperate Pictures

 

Mais s’il s’échappe de son milieu « underground » récurrent comme celui des queers et autres junkies, Araki semble vouloir capter une certaine forme d’étrangeté dans le cadre plus conventionnel du foyer américain. Les tensions et les fêlures des personnages ne sont pas exprimées par des comportements extrêmes. Elles sont davantage intériorisées, comme dissimulées sous un vernis, et transparaissent dans leurs vies psychiques et leurs rêves, comme c’est le cas pour Kat, d’où jaillit un certain onirisme. Car Gregg Araki aime jouer sur la frontière entre fantastique et réalité. A l’instar de KABOOM, il puise ses influences chez David Lynch, en particulier Twin Peaks, et donne même un petit rôle à Sheryl Lee (la Laura Palmer). Kat rêve donc de façon récurrente de sa mère : elle voit sa silhouette fragile à travers un rideau de flocons de neige, métaphore évidente de l’aveuglement de la jeune fille, qui refuse de se confronter à la vérité. La frontière entre rêve et réalité est bien marquée. Araki alterne entre les passages oniriques des visions nocturnes de Kat, les plans aux couleurs saturées symbolisant son passé, et ceux aux coloris plus ternes liés au quotidien des personnages.

 

White Bird est nettement plus sobre que KABOOM et n’a pas le même rythme survolté qui le caractérisait. Il parait presque sage par rapport au reste de sa filmographie. On ne retrouve pas ce qui séduisait chez le cinéaste de Smiley Face, The Doom Generation et Mysterious Skin, à savoir son anticonformisme et son mauvais goût. Et le personnage central en pâtit. Shailene Woodley – vue dernièrement dans Divergente – la caractérise finalement comme une jeune fille lambda qui découvre sa capacité de plaire, apprend à devenir une femme et tente de s’imposer face à une mère trop envieuse. Si les thématiques sont passionnantes, l’évolution du récit devient pourtant prévisible et souffre de certaines longueurs, avec des dialogues parfois trop explicatifs qui gomment toute ambiguïté possible quant aux intentions des protagonistes. Nonobstant ces anicroches, White Bird conserve néanmoins des moments d’une belle intensité, et gagne son intérêt majeur dans l’excellente performance d’Eva Green.

 

 Laetitia Della Torre

 

 

  • WHITE BIRD (White in a Blizzard) réalisé par Gregg Araki en salles le 15 octobre 2014.
  • Casting : Shailene Woodley, Eva Green, Christopher Meloni, Shiloh Fernandez, Gabourey Sidibe, Angela Bassett, Dale Dickey, Sheryl Lee...
  • Scénario : Gregg Araki d’après Un Oiseau blanc dans le Blizzard de Laura Kasischke.
  • Production : Gregg Araki, Pascal Caucheteux et Sebastien Lemercier.
  • Photographie : Sandra Valde-Hansen.
  • Montage : Steven Avila, Trip Brock.
  • Décors : William Ryan Watson
  • Costumes : Mairi Chisholm.
  • Musique : Robin Guthrie.
  • Distribution : Bac Films.
  • Durée : 1h31

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