L’institutrice de Nadav Lapid: critique

Publié par Didier Flori le 8 septembre 2014

Synopsis : Une institutrice décèle chez un enfant de 5 ans un don prodigieux pour la poésie. Subjuguée par ce petit garçon, elle décide de prendre soin de son talent, envers et contre tous.

 

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L'Institutrice de Nadav Lapid -affiche

L’Institutrice de Nadav Lapid -affiche

Avec son premier long métrage Le Policier, Nadav Lapid dénonçait les tensions sociales au sein d’Israël dans un récit complexe qui suivait à la fois un membre de la police et un groupe de jeunes révolutionnaires. Derrière ses apparences de polar, l’œuvre se montrait plus retorse et ambigüe et déjouait la promesse d’action de son intrigue par un rythme lancinant et une prédilection pour de longs plans. La violence qui sous-tendait le récit n’en était que plus saisissante. L’institutrice, présenté au dernier festival de Cannes à la Semaine de la Critique, s’inscrit dans la continuité formelle de son prédécesseur. Mais là où Le Policier se lançait dans le tableau social polyphonique, le champ est ici plus resserré. Il y a une dimension très intime dans ce projet à forte teneur autobiographique ; les poèmes de l’enfant autour duquel s’organise l’intrigue ont été composés par Nadav Lapid au même âge. Plus largement, L’institutrice pose la question de la place de cette forme d’art fragile dans le monde contemporain. Nadav Lapid a l’intelligence de ne pas faire de son film un éloge simpliste d’une beauté en voie de disparition. Nira, l’institutrice de Yoav, est fascinée par ses poèmes dont elle cherche à comprendre le sens. Il y a là l’espoir de voir enfin apparaître une beauté qui transcende son quotidien.

 

Avi Shnaidman dans L'institutrice de Nadav Lapid / Haut et Court

Avi Shnaidman dans L’institutrice de Nadav Lapid / Haut et Court

 

Mais la mission que se fixe la protagoniste, à savoir recueillir les créations littéraires de son jeune élève et de trouver la source de ses poèmes, prend assez vite un tournant beaucoup plus sombre, se transformant progressivement en harcèlement. Nira s’accapare « son » jeune prodige, évince l’entourage qui n’est pas digne de lui et l’exploite. Face à cet intérêt devenu obsession, Yoav pourrait faire figure de victime si le rapport de force n’était pas subtilement inversé par quelques touches. Un peu à la manière du personnage de Valentine dans SILS MARIA (notre critique), le rôle de l’institutrice se limite à celui d’assistante faire-valoir et ses tentatives pour en sortir sont écartées de façon méprisante. La sobriété du jeu de Sarit Larry, en contraste avec les tourments intérieurs de Nira, produit un magnétisme constant qui trouve un répondant de choix dans les hésitations et la fragilité d’Avi Schnaidman, jeune acteur choisi par Lapid pour son absence totale d’expérience. Le cinéaste fait le choix d’un style qui provoque le malaise face à ce couple ambivalent. A la recherche d’une esthétique brutale, il joue avec la distance entre les acteurs et la caméra, véritable présence physique. On peut alors questionner certains choix de mise en scène qui, s’ils sont marquants, gênent un peu l’immersion dans le récit. On se demande parfois quelle est la nature des images qui nous sont données à voir, sans obtenir de réponse.

 

Sarit Larry dans L'institutrice de Nadav Lapid / Haut et Court

Sarit Larry dans L’institutrice de Nadav Lapid / Haut et Court

 

Dès le premier plan du film, un acteur donne un coup de coude dans la caméra placée derrière lui ; quelques séquences plus tard, des enfants viennent saluer la caméra, plan que l’on interprète d’abord comme le point de vue de l’institutrice avant de ne plus pouvoir l’identifier. Ailleurs, Lapid utilise ces partis pris de façon autrement plus convaincante, comme lors de la première apparence de Yoav que l’on voit faire les cent pas dans un cadre incongru avant qu’un contre-champ nous montre Nira l’observer. Œuvre exigeante conservant une part de mystère à l’image des poèmes de Yoav, L’institutrice paraît moins abouti que Le Policier. Quelques ventres mous et répétitions dans le scénario testeront la patience des spectateurs. D’autre part, l’aspect esthétique un peu glacé le rend peu plaisant. Cependant la radicalité de son propos aboutit à des scènes d’une force incontestable. Ainsi, la façon dont sont liées à plusieurs reprises la problématique de la poésie et celle de l’expression des corps dans la danse, la nage ou les rapports sexuels, illustre parfaitement à quel point notre existence se construit entre vie intellectuelle, psychique et physique. De telles fulgurances artistiques font de Nadav Lapid un auteur à suivre dans un paysage cinématographique israélien de plus en plus riche.

 

Didier Flori

 

 

  • L’INSTITUTRICE écrit et réalisé par Nadav Lapid en salles le 10 septembre 2014.
  • Avec : Sarit Larry, Avi Schnaidman, Lior Raz, Hamuchtar, Ester Rada, Guy Oren, Yehezkel Lazarov, Dan Toren, Avishag Kahalani
  • Production : Talia Kleinhendler, Osnat Handelsman-Keren, Carole Scotta..
  • Photographie : Shai Goldman
  • Son : Marina Kertez
  • Montage : Era Lapid
  • Décors : Miguel Merkin
  • Costumes : Doron Ashkenazi
  • Musique : Michael Emet
  • Distribution : Haut et Court
  • Durée : 2h

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