Synopsis : New York – 1981. L’année la plus violente qu’ait connu la ville. Le destin d’un immigré qui tente de se faire une place dans le business du pétrole. Son ambition se heurte à la corruption, la violence galopante et à la dépravation de l’époque qui menacent de détruire tout ce que lui et sa famille ont construit.
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Troisième long métrage, troisième réussite pour JC Chandor. Le cinéaste américain de 41 ans réalise un sans faute jusqu’à présent et ce, en seulement deux/trois ans, se construisant une carrière potentiellement solide. Après MARGIN CALL (notre critique), situé dans les hautes sphères vertigineuses de la finance, et le survival maritime ALL IS LOST (notre critique) avec Robert Redford en naufragé seul à l’écran, A Most Violent Year remonte le temps et nous plonge dans le New York de 1981, l’une des années les plus violentes jamais enregistrées statistiquement. JC Chandor parvient à un sommet de maîtrise, à la fois du point de vue du scénario brillamment ficelé, de la mise en scène bien calibrée, et du choix de son casting haut de gamme. Car cette œuvre marque aussi certaines retrouvailles, comme celles entre Oscar Isaac et Jessica Chastain, tous deux issus de la prestigieuse Juilliard School, ou encore entre l’acteur et Albert Brooks après DRIVE (notre critique). Mais les atouts de ce drame sont légions ; les décors, les costumes, les accessoires et les coiffures vintage, d’une sobriété authentique, sont admirablement bien ancrés dans l’époque. Si JC Chandor prend grand soin des détails, le plus impactant dans ce récit émane surtout de son rythme habilement orchestré, générant deux niveaux de tension palpables. Ainsi, dans cette intrigue au tempo lent les accélérations brusques et les accès de violence viennent asséner le spectateur, totalement envahi par l’atmosphère cloisonnante.
On est dès lors plongés dans la trajectoire de ce self-made-man immigrant sur le point d’acquérir un entrepôt, appartenant à des juifs hassidiques, qui serait profitable à sa petite compagnie pétrolière, afin de contrôler le marché et devenir un homme d’affaires riche et influent, tout en préservant son âme de la corruption. Après INSIDE LLEWYN DAVIS (notre critique), Oscar Isaac s’en sort à merveille, incarnant entre gravité, force tranquille et regard fixe, un homme marié et père de famille, honnête et déterminé, qui n’a peur que de l’échec. Victime d’intimidation, il tente de garder proprement son entreprise à flot face aux menaces de toutes parts (procureur du district, gangsters) et aux récents détournements de ses camions de carburants par des hommes armés. A ses côtés, Jessica Chastain lui donne excellemment le change. Très présente à l’écran cette année avec INTERSTELLAR (notre critique) ou encore MADEMOISELLE JULIE (notre critique), elle reste toujours dans la performance et campe une épouse très apprêtée avec de longs ongles, souvent dure, parfois impulsive mais toujours redoutable. Fille de gangster en charge de la comptabilité de la société, elle semble avoir hérité quelque peu des traits crapuleux de son paternel, rejetant toute forme d’éthique professionnelle. Son comportement vient ainsi se confronter au caractère droit d’Oscar Isaac, tout en installant paradoxalement un certain équilibre. Les deux dégagent une excellente alchimie à l’écran ; d’autant plus que le premier, avec son manteau beige, évoque Michael Corleone (Al Pacino) dans le Parrain, et la seconde, blonde et chic, a tout du style d’Elivra Hancock (Michelle Pfeiffer) dans Scarface.
Et les seconds couteaux ne sont pas en reste, avec Albert Brooks (leur avocat), Elyes Gabel (un employé de leur entreprise), David Oyelowo (procureur fédéral) ou encore Alessandro Nivola (fils d’un gangster, patron d’une société concurrente). JC Chandor dépeint ainsi avec intelligence le portrait d’un immigrant en quête du rêve américain face à un système corrompu et à la tentation mafieuse. La pression latente, la violence oppressante, le trouble permanent et les menaces omniprésentes s’amoncellent dès lors comme la neige à New York. Le tout est habilement mis en balance par la bande son lancinante, la photographie brillante au ton ocre, renvoyant à l’esthétisme des classiques de Sidney Lumet, et les décors vintage qui marquent une intéressante opposition (leur demeure somptueuse, le métro dévoré par les tags). Le cinéaste joue constamment sur cette dualité et cultive ainsi pleinement ces degrés de tension, faisant de A Most Violent Year, certainement l’un des polars contemporains et drames d’atmosphère les plus intenses de cette année.
- A MOST VIOLENT YEAR écrit et réalisé par JC Chandor en salles le 31 Décembre 2014.
- Avec : Oscar Isaac, Jessica Chastain, Albert Brooks, David Oyelowo, Alessandro Nivola, Elyes Gabel, Catalina Sandino Moreno, Peter Gerety, Chsritopher abbott, Ashley Williams…
- Production : Neal Dodson, Anna Gerb
- Photographie : Bradford Young
- Montage : Ron Patane
- Décors : John P. Goldsmith, Melanie J. Baker
- Costumes : Kasia Walicka-Maimone
- Musique: Alex Ebert
- Distribution : StudioCanal
- Durée : 2h05
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