Snow Therapy (Turist) de Ruben Ostlund: critique

Publié par Julie Braun le 27 janvier 2015

Synopsis : Une famille suédoise passe ensemble quelques précieux jours de vacances dans une station de sports d’hiver des Alpes françaises. Le soleil brille et les pistes sont magnifiques mais lors d’un déjeuner dans un restaurant de montagne, une avalanche vient tout bouleverser. Les clients du restaurant sont pris de panique, Ebba, la mère, appelle son mari Tomas à l’aide tout en essayant de protéger leurs enfants, alors que Tomas, lui, a pris la fuite ne pensant qu’à sauver sa peau… Mais le désastre annoncé ne se produit pas, l’avalanche s’est arrêtée juste avant le restaurant, et la réalité reprend son cours au milieu des rires nerveux. Il n’y a aucun dommage visible, et pourtant, l’univers familial est ébranlé. La réaction inattendue de Tomas va les amener à réévaluer leurs rôles et leurs certitudes, un point d’interrogation planant au-dessus du père en particulier. Alors que la fin des vacances approche, le mariage de Tomas et d’Ebba est pendu à un fil, et Tomas tente désespérément de reprendre sa place de patriarche de la famille. Snow Therapy est une comédie grinçante sur le rôle de l’homme au sein de la famille moderne.

 

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Snow Therapy - affiche

Snow Therapy – affiche

C’est dans les Alpes que nous convie Robert Östlund pour son nouveau long métrage. Snow Therapy, lauréat du Prix du Jury dans la section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, raconte l’histoire d’une famille en déliquescence. Le réalisateur suédois de 40 ans choisit dans les premiers plans, de nous montrer une photo de famille sur les pistes. Tomas (Johannes Bah Kuhnke), Ebba (Lisa Loven Kongsli) et leurs deux enfants, Vera (Calra Wettergren) et Harry (Vincent Wettergren), ont pris une semaine de vacances aux sports d’hiver et séjournent dans un hôtel de luxe. Ce couple parental obéit à toutes les conventions d’une société basée sur les apparences et les non-dits. Lorsqu’une avalanche surgit, la lâcheté de Tomas et l’instinct de mère et d’épouse d’Ebba se confrontent. Cette dernière, jusqu’ici jeune femme souriante et impeccable, casse les codes et franchit un nouveau cap dans la communication. L’épouse irréprochable se met à douter et le vernis se craquelle. L’avalanche, qui a fait plus de peur que de mal, laisse à l’écran une fine poudre blanche et floute l’image un instant, révélant ainsi les fêlures du couple finalement dysfonctionnel. La comparaison avec Festen semble inévitable. Mais si l’œuvre-choc de Thomas Vinterberg dénonçait des secrets sordides, violents et réels, Snow Therapy nous livre les prémices d’un questionnement familial avec des personnages beaucoup plus doux. Dans une mise en scène pianissimo, le réalisateur également en charge du scénario et du montage, nous plonge progressivement dans la dégradation des liens familiaux.

 

Snow Therapy de Ruben Ostlund

Snow Therapy de Ruben Ostlund

 

La bande originale ponctue l’intrigue avec virtuosité, menée par un score répétitif qui brouille volontairement les pistes. Quelques notes acerbes et violentes préviennent cet événement dramatique, comme celui de l’avalanche. Mais le cœur du drame est bien sûr la décomposition du couple. Si cette musique s’avère être parfois en contradiction avec l’évolution des personnages, elle donne néanmoins un rythme et de la crédibilité au récit. Car Tomas et Ebba, en conflit pour la première fois, n’arrivent pas à accorder leurs violons, ayant une vision différente des événements. Leur couple n’avance plus. Apparaissent dès lors les personnages secondaires. Ce microcosme familial, qui s’autosuffisait, a désormais besoin d’aide. Le réalisateur nous offre par ce biais une leçon de psychanalyse avec l’ami du couple, Mats, interprété avec sagesse par Kristofer Hivju, vu dernièrement dans REFROIDIS (notre critique). Ruben Östlund se transforme ainsi en docteur Freud et analyse l’inconscient de chaque personnage et leur place au sein d’une famille. Il prend le parti de filmer les personnages au plus près dans de longues séquences pour identifier le moindre changement d’humeur.

 

Snow Therapy de Ruben Ostlund

Snow Therapy de Ruben Ostlund

 

Johannes Bah Kuhnke (excellent dans la série Real Humans) rend ce père et homme d’affaires, censé être le symbole du pouvoir et de la force, davantage faible et pathétique en jouant sur un registre enfantin. Quant à Lisa Loven Kongsli, elle nous livre une épouse et mère aimante, intègre et toujours digne, même dans sa descente aux enfers. Lorsqu’elle rencontre dans l’hôtel cette femme épanouie, en couple libre avec son mari, son visage se transforme en un rictus amer dévoilant plus encore ses récents questionnements. Et tout vole en éclats. Les personnages deviennent imparfaits, fument, boivent jusqu’à l’ivresse et nous sont rendus paradoxalement plus empathiques et moins froids. Le dénouement fait cependant figure de redondance, réitérant ce qui a été découvert par les protagonistes tout au long de l’intrigue. La séquence finale n’apporte rien au propos et s’éloigne de son univers intimiste dans une mise en scène trop théâtralisée. On pardonne cependant ce bémol face à la cohésion des techniques artistiques, notamment via le lien évident entre le déroulement de l’histoire et les tenues vestimentaires des personnages. La costumière habille cette famille parfaite et joue à les mettre en danger, surtout Tomas, en les privant de toute intimité et de toute pudeur. Ainsi, par le choix de la métaphore de l’avalanche, Ruben Östlund parvient à retranscrire l’inévitable déconstruction d’un couple. Snow Therapy se révèle non comme une séance chez le psy, mais une thérapie familiale dans les Alpes…

 

 

 

 

  • SNOW THERAPY (Turist) écrit et réalisé par Ruben Östlund en salles le 28 Janvier 2015.
  • Avec : Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Clara Wettergren, Vincent Wettergren, Kristofer Hivju, Fanni Metelius, Brady Corbet….
  • Production : Erik Hemmendorff, Marie Kjellson, Philippe Bober
  • Photographie : Fredrik Wenzel
  • Montage : Ruben Östlund, Jacob Schulsinger
  • Décors : Josefin Asberg
  • Costumes : Pia Aleborg
  • Musique : Ola Fløttum
  • Distribution : Bac Films / DistriB Films
  • Durée : 1h58

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