Synopsis : Après plusieurs années d’errance, d’addiction et l’échec de son couple, Cheryl Strayed prend une décision radicale : elle tourne le dos à son passé et, sans aucune expérience, se lance dans un périple en solitaire de 1700 kilomètres, à pied, avec pour seule compagnie le souvenir de sa mère disparue… Cheryl va affronter ses plus grandes peurs, approcher ses limites, frôler la folie et découvrir sa force.Une femme qui essaye de se reconstruire décide de faire une longue randonnée sur la côte ouest des Etats-Unis.
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Souvent habituée aux comédies romantiques, Reese Wiherspoon révèle au fil du temps ses multiples talents. Alors qu’elle est productrice du thriller percutant GONE GIRL de David Fincher (notre critique), on la retrouve aujourd’hui devant la caméra de Jean-Marc Vallée dans un drame initiatique. Après sa performance dans Walk The Line, pour lequel elle remporta l’Oscar en 2006, l’actrice américaine de 38 ans revient ainsi en force dans Wild, tiré du bestseller autobiographique éponyme de Cheryl Strayed. Le cinéaste de DALLAS BUYERS CLUB (notre critique) met ici en scène cette femme qui se redécouvre en se lançant sur le sentier de randonnée le plus long, le plus difficile et le plus sauvage d’Amérique, le Pacific Crest Trail. Si la comparaison avec Into The Wild de Sean Penn semble inévitable, les différences dans Wild sont aussi légions, tant du point de vue du personnage et de ses motivations que de la mise en scène spécifique au réalisateur canadien. Reese Witherspoon porte en outre étonnamment le film sur ses frêles épaules. Elle éblouit l’écran dès la première séquence apparaissant sous son plus mauvais jour, sans maquillage et très fatiguée. Elle parvient dès lors à exprimer toute une palette d’émotions, déployant sa force, son courage, sa fragilité et ses profondes cicatrices émotionnelles, allant jusqu’à se dévoiler nue dans certaines séquences. Pivotent autour d’elle plusieurs seconds rôles, certes peu développés, mais nécessaire à la trajectoire du personnage. On retient notamment la prestation de Laura Dern, toujours aussi lumineuse avec son capital sympathie intrinsèque, dans le rôle de sa mère.
Mais la portée et l’envolée de Wild émanent essentiellement de sa bande originale folk et au son des guitares. La chanson légendaire El Condor Pasa (If I Could) de Simon & Garfunkel fait d’ailleurs office de thème phare. La musique est utilisée à bon escient, passant d’intradiégétique à extradiégétique selon l’évolution du récit. S’en suivent des hits de Bruce Springteen, Leonard Cohen et Eric D. Johnson qui embellissent et accompagnent magnifiquement les images de ces paysages. La structure narrative est conçue de manière classique avec deux lignes temporelles, passé et présent, agrémentée de flashbacks récurrents pour comprendre les motivations de Cheryl. Mais on ne s’ennuie pas grâce en partie à la mise en scène de Jean-Marc Vallée, qui positionne souvent la caméra au plus près de l’actrice. On ressent dès lors au maximum les tensions et difficultés qu’elle rencontre au cours de son voyage. Ce sentiment est intensifié lorsqu’il prend de la distance sur son héroïne, la filmant dans des plans larges, perdue au cœur de cette nature sauvage et imposante qui s’étend à perte de vue. Les décors naturels du Pacific Crest Trail sont d’une beauté à couper le souffle.
Ainsi, depuis C.R.A.Z.Y. en 2005, Jean-Marc Vallée continue d’imposer au premier plan des personnages au profit du récit. Le portrait de Cheryl Strayed s’inscrit naturellement dans cette galerie riche et haute en couleurs. Il signe ici au final un Into The Wild au féminin habilement maîtrisé. Rares sont les voyages initiatiques de femme à la fois forte et fragile portés avec une telle intensité émotionnelle.
François Taing
- WILD de Jean-Marc Vallée en salles le 14 Janvier 2015
- Avec : Reese Witherspoon, Gaby Hoffmann, Laura Dern, Thomas Sadoski, Michiel Huisman, W. Earl Brown, Kevin Rankin, Brian Van Holt, Randy Schulman, J.D Evermore
- Scénario : Nick Hornby d’après l’oeuvre du même nom de Cheryl Strayed
- Production : Reese Witherspoon, Bruna Papandrea, Bill Pohlad
- Photographie : Yves Bélanger
- Montage : Martin Pensa, Jean-Marc Vallée
- Décors : John Paino
- Costumes : Melissa Bruining
- Musique : Susan Jacobs
- Distribution : 20th Century Fox
- Durée : 1h56
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