Chappie de Neill Blomkamp: critique

Publié par Yvan Lozac'hmeur le 16 mars 2015

Synopsis : Dans un futur proche, la population, opprimée par une police entièrement robotisée, commence à se rebeller. Chappie, l’un de ces droïdes policiers, est kidnappé. Reprogrammé, il devient le premier robot capable de penser et ressentir par lui-même. Mais des forces puissantes, destructrices, considèrent Chappie comme un danger pour l’humanité et l’ordre établi. Elles vont tout faire pour maintenir le statu quo et s’assurer qu’il soit le premier, et le dernier, de son espèce.

 

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Chappie - affiche

Chappie – affiche

Après District 9 et Elysium, Neill Blomkamp revient aux commandes de sa dernière création, Chappie. Ce grand amateur d’effets spéciaux et de science-fiction nous propose un savoureux cocktail entre action robotique et réflexion sur la construction sociale de l’individu. Le réalisateur puise ici l’inspiration dans l’un de ses courts métrages, Tetra Vaal, comme il a pu déjà le faire pour District 9 avec Alive in Joburg. Ce nouveau film présente ainsi une continuité dans sa carrière, développant une analyse autour du personnage de Chappie dans un écrin de science-fiction post-moderne, projetée sur un fond de toile cher à ses origines : son Afrique du Sud natale. On voit évoluer des protagonistes des deux extrêmes de la pyramide sociétale mise en place dans la diégèse : d’un côté, les créateurs et financiers derrière ces nouveaux robots qui forment le bras armé de la police jusqu’alors dépassée par la flambée du crime, et de l’autre, un gang de criminels au bord du précipice, prêt à tout pour s’en sortir. Un clivage social qui revient de façon récurrente chez Blomkamp. Autre récurrence, le casting. On retrouve ainsi Sharlto Copley, ici dans la peau du robot Chappie grâce à la motion capture, ainsi que Brandon Auret et Jose Pablo Cantillo. Mais Neill Blomkamp s’entoure également de certaines stars du genre comme Hugh Jackman (Real Steel), le pendant antagoniste de Ronny Cox dans Robocop, et Sigourney Weaver. Neill Blomkamp se sert donc ici d’un moule existant pour y créer son œuvre sans avoir peur des répétitions, toujours inspiré par ce qu’il aime, comme le design de Chappie, trouvaille récupérée de son propre aveu chez Masamune Shirow avec le manga Appleseed.

 

Dev Patel et Sharlto Copley (le robot) dans Chappie de Neill Blomkamp

Dev Patel et Sharlto Copley (le robot) dans Chappie de Neill Blomkamp

 

On fait face dès lors à une mise en scène à deux vitesses qui parvient à servir le récit et ses différentes phases. A l’instar de l’introduction, les scènes d’action sont vives avec des plans brefs qui s’enchainent avec célérité. Ce sentiment de mouvement permanent donne aux confrontations un punch réjouissant. Cependant, l’œuvre n’évoque pas seulement des robots policiers lourdement armés. Chappie interroge avant tout le développement de l’être social et de l’importance de son entourage. Notre héros est doué d’une conscience que son créateur (Dev Patel) a réussi à coder. Le robot ressent des émotions, acquiert une expérience, des goûts, des préférences : il se développe comme un être humain, de manière accélérée. Toutes ces phases narratives, dédiées à l’apprentissage de Chappie, s’expriment ainsi dans une mise en scène plus sereine. Celle-ci laisse apparaître certains détails sur les personnages et dans le décor, comme le voyant lumineux de la batterie du robot, rappel constant de son statut de condamné. Un statut déjà rencontré avec le personnage de Matt Damon dans Elysium, dont le temps est compté après avoir été irrémédiablement irradié par accident.

 

Yo-Landi, Ninja, Jose Pablo Cantillo et Sharlto Copley dans Chappie de Neill Blomkamp

De g. à dr. : Yo-Landi, Ninja, Jose Pablo Cantillo et Sharlto Copley dans Chappie de Neill Blomkamp

 

Chappie doit malgré lui se former après être « venu au monde » dans le repaire du trio de gang, interprété par Ninja, Yo-Landi et Jose Pablo Cantillo. Même si son créateur peut lui rendre visite et lui donner quelques préceptes, comme celui des lois d’Isaac Asimov sur la robotique ordonnant de ne pas commettre de crimes ni blesser les humains, ce sont les trois gangsters qui assurent l’éducation de Chappie. Ce pauvre robot hérite d’un « père » qui ne le voit que comme un outil, et d’une mère dont l’affection sincère ne lui est pas d’un grand secours face aux deux acolytes prêts à le manipuler. Cette éducation teintée d’instrumentalisation nous permet de réfléchir selon différents axes. On songe d’abord aux questions de l’apprentissage, de l’éducation et de l’importance que jouent les rencontres dans notre construction, illustrées à l’écran par l’influence des gangsters sur Chappie. Mais aussi de son créateur émancipateur et de sa mère de substitution, seule lueur d’espoir dans le monde noir dépeint par son compagnon, ce « père » pour mieux l’instrumentaliser. Ce sont les relations archétypales père/fils, mentor/élève, créateur/créature qui sont ici mises en lumière par les personnages et leurs interactions.

 

Hugh Jackman dans Chappie de Neill Blomkamp

Hugh Jackman dans Chappie de Neill Blomkamp

 

Ce récit rendant possible l’encodage et le transfert de la conscience, par Chappie dont la connaissance est dopée par les données internet, interroge l’Homme sur ce qu’il est vraiment. Au-delà de cette enveloppe charnelle, l’envol de la conscience fait toucher du bout des doigts l’immortalité à l’Homme, ou plutôt ici du bout des rouages. Ouvrant alors un éventail de possibilités titanesques, le film nous donne quelques vertiges dès lors que l’on commence à se demander « et si nous y arrivions en vrai ? ». L’ensemble est rythmé par une partition musicale signée Hans Zimmer, Ryan Amon et Rich Walters avec l’ajout des titres de Die Artwoord, le groupe de Ninja et Yo-Landi dans la vraie vie. Elle allie ainsi électro et hip-hop, plaquées sur l’univers de la diégèse entre science-fiction, guerre des gangs et son style urbain délétère. La musique est au service de cette mise en scène à deux vitesses, principalement présente lors des scènes d’action. Si on peut reprocher une trop grande présence des personnages de Ninja et Yo-Landi, une bande annonce marketing médiocre, qui ne rend pas justice à l’œuvre, et une Sigourney Weaver sous exploitée, Chappie se dévoile étonnamment grâce aussi à ses effets spéciaux léchés. Amis de Robocop attendris par E.T, ce rendez-vous est à prendre dans les salles obscures.

 

Yvan Lozac’hmeur

 

 

 

  • CHAPPIE réalisé par Neill Blomkamp en salles depuis le 4 mars 2015.
  • Avec : Sharlto Copley, Dev Patel, Yo-Landi Visser, Jose Pablo Cantillo, Sigourney Weaver, Hugh Jackman, Brandon Auret…
  • Scénario : Neill Blomkamp, Terri Tatchell
  • Production : Simon Kinberg, Neill Blomkamp, James Bitonti, Ben Waisbren
  • Photographie : Trent Opaloch.
  • Montage : Julian Clarke, Mark Goldblatt.
  • Décors : Jules Cook, Daniel Birt.
  • Costumes : Diana Cilliers, Daniel Birt.
  • Musique : Hans Zimmer, Ryan Amon, Rich Walters.
  • Distribution : Sony Pictures.
  • Durée : 1h54

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