Julia et Clara Kuperberg - photo Frederic Basset

Julia et Clara Kuperberg – photo Frederic Basset

Fondatrices depuis 2006 de la société de production Wichita Films, située à Paris et à West Hollywood à Los Angeles, les sœurs Clara et Julia Kuperberg ont à leur actif une quarantaine de reportages de 52 minutes sur la culture et le cinéma américains, gorgés de spécialistes et de personnalités prestigieuses. Aujourd’hui, les deux réalisatrices françaises, réputées outre-Atlantique, présentent leur nouvelle pépite, This is Orson Welles. Ce documentaire centré sur une facette plus intime du cinéaste sera diffusé sur TCM Cinéma le 21 mai 2015 à 19h45 et à Cannes Classics dans le cadre du centenaire de cette légende. À cette occasion, CineChronicle a rencontré ces deux femmes-orchestres, passionnées et passionnantes, pour évoquer leur parcours, leur processus de travail, leurs difficultés, mais aussi leur réseau incroyable bâti au fil des années et leur ferveur pour l’Âge d’or du cinéma hollywoodien.

 

 

 

This is Orson Welles - affiche

This is Orson Welles – affiche

CineChronicle : Wichita Films est donc une belle affaire familiale lancée depuis près de dix ans avec votre père, qui fut l’un des producteurs de Monsieur Klein. Quel a été votre parcours pour que vous décidiez de monter cette société ensemble ?

Julia Kuperberg : J’ai démarré à la rédaction de l’émission Tracks sur Arte, produite par Programme 33. Je gérais les recherches de journalistes. Parallèlement, mon père et ma sœur réalisaient des documentaires pour cette même société. Comme leurs collaborations étaient par moments difficiles, ils ont rapidement eu envie de fonder la leur. Quant à moi, je souhaitais me lancer dans la réalisation et la production de documentaires. Il est vrai qu’à l’époque le format de 7 minutes de Tracks me convenait très bien, mais j’ai fini par les rejoindre car la famille est vraiment passionnée par la culture américaine.

Clara Kuperberg : De mon côté, j’ai débuté au Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP) avec des collections de documentaires sur des écrivains pour France 5. Puis mon père m’a proposé de travailler avec lui pour réaliser un film sur la mafia à Hollywood. Ce sujet fut le début de notre collaboration dans la coécriture et la coréalisation. Entre 2001 et 2006, nous avons ainsi travaillé avec différentes sociétés de production comme Programme 33, LGM et Lobster avant de créer Wichita.

 

CC : Travailler en famille est souvent source de conflits. Comment cela s’est passé pour vous et votre père ?

CK : Tout se passait très bien tant que nous avions un producteur car notre père est un grand caractériel. C’était lui l’objet des foudres. Deux ans après avoir fondé Wichita, la collaboration est devenue très difficile et compliquée. Je pense que trois est un mauvais chiffre, surtout lorsqu’il s’agit d’un père et ses deux filles.

JK : Ce n’était pas un problème d’égo mais plutôt d’organisation. Nous avons eu du mal à trouver chacun notre place. Donc d’un commun accord, nous avons décidé toutes les deux de poursuivre notre chemin et notre père est parti travailler avec d’autres producteurs. Et je suis passée à la réalisation. Depuis nos rapports se sont arrangés. Quant à Clara et moi, nous sommes totalement complémentaires.

 

Cycle Orson Welles sur TCM Cinema

Cycle Orson Welles sur TCM Cinema

CC : Après déjà une quarantaine de documentaires sur près de dix ans, vous présentez aujourd’hui ‘This is Orson Welles’ qui sera diffusé sur TCM Cinéma et à Cannes Classics. Comment est née votre réflexion sur ce réalisateur emblématique banni d’Hollywood durant onze ans ?

JK : C’est exactement pour cette raison. Orson Welles revenait souvent dans nos conversations et au fil des documentaires. Les réalisateurs interviewés comme Martin Scorsese, Steven Spielberg ou Milos Forman nous ont souvent répété qu’il était une réelle inspiration. Puis, TCM nous a contacté en 2014 avec l’intention de couvrir le centième anniversaire du réalisateur, ce qu’on ignorait d’ailleurs. Cela tombait parfaitement bien. Notre parti pris était de concevoir un reportage sur l’homme et le cinéaste, non sur ses films et sans trop s’attarder sur l’analyse cinématographique. Lorsqu’on a découvert son interview à la BBC, nous sommes tombées complètement sous le charme de son cynisme. L’autre idée de départ était aussi de choisir des personnes qui avaient travaillé avec lui, comme Martin Scorsese, Peter Bogdanovich et Henry Jaglom. On ne voulait pas d’un spécialiste extérieur qui nous aurait raconté ce qu’il veut. Les reportages sur Orson Welles sont très nombreux. Notre film est comme une conversation avec des personnes proches qui le connaissent très bien et l’aiment, notamment sa fille Chris Welles. C’est ce qui le rend justement différent et émouvant.

 

SUJETS MULTIPLES ET PLÉIADE DE GRANDS NOMS

 

Orson Welles et Henry Jaglom / Courtesy Wichita Films

Orson Welles et Henry Jaglom / Courtesy Wichita Films

CC : Vous avez abordé différents thèmes comme le travail du photographe Steve Shapiro et du dessinateur Art Spiegelman, le Film Noir ou encore la science-fiction et la paranoïa. Mais aussi d’autres plus politiques sur les liens d’Hollywood avec la mafia, le FBI et Frank Sinatra… De quelle manière gérez-vous le processus d’écriture et de documentation ?

CK : Nous construisons l’histoire sur une dizaine de pages avec des illustrations, en amassant tous les livres susceptibles de nous intéresser, et l’angle choisi. Ce document, constitué en un mois, nous permet de pouvoir ensuite le soumettre au CNC et aux chaînes comme Arte, TCM, OCS, Cine+ et Canal+. Cependant, aujourd’hui et après plusieurs documentaires, nous avons bien sûr dépassé cette étape et nous allons plus vite. Nous ne faisons plus partie de cette pile de dossiers en attente sur les bureaux des producteurs de chaînes. Nous contactons ensuite nos différents intervenants en leur envoyant toujours la liste de questions en amont. C’est un procédé que les Français n’utilisent pas. Nous préférons que les spécialistes aient le temps de travailler la thématique. Par exemple, nous avons envoyé à la critique de cinéma Molly Haskell, une vingtaine de questions qu’elle a condensées et regroupées en une dizaine de pages. Elle travaille de cette manière car elle fait partie de ces journalistes – souvent ceux d’investigation comme Richard Hack pour le documentaire Sinatra raconté par le FBI – qui sont rémunérés pour ce type d’intervention. En France, cette façon de procéder reste encore taboue, mais pas aux Etats-Unis. Du coup, on ne se sent plus vraiment gênées d’insister et de commenter.

 

CC : Justement certains spécialistes comme Molly Haskell ou encore Craig Detweiler (impressionnant dans Teen Movies et la Saga Warner) apparaissent régulièrement. Comment s’élabore le choix de vos intervenants ?

CK : Les bons spécialistes et storytellers ne sont pas si nombreux finalement. On retrouve dans This is Orson Welles, l’historien Joseph McBride que nous avions déjà interviewé pour John Ford & Monument Valley. C’est d’ailleurs lui qui nous a mis en contact avec la fille d’Orson Welles. Il était ravi de collaborer à nouveau avec nous. Nous fonctionnons de cette manière en reprenant contact avec ceux que nous connaissons. Craig Detweiler fait partie de ces pépites découvertes. Avant la création de Wichita, nous l’avions rencontré dans le cadre d’un documentaire sur la culture surf et sur cette fameuse Université Pepperdine qui domine Malibu et la mer. Elle a la réputation d’admettre des fils de riches et des glandeurs qui viennent faire leurs études à 200 000 dollars l’année, mais surtout du surf toute la journée. De contact en contact, nous avons créé un lien avec Craig Detweiler, réalisateur de documentaires. Sa façon de raconter l’histoire du cinéma hollywoodien, de la synthétiser et d’être aussi très drôle, est passionnante. Il nous a totalement séduites. Ce fut le même coup de cœur pour Molly Haskell. La rencontre s’est faite au travers de son livre La femme à l’écran paru en 1977. Lorsque nous avons préparé le documentaire sur l’évolution des femmes à Hollywood pour Arte, nous avons découvert cette bible fascinante qui évoque l’Amérique, le féminisme et la manière dont les femmes sont représentées à l’écran. Nous nous sommes rendues compte au fur et à mesure qu’elle était une pointure dans ce domaine. Pour Scorsese, Molly Haskell est d’ailleurs la plus grande critique de cinéma, à l’instar de son mari Andrew Sarris. Ce couple de critiques est très célèbre aux Etats-Unis mais pas du tout en France.

 

Martin Scorsese - L'Emotion par la musique de Clara et Robert Kuperberg / Photo Wichita Films

Martin Scorsese – L’Emotion par la musique de Clara et Robert Kuperberg / Photo Wichita Films

CC : Outre les spécialistes, vos documentaires regorgent de grands noms comme Scorsese (Orson Welles), James Ellroy (Film Noir), Spielberg, Cameron et Lucas (Science-fiction et Paranoïa), Dustin Hoffman (Steve Shapiro)… Quel a été le phénomène déclencheur qui vous a permis de constituer ce réseau incroyable ?

CK : Certains liens ont été créés dès le départ, comme Martin Scorsese car son premier agent était un ami de notre père. Nous avons donc pu réaliser avec lui le documentaire L’émotion par la musique en 2005. Depuis lors, il se tient au courant régulièrement des films qu’on réalise en nous envoyant un petit mot à chaque fois après visionnage. Il fait partie des réalisateurs très généreux, comme Steven Spielberg ou James Cameron, dès qu’il s’agit de la mémoire du cinéma. Mais nous remercions surtout TCM qui a souvent ouvert toutes les portes. Tout s’est ensuite rapidement enchaîné. Pour Steve Schapiro et les Icônes Américaines, on voulait Dustin Hoffmann, qui a accepté uniquement s’il faisait l’interview avec le photographe légendaire. Jodie Foster a de son côté volontiers donné son accord car elle aime beaucoup les Français. Quant à Milos Forman, l’acceptation s’est faite avec son manager, en charge aussi de Nora Ephron que nous avions interviewée pour Et Hollywood créa la Femme. Mais paradoxalement, je remarque que c’était tout de même plus facile avant. Il n’y avait pas cette armada de managers et de chargé(e)s de relations publiques autour des stars. L’accès était plus direct. Aujourd’hui pour obtenir l’aval de Jodie Foster, il a fallu passer par son staff aberrant, qui nous a demandé pléthores d’informations.

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