Synopsis : Ex-agent des forces spéciales, Jim Terrier est devenu tueur à gages. Jusqu’au jour où il décide de tourner la page et de se racheter une conscience en travaillant pour une association humanitaire en Afrique. Mais lorsque son ancien employeur tente de le faire tuer, Jim n’a pas d’autre choix que de reprendre les armes. Embarqué dans une course contre la montre qui le mène aux quatre coins de l’Europe, il sait qu’il n’a qu’un moyen de s’en sortir indemne : anéantir l’une des organisations les plus puissantes au monde…
♥♥♥♥♥
Gunman est la seconde adaptation cinématographique du roman La Position du Tireur Couché de Jean-Patrick Manchette, après Le Choc de Robin Davis avec Alain Delon (1982). Les deux longs métrages ont des points communs, en dépit des trente ans qui les séparent. Mais pour de fausses bonnes raisons. C’est à se demander si Delon n’a pas seulement accepté le tournage pour être auprès de Catherine Deneuve (qui n’a pas de rôle dans le roman) et si Penn en a fait de même pour soutenir les ONG et son action en Haïti (pas de cause humanitaire chez Manchette). Malgré son casting cinq étoiles, Gunman ne se révèle pas tant un grand film malade, comme les appelait Truffaut, qu’un navet en bonne et due forme. Sean Penn et Javier Bardem sont d’immenses acteurs mais ils s’avèrent ici étrangement inefficaces. La faute émane de l’absence d’un scénario convenablement écrit et de son réalisateur Pierre Morel, partisan du cinéma d’action après Banlieue 13, Taken et From Paris With Love, qui recycle les mêmes ficelles. Gunman représent
Pierre Morel, visiblement dépassé, donne l’impression d’installer ses caméras un peu partout et de combiner toutes ces images capturées au montage. On y trouve ainsi des taureaux qui courent au ralenti, des vues d’hélicoptères sans justification et des jolis plans à travers des sculptures qui vont au détriment de la lisibilité séquentielle. Les faux raccords sont également légions. Après avoir traversé des chemins poussiéreux, la BMW d’Anna semble sortir d’un lavage en règle. Ailleurs, cette dernière, qui se vêt rapidement au sortir de la douche sans soutien-gorge, en porte un le plan suivant. Ou encore Félix, qui se jette au sol après une fusillade, se retrouve l’instant d’après assis avec une coupe de champagne pleine à la main.
L’un des inconvénients majeurs de Gunman est aussi dans les messages qu’il véhicule, comme Barcelone où se situe entre autres l’action. La ville doit être vraiment dans le besoin d’argent pour accepter de cofinancer une œuvre qui fait l’apologie de la tauromachie alors qu’elle a proscrit cette activité depuis des années. Pour sauver l’honneur de cette hypocrisie, un carton jaune nous le rappelle en fin de générique. Carton rouge ! Au niveau musical, même constat. Non pas que la musique de Marco Beltrami soit insignifiante, bien au contraire, mais elle ne fonctionne pas avec l’intrigue ni les images. Les scores au piano, en mode transe, ne servent précisément pas les scènes d’amour, qui deviennent irréelles et dénuées de sentiments. Philippe Sarde avait suscité l’effet contraire pour Le Choc, dont la splendide musique a quasiment sauvé l’ensemble.
Il ne reste donc rien ici du superbe polar de Manchette. Le distributeur a eu la décence de ne pas faire trop état du lien avec le roman d’origine, à l’inverse de la maison d’édition, qui a rajouté un bandeau “Gunman au cinéma”, pour le plus grand désespoir de ceux qui espèrent retrouver (un peu) l’émotion littéraire à l’écran. Car le récit, coécrit par Pete Travis, Don MacPherson et Sean Penn, flingue maladroitement à tout-va et n’aide en rien les protagonistes à établir une certaine crédibilité. Le plus grand malaise revient à celui campé par la star de 55 ans, oscarisée pour Mystic River et Harvey Milk, qui se lançait pourtant dans le premier film d’action de sa carrière. Jim Terrier, tueur à gages au sang-froid, accepte de ne plus revoir la femme qu’il aime pour une poignée de dollars et devient bénévole en creusant des puits au fin fond du Congo. Si le pitch avait déjà dû mal à nous faire croire à l’existence de cette dualité, la prestation de Sean Penn a malheureusement suffi de l’asséner. Gunman se révèle ainsi un assemblage d’incohérences. Chez Manchette, les personnages ont toujours des comportements justifiés, un destin, une fatalité. Lorsque Terrier retrouve Anne, après dix années d’absence, il honore une promesse, celle d’avoir accumulée une fortune pour partir avec elle. Dans l’adaptation, il l’a abandonnée et ne la retrouve que par la force des événements. Si l’on apprécie la durée de lecture du polar de l’auteur ou de ses indispensables chroniques cinéma, les deux heures de Gunman à l’écran s’avèrent une inutile perte de temps.
- GUNMAN de Pierre Morel en salles depuis le 24 juin 2015.
- Avec : Sean Penn, Jasmine Trinca, Javier Bardem, Ray Winstone, Idris Elba, Mark Rylance, Peter Franzen, Billy Billingham…
- Scénario : Pete Travis, Don MacPherson, Sean Penn d’après son roman La Position du Tireur Couché de Jean-Patrick Manchette
- Production: Andrew Rona, Joel Silver, Sean Penn
- Photographie : Flavio Martinez Labiano
- Montage: Frédéric Thoaraval
- Décors: Andrew Laws
- Costumes: Jill Taylor
- Musique : Marco Beltrami
- Distribution: StudioCanal
- Durée: 1h57
.