Synopsis : À la fin de leur année de quatrième, Theo et Daniel deux collégiens marginaux décident de se construire leur propre véhicule pour échapper à leurs familles le temps des grandes vacances.
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De son propre aveu, Michel Gondry est sorti exténué de son adaptation de L’ÉCUME DES JOURS (notre critique) de Boris Vian. Beaucoup plus intimiste, Microbe et Gasoil s’apparente à la quête d’un nouveau souffle et à un vrai retour aux sources. Habitué à tourner aux Etats-Unis, le réalisateur versaillais s’est replongé dans sa propre jeunesse, vers les rencontres qui l’ont structuré et les racines de sa vocation artistique. L’expérience valait le détour ! De cette introspection est né un road trip initiatique, habité par un duo déphasé et hilarant. Daniel Guéret alias Microbe (Ange Dargent) est un élève de 4e dans un collège versaillais. C’est à lui que le réalisateur s’identifie le plus. Âgé de 14 ans, l’adolescent complexé par une puberté plus sensible (les adultes le prennent pour une fille) se débat entre une mère intrusive (Audrey Tautou) et les brimades de fils à papa plus grands que lui. Conscient et embarrassé par sa singularité, l’adolescent peine à se trouver une identité. À ses heures perdues, il dessine à la gouache des dessins punks, mais aussi des nus qu’il cache sous son matelas et des portraits de Laura, une camarade de classe, dont il semble amoureux. En cours d’année scolaire, Theo Leloir (Théophile Baquet), un nouvel élève, débarque dans sa classe. Surnommé Gasoil, son look étrange et sa maturité lui attirent l’hostilité des autres collégiens. Daniel est vite séduit par son assurance et sa répartie qui lui permettent d’assumer sa nature marginale. À l’approche des grandes vacances, les deux complices, devenus inséparables, se bricolent une maison roulante à partir d’un sommier, un moteur de tondeuse et des planches de bois. Dans cet attelage, ils s’engagent dans une aventure qui les emmène jusqu’au Morvan, loin de leurs familles et leurs camarades.
Dans l’écriture de ce tandem irrésistible, on sent que Michel Gondry n’a pas cherché à tendre un miroir à une génération biberonnée aux smartphones ni à reconstituer les années 70. Un choix très judicieux. Les deux personnages allergiques aux nouvelles technologies ne semblent appartenir à aucune époque ni à aucune mode. L’impression de décalage n’en est que plus jubilatoire pour nous ; le véhicule de Microbe et Gasoil charme à la fois par son ingéniosité et sa naïveté. Le ressort psychologique de leur amitié fonctionne ainsi à merveille. C’est même le véritable moteur de cette cabane improbable qui avance en cahotant sur les routes de campagne, accompagnée par les mélodies de Jean-Claude Vannier.
Le ton des jeunes acteurs est juste et prometteur. Charismatique, le personnage de Théo, construit à partir de divers souvenirs, est taquin sans être irrespectueux, mentor mais non gourou. Leurs conversations, agrémentées de ses aphorismes croustillants, aident Daniel à dépasser ses angoisses, s’affranchir du regard des autres et oublier Laura pour trouver sa propre voie. Théo devient dès lors le catalyseur de l’émancipation de Daniel qui se matérialise par une mue capillaire et vestimentaire. Au point d’être dépassé par son élève qui prend les rênes de leur périple. On peut néanmoins reprocher à Microbe et Gasoil de ne pas égaler la finesse des portraits tissés dans The We and the I qui traite pourtant à huis clos du même sujet, toujours à partir des souvenirs personnels de Michel Gondry. Daniel se construit en complète opposition du monde des adultes et des autres, perçus comme foncièrement hostiles. À l’inverse, dans le bus newyorkais, la frontière entre persécuteurs et victimes finit par s’estomper à mesure que progresse le récit…
Etienne Vergne
- MICROBE ET GASOIL écrit et réalisé par Michel Gondry en salles le 8 juillet 2015.
- Avec : Ange Dargent, Theophile Baquet, Audrey Tautou, Diane Besnier, Vincent Lamoureux, Agathe Peigney, Douglas Brosset, Charles Raymond, Ferdinand Roux-Balme, Marc Delarue…
- Production : Georges Bermann
- Photographie : Laurent Brunet
- Montage : Elise Fievet
- Décors : Stéphane Rozenbaum
- Costumes : Florence Fontaine
- Distribution : StudioCanal
- Durée : 1h43
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