Fimucité 2015/ les compositeurs français superbement célébrés

Publié par Jérôme Nicod le 13 juillet 2015
Fimucité 2015

Fimucité 2015 / Photo Jérôme Nicod pour CineChronicle

Pour sa neuvième édition, le Festival International de Musique de Film de Tenerife (Fimucité) a mis les compositeurs français à l’honneur lors d’un concert intitulé ‘French Connection’ le 10 juillet 2015, hommage à Georges Delerue, Philippe Sarde, Michel Legrand, Maurice Jarre ou encore Alexandre Desplat. Retour sur une soirée toute en subtilités musicales.

 

 

 

Auditorium du Fimucite

Auditorium du Fimucite

Fimucité de Ténérife, une des îles des Canaries dans le sud de l’Espagne, est un événement prestigieux et très attendu, qui s’étend sur près de dix jours. Pour cette neuvième édition, qui s’est déroulée du 3 au 11 juillet 2015, le festival a proposé trois grands hommages musicaux : au Studio Ghibli, au septième art hexagonal et au cinéma américain des années 1980 avec ‘Back In Time: 1985 Live’. La soirée ‘French Connection’ fut bien sûr à son comble, débutant par une vidéo tirée de Retour vers le Futur, qui fête donc ses trente ans. Le clip fut en réalité tourné au pied du majestueux auditorium, avec en clin d’œil un sosie de Michael J. Fox en skate board. Les quelques rires dans la salle ont marqué l’ouverture de ce concert qui a ainsi fait la part belle à une quinzaine de compositeurs français mythiques, tout en décernant des prix à certains d’entre eux. Les révélations de ce millésime 2015 ont été notamment Pascal Gaigne, prix du compositeur de l’année, et Zacarias de La Riva, meilleure musique pour Automata inédit dans l’hexagone. De Pascal Gaigne, nous avons pu écouter Loreak (2014), tout en corde, une sensibilité qui évoque John Barry, et Lasa et Zaballa (sorti le 6 mai en France). Ce dernier morceau semblait continuer sur le même esprit mais il a développé rapidement son propre univers mélodique. Quant à Zacarias de La Riva, son travail sur le thriller de science-fiction avec Antonio Banderas fut remarquable. L’Ouverture avec des chÅ“urs a rappelé l’influence de John Williams. Son score possède de la profondeur, et les diverses couches instrumentales ont renvoyé au meilleur du compositeur aux cinq Oscars. Mais de la même manière que Pascal Gaigne, le Barcelonais a développé un univers personnel.

 

GEORGE DELERUE PARFAITEMENT JOUÉ MALGRÉ UNE ACOUSTIQUE CAPRICIEUSE

 

Tirez sur le Pianiste (1960) - affiche

Tirez sur le Pianiste (1960) – affiche

Démarrer le programme avec les compositions du grand Georges Delerue, en hommage à François Truffaut, s’est avéré vite une erreur. L’attaque avec le morceau sur piano/contrebasse, Tirez sur le Pianiste (1960), fut trop en douceur car il a fallu s’adapter à l’acoustique très diffuse de la salle. Si celle-ci est spectaculaire d’un point de vue architectural, la sonorité ne lui rend pas justice, au point de devoir amplifier le son de l’orchestre. Ce fut dès lors une déception. Les morceaux musicaux se sont succédé à grand rythme, accompagnés d’affiches de films qui ne se synchronisaient pas à l’écran. Il en est ressorti l’impression que Delerue avait composé la même musique tout au long de sa collaboration avec le maître de la Nouvelle Vague. Malgré les images rares des deux hommes, projetées devant nous, l’émotion fut amoindrie en raison de la faible portée sonore de l’orchestre. Quelle tristesse ce moment de magie manqué. Le programme s’est ensuite poursuivi avec les thèmes cultes mais assez linéaires de Francis Lai : sa première Å“uvre Un Homme et une Femme (Claude Lelouche, 1966) et Love Story (Arthur Hiller, 1970). Ce premier acte s’est ainsi révélé un vrai paradoxe entre le travail brillant du chef d’orchestre Diego Navarro, donnant de sa personne pour obtenir le meilleur afin d’être le plus fidèle aux compositions vivantes, et le résultat sonore qui nous parvenait de manière diffuse et faible.

 

LA MAGIE PHILIPPE SARDE

 

Tess - poster

Tess – poster

La situation s’est arrangée avec l’hommage à Philippe Sarde. L’amplification du niveau sonore a été augmentée et l’attaque de La Guerre du Feu (1981) fut une merveille. Toute la profondeur du style inimitable du célèbre compositeur fut présente. Sa sonorité si particulière et sa complexité sont toujours d’une gourmandise sans fin. La fragilité fut incarnée par Juan Cantero à la flûte de pan, lui-même un peu stressé. Sarde est un compositeur intègre, qui ne sacrifie pas sa musique sous influence. Il fallait son talent et la folie de Jean-Jacques Annaud pour parvenir à ce résultat. Sa musique apparaît comme en 3D après la linéarité du premier acte. S’en suit Fort Saganne (Alain Corneau, 1983), tout en finesse et en charme, avec Gabriele Roberto Zanett, parfait violoncelle solo. Ce fut ensuite au tour de Tess (Roman Polanski, 1979), pour lequel Sarde a reçu une nomination à l’Oscar de la meilleure musique. Cette suite très élégante, riche mais légère, est parfois d’une complexité qui la met en danger. Mais Sarde la rattrape toujours. Ces trois extraits furent intenses mais bien trop courts. Il manquait un morceau de Claude Sautet pour parfaire un hommage sérieux au cinéma français. Pour clore cette première partie, changement radical de registre avec Les Parapluies de Cherbourg de Michel Legrand pour Jacques Demy (1963).

 

DES COMPOSITEURS SUR SCÈNE EN SECONDE PARTIE

 

The Grand Budapest Hotel affiche

The Grand Budapest Hotel affiche

Fimucité est un festival vraiment charmant. Fut-ce la chaleur tropicale ? Car l’orchestre de Jazz à l’extérieur a drainé une foule qui a laissé la crise derrière elle. Il y régnait un climat général de douceur. Les spectateurs ont rejoint le gigantesque bar, à l’instar de Bruce Broughton. L’occasion de lui glisser à quel point nous avons apprécié sa direction d’orchestre à Séville (notre compte-rendu du concert) et de voir son visage impassible esquisser un sourire. Il nous avait fait la surprise d’attendre les rappels pour jouer Silverado, son Citizen Kane musical, une de ses premières compositions restant à ce jour sa musique de référence. « Mais demain soir, vous risquez de l’entendre à nouveau » nous a-t-il avoué, complice.

 

L’ouverture de la seconde partie a offert un joli moment à François de Roubaix. Le compositeur iconoclaste et auteur du générique de Gaumont version 70, ayant collaboré avec Robert Enrico, José Giovanni, Yves Boisset ou encore Jean-Pierre Mocky, est décédé en 1975 à Tenerife lors d’un accident de plongée. Son fils et sa fille ont reçu en son nom le prix Fimucité, le plus prestigieux du festival. Nous aurions aimé que l’orchestre joue l’une de ses nombreuses et célèbres compositions. Pour autant, ce fut au tour de Jean-Michel Bernard d’entamer la suite du programme. Sur scène, il s’est installé au piano, toujours sous la direction de Diego Navarro, pour jouer différents extraits de son travail assidu pour Michel Gondry : l’audacieux La science des Rêves et Human Nature avec Kimiko Ono, venu prêter sa voix, et Kyle Perdomo, au saxo. Un morceau d’Alexandre Desplat a enchaîné, THE GRAND BUDAPEST HOTEL (notre critique) pour lequel il a remporté le premier Oscar de sa carrière. Ce fut succinct mais très beau. Entendre la musique, c’est revoir ce bijou d’expressions artistiques et retourner sur les lieux d’un bon souvenir. À l’écouter en direct, on lui trouve un charme désuet qui pourrait appartenir à la famille de Nicolas Piovanni.

 

Docteur Jivago - affiche

Docteur Jivago – affiche

Maurice Jarre s’est ensuite imposé dans la salle qui manquait décidément de restitution dans les graves. L’énergie fut néanmoins au rendez-vous. Le programme a en outre inclus des morceaux peu connus, qui ont révélé d’autres facettes du maître hollywoodien : Pancho Villa (1968), Les vendanges de feu (1995) et Le Prince et le Pauvre (1977, inédit en France). La musique du Docteur Jivago (1965) fut bien sûr l’occasion de rendre hommage à Omar Sharif, dont on apprenait la disparition le matin même à l’âge de 83 ans. On pouvait voir sur grand écran le style visuel du réalisateur américain David Lean avec les extraits du film qui illustraient les partitions. Se découvraient les plans des visages pétris d’émotion comme au temps du muet, en hyper expressivité, à travers la musique en direct. Le résultat fut magique.

 

Le prolongement de cette expérience fut amorcé par Ludovic Bource, qui s’est placé aux deux claviers pour participer à THE ARTIST (notre critique), lauréat de 5 Oscars dont celui de la meilleure musique en 2011. Diego Navarro nous a fait la surprise d’un rappel pour le final avec Paris Brûle-t-il ? (René Clément, 1966). Une version chaleureuse, sincère, mais sans accordéon. Cette belle soirée, à la générosité indéniable, a ainsi duré près de trois heures pendant lesquelles le public a surtout applaudi les musiques composées pour Hollywood. Preuve que la French Connection n’est pas toujours connectée au reste du monde…

 

 

 

PROGRAMME DU FIMUCITÉ 2015

Soirée The French Connection

 

PREMIÈRE PARTIE

  1. Hommage à Truffaut (Tirez sur le Pianiste / L’Amour à vingt ans / Jules et Jim / Le Peau Douce / Les Deux Anglaises et le Continent / Une Belle Fille Comme Moi / Vivement Dimanche / La Nuit Américaine / La Femme d’à Côté – Le Dernier Métro, Georges Delerue
  2. Un Homme et une Femme (Main Theme), Francis Lai
  3. Love Story (Main Theme), Francis Lai
  4. Fort Sagane (Main Theme), Philippe Sarde
  5. La Guerre du Feu (Love Theme), Philippe Sarde
  6. Tess (Suite), Philippe Sarde
  7. Les Parapluies de Cherbourg (Concert for Harp and Orchestra), Michel Legrand

 

SECONDE PARTIE

  1. La Science Des Rêves (Suite), Jean-Michel Bernard
  2. Human Nature (« Here With You »), Jean-Michel Bernard
  3. Soyez sympas, rembobinez (Suite), Jean-Michel Bernard
  4. Lawrence d’Arabia (Overture), Maurice Jarre
  5. Pancho Villa (Suite), Maurice Jarre
  6. Les Vendanges de Feu, Maurice Jarre
  7. Le Prince et le Pauvre, Maurice Jarre
  8. Docteur Jivago (Suite), Maurice Jarre
  9. Grand Budapest Hotel (Suite), Alexandre Desplat
  10. The Artist (Suite), Ludovic Bource

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