Synopsis : Le cinéma sud coréen bénéficie d’une reconnaissance internationale dans le domaine du film de genre. Thriller, horreur, suspens, gore, films de zombies, de vampires ou d’exorcisme : tous les sujets sont un prétexte à l’expression débridée et talentueuse des réalisateurs coréens contemporains. Claustrophobia est une sélection de cinq films représentatifs de cette vitalité et virtuosité d’un cinéma encore méconnu en France.
♥♥♥♥♥
Si la mission de l’Agence du court métrage est de valoriser les œuvres françaises, l’organisme s’ouvre naturellement aux productions étrangères. Après la Croatie et l’Afrique du Sud, c’est la Corée du Sud qui est aujourd’hui mise à l’honneur à travers 5 courts-métrages dans la tradition du cinéma de genre. Mould (25 min) de Park Chun-Kyu, est une parfaite entrée en matière, il réinvente le thriller intimiste et domestique, saisissant dès la première minute le spectateur au ventre. Une mère et son fils, visiblement atteints du syndrome de Diogène, vivent reclus dans un appartement envahi par les immondices. Le lieu est poisseux et humide ; régulièrement, la propriétaire tambourine à la porte pour réclamer le loyer. Mais le bruit du martèlement n’est pas aussi insoutenable que celui des gouttes qui tombent continuellement. Cet écoulement ininterrompu donne finalement la nausée et renforce l’atmosphère cauchemardesque. On ne peut pas dire si les personnages sont morts depuis longtemps ou s’ils sont en quête de résurrection. Leur aspect irréel et fantomatique fait douter le spectateur quant à leur véritable nature. L’apparition d’une jeune fille semble les faire revenir à la vie. Même avec le renouveau opéré par cette présence inespérée, l’exclusion sociale et la défaillance communicationnelle ne sont jamais loin. C’est la question que Safe (13min) de Moon Byoung-Gon, Palme d’or du court en 2013, pose également à la société. Se déroulant dans le parking d’un vieil immeuble de Séoul, cet étouffant thriller met en scène une jeune femme employée dans un trafic de coupons de réduction. À chaque transaction, elle n’oublie pas de se réserver une commission personnelle mais un client agressif s’aperçoit bien vite de la combine. Déjà enfermée par la précarité, l’héroïne fait un choix qui est le twist de cette œuvre, la positionnant tout autant victime qu’orchestratrice de son propre désastre. Des cinq œuvres, Safe est sans doute le plus représentatif du thème majeur de Claustrophobia: littéralement, l’espace, l’oxygène et la lumière se raréfient. Net et lisse, le court questionne de manière instinctive la violence, la face destructrice du capitalisme et l’isolement des êtres ; toujours avec un humour mordant et terrible.
Last interview (18 min) de Hyun moon-sub s’attaque à une autre plaie contemporaine, toujours liée à l’exclusion sociale. Cette fois, c’est le vampirisme qui est métaphoriquement mis en cause. Créature de la nuit parasite par excellence, un jeune sans emploi se rend à son ultime entretien d’embauche. Face à ses employeurs potentiels, l’inadaptation sociale du personnage prend ici un tour bien plus tragique et aux allures de drame apocalyptique. Dans Janus (15 min) de Kim Sung-Hwan, le mélange des genres est également de mise ; la folie furieuse côtoie l’effroi le plus glacé ; une simple scène de ménage laisse place à une déferlante de violence. Sur une route de campagne enneigée, un couple renverse par accident un enfant. La situation s’inverse alors et les plus terribles secrets de ce couple apparaissent au grand jour. La jeune femme doit échapper à la colère de son compagnon qui cherche à la convaincre de dissimuler le corps. Leur conflit est filmé par la boîte noire du véhicule, laquelle garantie une terrifiante promiscuité, et par le téléphone portable.
Enfin, 12th Assistant Deacon (22 min) de Jang Jae-Hyun réaffirme la critique sociale et politique dont le cinéma coréen est porteur. La scène se place ici encore en plein cœur de Séoul. Contrairement à Safe, 12th Assistant Deacon nous donne à voir une ville chatoyante et pleine de néons. Sorte d’hommage à L’Exorciste de William Friedkin, ce court-métrage montre un prêtre et son jeune assistant tentant de sauver une jeune femme hantée par la présence d’un démon. À la terreur de cet affrontement s’ajoutent également de sombres réminiscences. Le jeune assistant devra affronter ses propres démons, le souvenir des sévices dont il a fait l’objet pendant son service militaire. Un moyen pour le réalisateur de s’attaquer à la stricte hiérarchie, parfois peu soucieuse de la dignité humaine, qui encadre le service coréen, dans cette œuvre davantage spirituelle que religieuse. Claustrophobia est un programme d’œuvres éminemment représentatives de la Korean Touch cinématographique ; viscérales, organiques, souvent drôles, et toujours magistralement orchestrées. Si le gore est par moments présent, il n’exclut jamais l’élégance formelle. Cette violence insoutenable n’est donc jamais gratuite mais sert à dresser une réelle représentation du monde actuel : entre constat alarmant et invitation à l’évasion poétique.
- CLAUSTROPHOBIA, programme de 5 courts métrages sud-coréens en salles le 16 septembre 2015.
- Réalisation : Park Chun-Kyu, Moon Byoung Gon, Hyun Moon, Sung Hwan Kim, Jang Jae Hyun.
- Distribution : L’Agence du court métrage