Asphalte de Samuel Benchetrit: critique

Publié par Charles Amenyah le 11 octobre 2015

Synopsis : Un immeuble dans une cité. Un ascenseur en panne. Trois rencontres. Six personnages. Sternkowtiz quittera-t-il son fauteuil pour trouver l’amour d’une infirmière de nuit ? Charly, l’ado délaissé, réussira-t-il à faire décrocher un rôle à Jeanne Meyer, actrice des années 80 ? Et qu’arrivera-t-il à John McKenzie, astronaute tombé du ciel et recueilli par Madame Hamida ?

 

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Asphalte - poster

Asphalte – poster

Cette adaptation, issue du roman Chroniques de l’Asphalte écrit par Samuel Benchetrit en 2005, entremêle des récits et met en scène la banlieue à travers des personnages pittoresques. Le réalisateur de J’ai toujours rêvé d’être un gangster revient avec une œuvre formellement très mature mais au fond tournée vers la rêverie. Samuel Benchetrit présente la banlieue loin des clichés habituels, décrite ici comme un univers très clos où des individus vivent ensemble en permanence mais n’ont pas de raison de communiquer verbalement. Sous l’apparente promiscuité pointe la solitude ; celle de Sternkowitz (Gustave Kerven) qui a perdu sa mère, d’Hamida (Tassadit Mandi) dont le fils est en prison, et de Charly (Jules Benchetrit) dont la mère est absente. On peut aussi percevoir la fragilité de l’infirmière (Valéria Bruni Tedeschi), qui apporte une fêlure à ce tableau, ou bien encore l’irruption de John Mc Kenzie (Michael Pitt), un astronaute qui atterrit accidentellement dans ce paysage et est recueilli par Hamida. Selon l’aveu de Samuel Benchetrit, Asphalte est avant tout le récit d’une chute : on tombe en effet de l’Espace, d’un fauteuil ou même de son propre pinacle… pour être toujours sauvé au moyen d’un bricolage onirique. Faire du beau avec du moche devient ainsi l’un des enjeux majeurs, d’où l’incroyable capacité des personnages à s’approprier leur environnement morose et à en extraire toute l’élégance cachée, principalement à travers les vertus de la débrouille et de la récupération : débrouillardise de Charly, dont la précocité le pousse à tout observer, à commencer par sa voisine ; bricolage de Sternkowitz, qui s’invente une vie de photographe pour séduire une infirmière timorée. Quant à Jeanne Meyer (Isabelle Huppert), elle campe une ancienne vedette qui, pour une mystérieuse raison, s’est exilée en banlieue. Tous les personnages apparaissent ainsi comme des rêveurs égarés.

 

AsphalteAsphalteAsphalteAsphalte

 

Dénué de parole, Asphalte fonctionne à travers les regards et les expressions. Le silence devient aussi assourdissant dans cet immeuble que dans le vide de l’Espace, dans lequel baigne l’astronaute. L’image joue aussi un rôle fondamental, elle transfigure la banlieue entre nostalgie et rêverie. Elle aplanit les différences, l’entraide et la découverte de l’autre sont dès lors mises en exergue, à l’instar de la communication. Car si Asphalte repose sur un jeu de mimiques et de suggestions, tout se complexifie à mesure que les personnages tissent des liens et que la trame se noue. Duo cacophonique par excellence, Hamida et l’astronaute se heurtent dès leur rencontre à la barrière de la langue. On s’étonne de voir Michael Pitt surgir au sein de ce casting. De la même manière, le choix de projeter cet astronaute au milieu de l’intrigue est aussi loufoque. Cependant, l’idée est réussie et l’on s’étonne du réalisme avec lequel le film dépeint l’Espace. L’ensemble est renforcé par les mélodies légères de Raphaël auxquelles s’ajoute le chuintement du métal, les cris d’un ascenseur défectueux ou le bruit strident d’un vélo d’appartement. Artefacts vivants, l’appareil photo et la caméra apparaissent comme des instruments magiques capables de révéler les êtres ; ils leur donnent également la capacité de se réinventer. Asphalte se révèle un encouragement à lutter contre la solitude, à ne pas être une victime du sort ou de son environnement. Et cette fuite d’un réel parfois trop lourd peut se faire autant par l’imagination qu’en allant au devant des autres.

 

 

 

  • ASPHALTE de Samuel Benchetrit en salles le mercredi 7 octobre 2015
  • Avec : Isabelle Huppert, Gustave Kerven, Valéria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michael Pitt, Mickaël Graehling, Larouci Didi…
  • Scénario : Samuel Benchetrit, Gabor Rassov d’après Chroniques de l’Asphalte de Samuel Benchetrit
  • Production : Ivan Taïeb, Marie Savare de Laitre, Julien Madon.
  • Photographie : Pierre Aïm
  • Montage : Thomas Fernandez
  • Décors : Jean Moulin
  • Costumes : Mimi Lempicka
  • Musique : Raphaël Haroche
  • Distribution : Paradis Films
  • Durée : 1h40


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