Synopsis : Capitaine Thomas Sankara dévoile le destin unique du président du Burkina Faso, de son élection en 1983 à son assassinat en 1987. Révolutionnaire, féministe et écologiste, Thomas Sankara a transformé l’un des pays les plus pauvres du monde en défendant la voix des exclus jusqu’à la tribune de l’ONU pour réclamer l’annulation de la dette africaine. Ces archives étonnantes redonnent la parole à ce leader charismatique qui a marqué les consciences bien au-delà de l’Afrique.
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Que reste-t-il aujourd’hui de Thomas Sankara ? Pour Christophe Cupelin, des mots, des discours, des écrits et des paroles qui nous font découvrir un homme politique hors du commun. Plus qu’un documentaire, Capitaine Thomas Sankara est un hommage à l’ancien président burkinabé, assassiné alors qu’il n’avait que 38 ans. S’il est sans conteste un homme fascinant, le réalisateur est visiblement lui aussi sous le charme. Ce dernier reprend à son compte les sources qu’il utilise et le spectateur accepte ce qu’il voit. On touche ici à l’ambivalence des documentaires composés uniquement d’archives ; l’angle choisi a ses limites. En l’absence d’interviews et de mises en perspective, les discours prennent le dessus et on apprend peu sur l’homme et la réalité des événements. Pourtant, il y aurait des choses à dire ; Sankara est en effet une figure controversée. Derrière les mots d’un orateur exceptionnel, des méthodes sont parfois discutables. Evoqués au détour d’une interview, les « erreurs » du leader africain sont vite balayées d’un revers de la main, comme le cas des Tribunaux Populaires de la Révolution. Le film nous montre un procès mais oublie quelques détails : en ce lieu, les avocats étaient interdits, l’accusé était présumé coupable et c’était donc à lui de prouver son innocence. À ce bémol s’ajoute quelques défauts formels, comme un montage parfois maladroit et la colorisation systématique des journaux télévisés français. L’idée était pourtant intéressante. Le visage des présentateurs vire au bleu ou au vert ; par ce jeu de décalage, le réalisateur souligne la partialité des journalistes. Mais au lieu d’éclairer le propos, cet effet très prononcé surprend et gêne la lecture. Néanmoins, on oublie vite toutes ces petites imperfections car les documents réunis par Christophe Cupelin sont passionnants, comme cette incroyable joute verbale avec François Mitterrand.
Lors d’une visite du président français au Burkina Faso en 1986, les deux hommes sont en effet réunis lors d’une conférence de presse. Devant les caméras de télévision, Sankara déclare : « Nous n’avons pas compris comment des bandits, comme Jonas Savimbi, des tueurs comme Pieter Botha, ont eu le droit de parcourir la France (…). Ils l’ont taché de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang… ». À ses côtés, Mitterrand contient sa colère. Au moment de prendre la parole, il pèse ses mots, « C’est un homme un peu dérangeant, le Président Sankara… » et de finir son discours en posant une main pleine de condescendance sur l’épaule de son homologue… Cette scène nous fait toucher du doigt la complexité des relations franco-africaines. On est ici au cœur de ce que l’économiste François-Xavier Verschave a nommé plus tard la « Françafrique », une forme de néo-colonialisme contre lequel Thomas Sankara s’est battu sans relâche. Au final, l’ancien président du Burkina Faso a incarné un certain idéal révolutionnaire et est devenu aujourd’hui une idole à la façon de Che Guevara. Dans le documentaire de Christophe Cupelin, sa personnalité crève l’écran. La multiplication des images fixes et des gros plans sur son visage renforce encore le sentiment d’empathie du spectateur. La musique est elle aussi particulièrement bien utilisée ; son rythme soutenu souligne la fougue et la ferveur du leader africain. Capitaine Thomas Sankara créé ainsi, avec son sujet, une familiarité qui rend sa fin d’autant plus brutale et nous laisse avide d’en savoir davantage.
- CAPITAINE THOMAS SANKARA écrit et réalisé par Christophe Cupelin en salles le 25 novembre 2015.
- Montage, Photographie et Son : Christophe Cupelin
- Montage son et Mixage : Philippe Ciompi
- Musique : Fela Kuti
- Production : Nicolas Wadimoff, Christophe Cupelin
- Distribution : Vendredi Distribution
- Durée : 1h30
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