Au Cœur de l’Océan de Ron Howard: critique

Publié par Eric Delbecque le 10 décembre 2015

Synopsis : Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l’embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…

 

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Au coeur de l'Océan - affiche

Au coeur de l’Océan – affiche

Ron Howard est rarement tombé dans la facilité. Il le prouve une fois encore avec Au Cœur de l’Océan, d’après le récit de l’écrivain américain Nathaniel Philbrick qui relate le naufrage de l’Essex en 1820, lequel inspira Moby Dick d’Herman Melville. L’histoire est simple : des marins partis chasser le cachalot, pour recueillir la précieuse huile de baleine, nécessaire à l’éclairage des cités humaines du XIXe siècle, croisent la route d’un animal géant qui détruit le navire et tue progressivement les survivants de l’équipage. S’il est difficile de construire un blockbuster à rebondissements, la valeur de ces deux heures passées sur l’Atlantique et le Pacifique sont à chercher ailleurs. On retient d’abord le charisme de Chris Hemsworth, que le réalisateur retrouve après l’excellent RUSH (notre critique). Dirigé avec exigence, il offre ainsi un capitaine en second, Owen Chase, extrêmement convaincant – à la fois sobre et riche de significations épurées et suggérées. Il rappelle d’une certaine manière la complexité du capitaine Jack Aubrey, de Master and Commander, joué par Russell Crowe. Défi d’autant plus redoutable pour l’un des héros de la saga musclée des Avengers que la première partie d’Au Cœur de l’Océan repose sur un scénario plutôt mince. Il s’appuie essentiellement sur la découverte des personnages, que la modestie des dialogues ne rend d’ailleurs pas facile. Le jeu entre la victime devenant prédateur (le cachalot) et ses poursuivants qui se transforment en proies (les hommes) ne suffit pas à soutenir seul l’intérêt du spectateur.

 

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Pour nous aider dans le décryptage des caractères, les échanges entre le romancier Herman Melville (Ben Whishaw) et Thomas Nickerson (Brendan Gleeson), un mousse embarqué sur l’Essex, explorent les relations entre Chase et le capitaine George Pollard (Benjamin Walker) sur plusieurs décennies après le drame. Ce « duel » très évolutif creuse, au fur et à mesure du déploiement de l’intrigue, quelques problématiques fondamentales sur les rapports humains, notamment la philosophie du commandement, l’émergence de la confiance et du respect entre les individus, et la construction des valeurs éthiques. Les deux officiers finissent par s’estimer et se comprendre, même si leurs divergences de tempérament demeurent, ainsi que la barrière de classe, toujours manifeste, entre Chase et Pollard qui appartient à la caste des capitaines. La prestation de Cillian Murphy (lieutenant Matthew Joy) est d’ailleurs intéressante dans un rôle secondaire difficile, avec quelques moments de grâce. Celui qui campait Jonathan Crane dans The Dark Knight de Christopher Nolan interprète ici un homme de devoir, calme et résigné, dont on saisit l’importance lors du bref séjour des marins sur un petit îlot perdu.

 

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L’ambiance est lourde durant deux heures, et la lente installation de ce que l’on redoute progressivement – le cannibalisme pour survivre au naufrage – amplifie considérablement la portée des réflexions philosophiques et morales que fait naître Ron Howard. Sans relief particulier, la musique ne mobilise cependant guère l’émotion, davantage sollicitée par la qualité du maquillage des acteurs dans leur lente descente aux enfers, durant 90 jours. On ne peut par ailleurs manquer la résonance avec la COP 21 : il est évidemment question ici de notre place dans l’ordre naturel, et de l’usage que nous faisons des ressources de la planète pour entretenir notre développement technologique et économique. Les baleiniers en quête d’huile participaient bien entendu au capitalisme conquérant de l’âge de l’essor industriel. Mais nul moralisme écologique, pesant et naïf, dans le traitement de cette traque au cétacé : l’idée est avant tout d’inciter à une démarche de questionnement sur le statut de « roi terrestre » de l’être humain. Quelques individus se heurtent violemment à la revanche de la Nature : voilà ce que l’on tire de ces portraits de marins rudes et équivoques. S’en dégage également une intéressante inquiétude morale, un regard sur la culpabilité personnelle d’avoir brisé un tabou pour assurer sa survie. Au cœur de l’Océan est un drame d’aventure dur et éprouvant mais de grande classe, résumé par cette élégante phrase d’introduction : « Comment puis-je connaître ce qui ne peut l’être »

 

Eric Delbecque

 

 

  • AU CŒUR DE L’OCÉAN (In the Heart of the Sea) réalisé par Ron Howard en salles depuis le 9 décembre 2015.
  • Avec : Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Cillian Murphy, Ben Wishaw, Tom Holland, Brendan Gleeson, Charlotte Riley, Frank Dillane, Michelle Fairley, Donald Sumpter, Paul Anderson, Joseph Mawle…
  • Scénario : Charles Leavitt en collaboration avec Rick Jaffa, Peter Morgan et Amanda Silver, d’après le livre La Véritable Histoire de Moby Dick : le naufrage de l’Essex qui inspira Herman Melville de Nathaniel Philbrick.
  • Production : Brian Grazer, Will Ward, Joe Roth, Paula Weinstein, Ron Howard.
  • Photographie : Anthony Dod Mantle
  • Décors : Mark Tidesley
  • Costumes : Julian Day
  • Montage : Daniel P. Hanley, Mike Hill
  • Musique : Roque Baños
  • Distribution : Warner Bros
  • Durée : 2h01

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