Sortie DVD/ Rencontre avec Xavier Giannoli autour de Marguerite

Publié par CineChronicle le 9 février 2016
Denis Mpunga et Catherine Frot dans Marguerite de Xavier Giannoli

Denis Mpunga et Catherine Frot dans Marguerite de Xavier Giannoli

C’est avec Marguerite, un film d’époque, que Xavier Giannoli nous est revenu l’année dernière, après Quand j’étais chanteur (2006) et À l’origine (2008). Il nous conte ici l’histoire d’une femme fortunée qui voue une passion dévorante pour l’opéra et dont l’entourage n’a jamais osé lui avouer qu’elle chantait faux. À l’occasion de la sortie en vidéo le 20 janvier de ce drame poignant, qui a récolté onze nominations à la prochaine cérémonie des César, CineChronicle a rencontré le réalisateur pour un entretien riche, instructif et particulièrement tourné vers l’humain.

 

 

 

Marguerite - DVD

Marguerite – DVD

CineChronicle : Marguerite s’inspire de Florence Foster Jenkins, une soprano américaine. Souhaitiez-vous dès le départ vous baser sur un personnage authentique avant de créer une fiction, à l’instar de vos précédents films ?

XG : En effet. Selon moi, la fiction permet de retrouver des éléments de la réalité et des émotions. Je pense que c’est un personnage qui sort de l’ordinaire ; elle était passionnée d’opéra, elle se donnait en spectacle avec une fougue, une émotion et une pureté incroyables. Et ce, même si elle ignorait qu’elle chantait incroyablement faux jusqu’à ce qu’elle se produise devant un vrai public qui a ri. Elle est morte peu de temps après. Dès lors, l’imagination d’un scénariste s’empare de la réalité à sa guise.

 

CC : En plus d’être aussi un film musical, toute une dimension sociologique, politique et contemporaine résonne dans cette histoire. Êtes-vous d’accord ?

XG : Parfaitement. C’est avant tout l’histoire de l’émancipation d’une femme. Nous sommes dans les années 1920, elle tente de s’arracher à l’ancien monde pour en découvrir un nouveau. Elle veut s’affranchir de son mari et des règles classiques pour pouvoir s’exprimer et se sentir libre en faisant ce qu’elle a envie de faire. Elle a une aspiration vers une forme de beauté, de vérité et d’émotion ; ce qui en fait un personnage vivant et touchant. Le film a aussi cette résonance contemporaine car il est question du mensonge. C’est un portrait sensible et affectif d’une femme à qui l’on ment ; on se demande alors comment elle va réagir en apprenant la vérité. Tout ce qui se trame autour d’elle constitue une forme de spectacle, avec toutes ces personnes qui lui mentent par intérêt ou par lâcheté. Or, nous vivons plus que jamais dans cette société du spectacle, du mensonge et de l’illusion. Que ce soit à travers la télévision, la presse ou la politique, beaucoup de gens entretiennent l’illusion que l’on peut avoir de notre avenir ; cela permet de nous arranger avec la réalité. Il faut donc trouver une certaine distance pour raconter ce phénomène, et finalement en rire. Il se trouve que le cinéma permet cela. Il éveille les gens sur cette ambiguïté et sur la réalité qui nous entoure et nous échappe.

 

Catherine Frot - Marguerite

Catherine Frot – Marguerite

CC : Le film est très beau visuellement. Comment avez vous abordé son esthétisme ?

XG : Je tenais à être le plus libre possible et ne pas me retrouver prisonnier des codes d’une reconstitution banale. Je voulais qu’il ait une esthétique particulière ; qu’il soit beau mais surtout crédible par rapport à l’époque. Le style s’installe vraiment dès qu’on commence à retirer des éléments au lieu d’accumuler des détails pour « faire années 20 ». J’ai donc essayé d’épurer les lignes et de garder le plus important, à savoir les acteurs. C’est eux qui incarnent les émotions dans l’histoire. J’ai abordé les costumes de la même façon. Nous avons a travaillé avec des pièces de l’époque, mais j’ai choisi les tenues les plus simples et les plus en accord avec les acteurs. J’ai donc travaillé l’esthétique avec une grande volonté d’épure.

 

CC : La musique tient bien sûr une place importante. Comment avez-vous procédé pour choisir les différents morceaux ?

XG : Je voulais que le film traverse l’opéra mais aussi les musiques que j’aime et que j’avais envie de partager avec le public. On retrouve donc des grands airs lyriques comme Casta Diva et La Reine de la Nuit, qui sont parmi les plus célèbres de l’histoire de l’opéra. Je voulais également me rapprocher de la musique expérimentale de l’époque, comme Poulenc, Honegger ou encore l’air du duo des fleurs de Léo Délibes. Je souhaitais interroger la musique. Le film devait être une expérience sensuelle et sonore totale ; qu’on soit devant des décors, des univers, des lumières, et en même temps, qu’on écoute des sons, des musiques. Tout devait permettre aux spectateurs d’être surpris en permanence et transportés dans un voyage cinématographique.

 

Catherine Frot - Marguerite

Catherine Frot – Marguerite

CC : Fut-ce complexe de traiter d’un personnage qui chante faux sans perturber pour autant le public ?

XG : Oui, il fallait trouver la bonne qualité de fausseté, ainsi que toute la poésie et l’émotion dans le carambolage vocal de sa voix. Cela devait être à la fois drôle, embarrassant et émouvant car il y a une vérité, une implication et une honnêteté totale de sa part. Je préfère d’ailleurs ne pas trop divulguer comment nous avons procédé pour créer cette voix car il faut préserver le mystère, à l’instar des films d’action où on se demande si c’est bien le comédien qui a exécuté lui-même sa cascade. Il y a un peu de la voix de Catherine et de celle d’une vraie chanteuse. Mais l’important est que l’on ressente que Marguerite chante et qu’elle ne triche pas.

 

CC : Elle aime d’ailleurs se faire photographier en interprétant des rôles de grands opéras et ces clichés sont incroyablement beaux et paraissent même très authentiques. Sur quelles références visuelles vous êtes-vous appuyé pour les concevoir ?

XG : J’avais vu des photographies similaires à l’opéra, avec des cantatrices prenant des poses très majestueuses. Je voulais mettre en image le contraste entre la puissance de ces photos et le ridicule de la voix de Marguerite. Ce jeu auquel elle se prête, l’entretient dans son rêve et lui permet de maintenir l’illusion qu’elle est une grande chanteuse. Cela témoigne aussi que l’on a tous besoin d’illusion pour vivre.

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