Zoolander 2 de Ben Stiller : critique

Publié par Antoine Gaudé le 9 mars 2016

Synopsis : Blue Steel. Le Tigre. Magnum… Des regards si puissants qu’ils arrêtent des shuriken en plein vol et déjouent les plans de domination mondiale les plus diaboliques. Un seul top model est capable de conjurer autant de puissance et de beauté dans une duck-face : Derek Zoolander ! Quinze ans après avoir envoyé Mugatu derrière les barreaux, Derek et son rival/meilleur ami Hansel, évincés de l’industrie de la mode suite à une terrible catastrophe, mènent des vies de reclus aux deux extrémités du globe. Mais lorsqu’un mystérieux assassin cible des popstars célèbres, les deux has-been des podiums se rendent à Rome pour reconquérir leur couronne de super mannequins et aider la belle Valentina, de la Fashion Police d’Interpol, à sauver le monde. Et la mode.

 

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Zoolander 2 - affiche

Zoolander 2 – affiche

Alors qu’il a su montrer par le passé ses talents de metteur en scène (Génération 90, Disjoncté, Zoolander, Tonnerre sous les Tropiques), Ben Stiller semble à la peine depuis ces deux derniers films, comme si l’acteur-réalisateur avait en quelque sorte perdu son « mojo » comique. Avec Zoolander 2, il s’invite pour la première fois au jeu des suites, avec la ferme intention de retrouver le charme et l’efficacité du premier opus quinze ans après. S’entourant de ses amis scénaristes de la comédie US – Justin Theroux (Tonnerre sous les tropiques), Nicholas Stoller (Sans Sarah rien ne va) et John Hamburg (I love you man) –, il tente le pari délicat de la surenchère outrancière ; le budget est ainsi doublé atteignant les 50 millions de dollars, rien que cela. Le casting s’épaissit de noms ronflants et les scènes d’action prennent le pas sur les scènes de pures comédies. Zoolander 2, qui frôle rapidement l’overdose visuelle et sonore, ne nous épargne pas grand-chose. Car, plus que le scénario en lui-même, c’est bien l’indigence de la mise en scène qui rebute. Il y a un côté jusqu’au-boutiste, presque pervers, qui traverse cette suite. Pour dissimuler certaines paresses d’écritures, Stiller noie l’ensemble dans une esthétique criarde, vulgaire et ringarde, terriblement décevante. Tonnerre sous les tropiques (2008), son véritable chef-d’œuvre, s’insurgeait d’ailleurs contre ce type de canevas visuels et paraissait bien mieux équilibré, alternant magistralement séquences d’action parodiques et de comédies. Elles reposaient davantage sur la qualité des dialogues et des références, ainsi que sur le décalage des situations, rendu possible par la collision de deux mondes : celle des stars hollywoodiennes plongées au cÅ“ur de la jungle et confrontées à des narcotrafiquants. Tonnerre sous les tropiques était à la fois une grande comédie en plus d’être un grand film sur la « machine » hollywoodienne. Alors qu’ici, bien qu’emportés dans un engrenage qui les dépasse, les deux models restent en terrain connu de leur l’univers déchanté et déjanté de la mode ; il n’y a plus de dépassement de fonction.

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L’autre problème réside dans l’utilisation abondante des apparitions de guests ; Zoolander 2 créé à lui tout seul un nouveau genre, celui de la « comédie à caméo ». C’était déjà le problème de Légendes vivantes (2013), suite du cultissime La légende de Ron Burgundy (2004) d’Adam McKay, où les stars du show-business se succédaient à l’écran de manière plus ou moins drôles. Notons que Crazy Amy de Judd Apatow souffre également de ce syndrome. Cette stratégie hollywoodienne cherche surtout à augmenter le capital sympathie de Zoolander 2, comme si la quantité avait un lien inhérent avec la qualité. Hélas, cette surabondance parasite tout. Dans le premier volet, les caméos étaient de réelles petites surprises, souvent amusantes d’ailleurs (David Bowie, Billy Zane), qui ne prenaient en aucun cas la place des deux personnages principaux ; Derek Zoolander (Stiller) et Hansel McDonald (Wilson) virevoltaient librement parmi ces (réelles) stars. En leur donnant ici davantage de place – et outre certaines apparitions réussies, comme la scène d’ouverture avec Justin Bieber -, Zoolander 2 perd en efficacité, oublie ses personnages et étiole son intrigue. Si bien que même les scènes aux idées neuves, à l’image des retrouvailles de Derek avec son fils, apparaissent totalement détachées du reste. Stiller semble davantage préoccupé par la manière dont il va pouvoir intégrer Lewis Hamilton ou Ariana Grande dans la prochaine scène, ainsi que par la réutilisation de certains gags, sous formes de clins d’œil.

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Heureusement, Stiller garde l’intelligence d’offrir à la nouvelle génération des seconds rôles de qualité. Des jeunes talents reprennent ainsi le flambeau avec une vitalité réjouissante : les mimiques et l’accent russe improbable de Kristen Wiig, la tête de Fred Armisen imprimé sur un corps d’enfant, le charabia de Kyle Mooney et le jeune Cyrus Arnold qui s’en donnent à cÅ“ur joie. Cependant, c’est grâce à un ancien que Zoolander 2 parvient à redécoller. Champion du monde toute catégorie de l’humour, Will Ferrell signe un retour remarquable dans le rôle du méchant gay, Mugatu. Sa scène d’introduction est un pur régal. Il amène l’énergie, l’insouciance et la folie qui lui manquait jusqu’alors. Tandis que Derek/Stiller a quelque peu perdu la « flamme » sacrée, Ferrell semble encore loin de la retraite. En un regard délirant, il injecte tout le chaos nécessaire à l’univers absurde du premier opus, et en une phrase, il légitime toute la portée sardonique du second : « That’s right I just killed a little hipster ! ». La dernière demi-heure, armée de sa présence démoniaque, sauve le film du marasme absolu. Stiller laisse alors le côté clinquant des tapis rouges et du show-business et revient aux valeurs sûres : l’absurde (il est question de secte, de sacrifice humain, de religion réinterprétée, de prophétie débile et de  mode) se mêle à un humour bien régressif (Pénélope Cruz et Milla Jovovich se battent en latex, les héros combinent leur rayon-regard pour stopper une bombe…). Zoolander 2 se termine en apothéose dans un délire où réapparaît, l’espace d’une scène, l’irrévérence coutumière des membres de l’ancien frat pack. Souhaitons alors que Ben Stiller retrouve son « mojo » car sa réalisation semble s’être brisée depuis Tonnerre sous les Tropiques, véritable modèle de comédie totale, difficilement égalable.

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Antoine Gaudé

 

 

 

  • ZOOLANDER 2 de Ben Stiller en salles le 2 mars 2016.
  • Avec : Ben Stiller, Owen Wilson, Pénélope Cruz, Will Ferrell, Kristen Wiig, Cyrus Arnold, Benedict Cumberbatch, Nathan Lee Graham…
  • Scénario : Justin Theroux, John Hamburg, Nicholas Stoller et Ben Stiller
  • Production : Clayton Townsend, Stuart Cornfeld, Ben Stiller, Scott Rudin
  • Photographie : Daniel Mindel
  • Montage : Greg Hayden
  • Décors : Jeff Mann
  • Costumes : Leesa Evans
  • Musique : Theodore Shapiro
  • Distribution : Paramount Pictures
  • Durée : 1h42

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