Synopsis : Au cœur du Montana, trois femmes, trois destins croisés. Celui d’une avocate qui intervient lors d’une prise d’otage orchestrée par l’un de ses clients, un homme mécontent persuadé d’avoir été lésé par une décision judiciaire. Celui d’une femme qui s’installe avec son mari dans une nouvelle maison et prend conscience du différend qui les sépare quand ils cherchent à persuader un vieil homme de vendre son stock de pierres. Celui d’une ouvrière agricole qui se lie d’amitié avec une jeune avocate, laquelle se retrouve à devoir animer des ateliers d’aide juridique pour adultes, deux fois par semaine, à plus de quatre heures de son domicile.
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Après avoir remporté le Grand Prix du Festival de Deauville en 2013 avec l’excellent Night Moves, la réalisatrice Kelly Reichardt revient cette année en compétition avec l’intriguant Certain Woman, portée par son actrice fétiche Michelle Williams et les non moins célèbres Kristen Stewart et Laura Dern. Parmi les quatre portraits de femmes que filment Reichardt, c’est la relation qui lie la palefrenière (Gladstone) à la jeune avocate (Stewart), qui offre à ce drame ces plus beaux moments. À travers cette relation laconique entre deux femmes que tout oppose, Reichardt parvient une nouvelle fois à distiller son rythme si singulier : mélange de fable écologique, imprégnée de vision contemplative d’un Montana plus froid et hostile que jamais, et de sentiment d’incommunicabilité et de distance tant géographique que morale. C’est toujours dans l’interaction entre personnages et décors naturels que les films de Reichardt dévoilent leur tension et leur non-dit. Une forme de présence et d’absence qui irrigue tous les plans de la cinéaste. Les trajectoires dessinées par ces femmes énigmatiques sont autant dues à un refus catégorique de romancer leur « petite » histoire et d’en agencer une progression narrative classique qu’à rendre justice à leur quotidien morose et souvent solitaire. Mais aussi à ces gestes et humeurs superflus qui façonnent subtilement leur personnalité aux sensibilités plus communes qu’elles n’y paraissent.
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Reichardt les observe donc dans leur « travail », dans leur manière de construire, ou non, des relations « professionnelles » avec leurs collègues, leurs élèves, leurs clients, leurs chevaux et leurs familles. On en revient finalement toujours à l’idée d’une communauté à part entière, au fondement ou à l’émergence de quelque chose, d’une romance, d’une amitié ou bien d’un foyer (ces fameuses roches nécessaires pour construire une maison). Après les environnementalistes de Night Moves et les pionniers de La dernière piste, Reichardt s’attarde sur les travailleuses invétérées qui se réfugient dans leur profession pour masquer un manque, une faille ou bien une fracture profonde. Extrêmement seules, elles vivent isolées du monde extérieur (Glastone, Stewart), voire même du leur (Williams), et semblent incapables de compassion à l’égard des autres alors qu’elles aimeraient en avoir (Dern, Stewart). Il va sans dire que Certain Woman en déstabilisera plus d’un. Plus hermétique et intimiste que les précédents films de la réalisatrice, sa forme éclatée, ses silences lancinants et ses regards empathiques demandent de replacer la vie de ces femmes dans leur milieu avec leur contexte. Celui d’un immense espace qu’elles observent par d’étroites lucarnes, ouverture sur le monde et appel de l’extérieur, qu’elles ne peuvent décemment s’offrir, prisonnières de leur condition.
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Antoine Gaudé
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- CERTAIN WOMEN de Kelly Reichardt ne dispose pas encore de date de sortie en salles.
- Avec : Michelle Williams, Kristen Stewart, Lily Gladstone, Laura Dern, Jared Harris, James LeGros, Rene Auberjonois, John Getz…
- Scénario : Kelly Reichardt d’après l’œuvre de Maile Meloy
- Production : Neil Kopp, Vincent Savino, Anish Savjani
- Photographie : Christopher Blauvelt
- Montage : Kelly Reichardt
- Décors : Pamela Day
- Musique : Jeff Grace
- Distribution : Sony Pictures
- Durée : 1h47
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