Synopsis : En pleine guerre de Sécession, Newton Knight, courageux fermier du Mississippi, prend la tête d’un groupe de modestes paysans blancs et d’esclaves en fuite pour se battre contre les États confédérés. Formant un régiment de rebelles indomptables, Knight et ses hommes ont l’avantage stratégique de connaître le terrain, même si leurs ennemis sont bien plus nombreux et beaucoup mieux armés…
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Après l’intermède Hunger Games (2012), Gary Ross se lance dans l’aventure Free State of Jones, un mélange entre biopic et épopée historique dans la plus grande tradition hollywoodienne, consacré à Newt Knight, le plus progressiste des sudistes du Mississippi. Matthew McConaughey est ici en mode Kevin Costner. Le film se construit en deux parties. Dans sa première moitié, Gary Ross dessine le portrait d’un véritable Robin des bois, quittant une armée confédérée pour se cacher dans une forêt marécageuse avec un groupe de fidèles compagnons et donnant aux pauvres ce qu’il vole aux riches. La seconde partie, bien plus innovante, dévoile les ruines d’une guerre fratricide et d’un Sud incapable de panser ses blessures. Le principal problème de Free State of Jones est que l’activité chevaleresque de son héros, son combat moral contre les injustices, est toujours légitimée par les valeurs religieuses. Le Mal est alors extrêmement identifié. Dans sa plus longue tradition, le western fonctionne à partir d’archétypes, voire de stéréotypes qu’il s’amuse à transformer selon les époques et le cinéaste. Lorsque celui-ci se dote d’une prometteuse lecture politique et mythique de son histoire nationale, il s’octroie parfois le besoin de « corriger » la légende par l’histoire en soumettant son imaginaire poétique à un drastique traitement réaliste. Réfléchir sur les zones d’ombres de cette période de l’histoire, érigée en mythologie condensée par le cinéma, devrait apporter son lot de situations originales ou surprenantes. Ces zones sont malheureusement évacuées par Gary Ross : le procès du petit-fils ainsi que la cohabitation entre les deux femmes de Knight sont maladroitement ou partiellement traitées.
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L’histoire véridique vient lourdement recouvrir les personnages qu’on en finit par se désintéresser de toutes ces figures romanesques qui croisent la vie du héros. Leur traitement caricatural, du côté des gentils comme des méchants, n’invite à aucune empathie particulière. À une autre échelle, La Prisonnière du désert de John Ford (1956) proposait un tout autre diagnostic de cette période d’après-guerre avec des personnages aux dimensions bien plus ambivalentes. Si la photographie et la direction artistique offrent un spectacle des plus réjouissants, la mise en scène de Ross ne sort jamais de l’hagiographie tandis que cette propension manichéenne réduit certaines les qualités documentarisantes du film. À titre d’exemple, la seule grande scène est celle de l’élection d’un nouveau représentant du comté. Accompagné d’une majorité de noirs fraîchement autorisés à voter, Knight se présente à la mairie avec le désir affirmé d’élire un républicain alors qu’un parterre de démocrates goguenards et arrogants le dévisage. C’est finalement le monde à l’envers, comme le montrait déjà LINCOLN (notre critique). Alors qu’il nous avait habitués à plus d’ironie et de mordant à l’égard des mœurs de son pays (Pleasantville, Hunger Games), Ross livre avec Free State of Jones un film à la narration certes efficace – il n’hésite d’ailleurs pas à s’attarder sur des scènes du quotidien malgré une durée excédant largement les deux heures – mais à la mise en scène académique, complètement stérile au lyrisme des paysages et à la complexité des rapports humains.
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- FREE STATE OF JONES écrit et réalisé par Gary Ross en salles le 14 septembre 2016.
- Avec : Matthew McConaughey, Gugu Mbatha-Raw, Mahershala Ali, Keri Russell, Christopher Berry…
- Production : Gary Ross, Scott Stuber, John Kilik
- Photographie : Benoît Delhomme
- Montage : Juliette Welfing, Pamela Martin
- Décors : Philip Messina
- Costumes : Louis Frogley
- Musique : Nicholas Britell
- Distribution : Metropolitain FilmExport
- Durée : 2h20
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