Ressortie/ Boulevard du Crépuscule de Billy Wilder : critique

Publié par Thierry Carteret le 5 novembre 2016

Synopsis : Un scénariste qui a du mal à percer, est embauché par une ancienne star du muet, disparu d’Hollywood, pour écrire un scénario.

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Boulevard du Crepuscule

Boulevard du Crépuscule – affiche

Le chef-d’oeuvre de Billy Wilder est de retour dans nos salles le 9 novembre en version restaurée, à l’initiative du distributeur Splendor Films. Boulevard du Crépuscule (Sunset Blvd.) mêle brillamment le film noir par excellence, la satire cruelle, le mélodrame pessimiste et la mise en abyme implacable sur les revers de la célébrité au sein de la machine impitoyable hollywoodienne. Le récit démarre sur un flashback, accompagné d’une voix off masculine quelque peu moqueuse, illustrant l’image du cadavre d’un homme assassiné flottant dans une piscine. Cette voix, c’est celle de Joe Gillis (William Holden), un scénariste sans travail et criblé de dettes, qui narre sa destinée tragique et pathétique dès sa rencontre avec Norma Desmond. Cette star déchue du muet, sacralisée par une Gloria Swanson aussi grandiose que terrifiante, vit recluse et retirée des plateaux de tournage depuis l’avènement du cinéma parlant, dans sa luxueuse propriété de cette célèbre rue bordée de villas, entre Los Angeles et Bervely Hills. Son étrange majordome Max von Meyerling, incarné avec puissance et froideur par le charismatique Erich Von Stroheim, veille sur elle en tentant de préserver sa notoriété passée. Joe Gillis va comprendre peu à peu qu’il est devenu le jouet des névroses de l’excentrique et caractérielle Norma. Ce chef-d’oeuvre ultime du film noir distille une intrigue au suspense tendu doublé d’une ironie profondément désespérée et fataliste. 

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Boulevard du Crépuscule

Boulevard du Crépuscule

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Avec ce portrait de femme possessive, orgueilleuse, tyrannique et narcissique dévorée par sa mégalomanie – sans doute le plus grand dans l’Histoire du cinéma -, Billy Wilder explore avec maestria les ravages de la révolution du parlant, et plus généralement des évolutions du cinéma à Hollywood. Un bouleversement sonore qui a marqué une rupture radicale et brutale dans cette industrie à ‘rêves’, détruisant les carrières de nombreuses stars du muet, à l’image de Norma Desmond. Le final culmine dans la folie cynique, grotesque et grinçante, empreinte d’une émotion des plus bouleversantes. Norma, beauté vertigineuse figée dans le temps, descend les escaliers sous les feux des projecteurs, après un ultime ‘Action!’ lancé par son ex-mari vampirisé en domestique, fantasmant enfin librement son désir de raviver un instant la flamme de sa célébrité disparue.

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Boulevard du Crépuscule

Boulevard du Crépuscule

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Si Boulevard du crépuscule est une ode aux fantômes du passé, ce bijou est surtout une peinture au vitriol du cinéma muet, tous les genres confondus ; du drame au burlesque en passant par les fresques de Cecil B. DeMille. Le metteur en scène des Dix Commandements (1956) joue ici son propre rôle. Ce choix n’est pas fortuit et s’avère même emblématique. S’il a déjà dirigé Gloria Swanson à plusieurs reprises, il fait aussi partie des grands metteurs en scène, comme David W. Griffith ou Charles Chaplin, a avoir débuté, poursuivi puis achevé leur carrière au moment de l’avènement du parlant. On y retrouve également Buster Keaton et la célèbre échotière Hedda Hopper, lesquels font une brève apparition aux côtés d’autres guests (Fred Clark, Lloyd Gough, Nancy Olson, Jack Webb, H. B. Warner, Anna Q. Nilsson).

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Boulevard du Crépuscule

Boulevard du Crépuscule

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Mais nos yeux sont rivés sur Gloria Swanson qui cristallise l’image d’une époque révolue, d’un monde perdu à jamais. Elle-même icône du muet, oubliée par ses pairs, on lui doit des longs métrages, comme L’Intruse (1930) de Friedrich W. Murnau ou encore Après la pluie, le beau temps (1919) de Cecil B. DeMille, qui lui offre là son premier rôle important avant de retrouver le succès dans six autres de ses films. Elle joue également dans La Reine Kelly (1929) de Erich Von Stroheim, dont un extrait figure ici où l’on découvre Norma/Gloria admirer les rôles phares dans lesquels elle a véritablement joués. L’auteur de La Symphonie nuptiale, Les rapaces et Folies de femmes se révèle hanté par ce personnage imperturbable, reflet tragique et difforme de sa propre carrière. Quant à William Holden, il incarne à merveille ce scénariste raté, pris au piège des extravagances de cette femme qui le transforme en gigolo et amant pathétique.

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À sa sortie, Boulevard du crépuscule récolte trois Oscars (meilleurs scénario, musique, direction artistique) sur onze nominations et rencontre un grand succès critique et public. Cette réussite, on la doit bien sûr à la photographie en noir et blanc contrasté, quasi expressionniste de John F. Seitz, à la réalisation captivante et au scénario surprenant de Billy Wilder, aux répliques mythiques, écrites avec Charles Brackett et D.M. Marshman Jr., et à la musique magistrale de Franz Waxman. Boulevard du Crépuscule, entré dans le panthéon du 7ème Art, est et restera pour toujours un chef-d’œuvre intemporel du et sur le cinéma, classé parmi les meilleurs films du monde.

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  • Ressortie de BOULEVARD DU CRÉPUSCULE (Sunset Blvd.) réalisé par Billy Wilder en salles le 9 novembre 2016 en version restaurée.
  • Avec : William Holden, Gloria Swanson, Erich Von Stroheim, Cecil B. DeMille…
  • Scénario : Billy Wilder, Charles Brackett, D.M. Marshman Jr.
  • Production : Charles Brackett
  • Photographie : John F. Seitz
  • Montage : Arthur P. Schmidt
  • Décors : Sam Comer, Ray Moyer
  • Costumes : Edith Head
  • Musique : Franz Waxman
  • Distribution : Splendor Films
  • Durée : 1h50
  • Date de sortie : 18 avril 1951

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