Ressortie/ L’Héritière de William Wyler: critique

Publié par Charles Villalon le 17 novembre 2016

Synopsis : À la fin du XIXème siècle, Catherine Sloper vit dans une riche demeure de Washington Square en compagnie de son père, un veuf richissime et tyrannique. La jeune fille, timide et sans grands attraits, fait la rencontre du séduisant Morris Townsend lors d’un bal. Le jeune homme lui fait aussitôt une cour empressée. Devenant un habitué de la maison des Sloper, il demande la main de Catherine à son père. Mais, celui-ci ne tarde pas à accuser le jeune homme d’être un coureur de dot et refuse…

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LHeritiere de William Wyler - affiche

L’Héritière de William Wyler – affiche

Adapté de Washington Square, roman de Henry James, par Ruth et Augustus Goetz, qui en avaient déjà tiré une pièce de théâtre, L’Héritière de William Wyler (L’Obsédé), sorti en 1949, est un grand mélodrame classique. Il est à (re)découvrir en salles en version restaurée depuis le 9 novembre grâce à Swashbuckler Films. Outre l’impeccable reconstitution, qui a valu à ce film en noir et blanc de remporter l’Oscar de la meilleure direction artistique et des meilleurs costumes conçus par la grande Edith Head, l’intérêt principal réside ici dans la parfaite précision de sa trame mélodramatique et dans l’exceptionnelle interprétation d’Olivia de Havilland. L’icône de l’âge d’or d’Hollywood, qui a célébré ses 100 ans le 1er juillet dernier, porte le film de bout en bout et fût récompensée à juste titre par l’Oscar. Comme elle l’avait déjà fait l’année précédente dans La Fosse aux serpents d’Anatole Litvak, où elle jouait une femme internée dans un asile d’aliénés, Havilland écorne son image de star en incarnant Catherine Sloper, vieille fille sans charme qui, faute de savoir se comporter dans la haute société, passe sa vie à piquer des broderies et à s’occuper de la maison de son père. Ce n’est pas par accident qu’Olivia de Havilland a eu l’occasion de jouer un tel rôle. Dans le système hollywoodien de l’époque, les acteurs étaient contractuellement contraints par les studios d’accepter tous les rôles soumis. S’ils refusaient, leur période d’inactivité subséquente retardait d’autant l’échéance de leur contrat, si bien qu’ils en devenaient prisonniers. Lassée de jouer toujours le même rôle stéréotypé – elle a longtemps été le faire-valoir attitré d’Errol Flynn -, Olivia de Havilland se rebiffa contre cet état de fait et attaqua la Warner en justice pour se libérer. Elle gagna ce procès en 1945, et changea à jamais la condition des acteurs à Hollywood. Elle a donc vaillamment mérité ses grands rôles de la deuxième moitié des années 1940. Celui de Catherine Sloper est à la mesure de ses aspirations et de son talent. 

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Olivia de Havilland et Montgomery Clift - LHeritiere de William Wyler

Olivia de Havilland et Montgomery Clift – L’Héritière de William Wyler

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Constamment empêché par sa timidité et sa gêne face au monde, ce personnage féminin n’est qu’intériorité. Havilland donne toute son âme à ce rôle a priori sans envergure mais qui révèle progressivement une capacité d’analyse et une intelligence insoupçonnable. La grande maladresse de Catherine face à l’existence préoccupe son père (Ralph Richardson) et sa tante (Miriam Hopkins), qui voudraient la voir mener une vie plus normale de jeune fille. C’est dans ce contexte qu’apparaît Morris Townsend (Montgomery Clift), qui se dit amoureux de la jeune femme et entreprend de lui faire la cour… Ce qui suscite immédiatement la suspicion du père. Car si sa fille est sans charme, elle n’est pas sans fortune, et le père craint d’avoir à faire à un soupirant attiré par l’appât du gain. Son hostilité croissante à l’endroit du prince charmant l’amène à mettre sa fille en garde et à lui confier ses soupçons, avant de s’opposer purement et simplement à leur union. L’Héritière tire sa plus grande force dans sa manière de brosser des portraits complexes, sans jamais dévoiler la nature des sentiments de Montgomery Clift. William Wyler laisse planer le doute quant à la sincérité de son personnage. Jusqu’à la dernière scène, il n’est pas exclu que Townsend ait réellement aimé Catherine. Cette générosité du récit consistant à ne pas enfermer les personnages dans une trop stricte détermination, loin d’amenuiser la charge émotionnelle, la renforce, laissant au spectateur l’interprétation de ce qui s’est déroulé sous ses yeux.

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Olivia de Havilland et Ralph Richardson - LHeritiere de William Wyler

Olivia de Havilland et Ralph Richardson – L’Héritière de William Wyler

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Un autre aspect de L’Héritière en fait également tout l’intérêt et le rend même passionnant : ce qui semble être l’enjeu du récit n’est jamais tout à fait l’enjeu pour son personnage principal, et le premier se déplace sans cesse en fonction du second. Quand le père commence à soupçonner le prétendant de sa fille, le film semble s’orienter sur la question de la sincérité du jeune Townsend. Pourtant, à mesure que le père dévoile à sa fille les raisons de son hostilité, le problème se modifie sensiblement. Ce qui importe à Catherine, ce n’est pas tant de savoir si son père a raison, mais plutôt de connaître les raisons de cette méfiance. Si bien qu’en lieu et place de la confrontation amoureuse attendue, c’est la confrontation filiale qui devient le nÅ“ud dramatique du film. Ce n’est plus le portrait d’une femme abusée par son prétendant, mais celui d’une fille qui découvre le mépris que son père a toujours eu pour elle. Servi par l’impeccable mise en scène classique de William Wyler, sa superbe direction d’acteurs – car si la prestation de Havilland est au-delà de tout éloge, celles de Clift, Richardson et Hopkins sont également brillantes – et par la bande originale d’Aaron Copland, lauréat de l’Oscar, L’Héritière est un pur mélodrame, absolument bouleversant, le premier de son auteur. Sans doute satisfait du résultat, Wyler a réitéré l’aventure trois ans plus tard, en réalisant en 1952 un autre grand mélodrame, Un amour désespéré (Carrie en V.O.), avec Laurence Olivier et Jennifer Jones.

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Charles Villalon

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  • Ressortie de L’HÉRITIÈRE (The Heiress) réalisé par William Wyler en salles en version restaurée depuis le 9 novembre 2016.
  • Avec : Olivia de Havilland, Montgomery Clift, Ralph Richardson, Miriam Hopkins, Vanessa Brown, Betty Linley, Ray Collins, Mona Freeman…
  • Scénario : Ruth et Augustus Goetz, d’après leur pièce éponyme, elle-même adaptée du roman Washington Square, de Henry James
  • Production : William Wyler
  • Photographie : Leo Tover
  • Montage : William Hornbeck
  • Décors : John Meehan, Harry Horner, Emile Kuri
  • Costumes : Edith Head, Gile Steele
  • Musique : Aaron Copland
  • Distribution : Swashbuckler Films
  • Durée : 1h55

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