Résumé : La société Propaganda Films a beau être inconnue du grand public, elle est pourtant responsable de quelques-unes des images les plus cultes des années 1980 et 1990. En 15 ans d’existence, elle aura favorisé l’essor des Guns N’ Roses, iconisé Madonna et Janet Jackson, révolutionné l’esthétique et le business de la publicité, participé à la création des séries Twin Peaks et Berverly Hills 90210 et révélé des metteurs en scène comme David Fincher, Michael Bay, Spike Jonze, Mark Romanek et Antoine Fuqua. Avec ses clips, ses pubs, ses films et ses séries, la société a joué un rôle central dans la culture populaire américaine, en conjuguant les opportunités offertes par l’émergence de la chaîne 100% musicale MTV et du blockbuster avec celles de l’ère du pitch, ces résumés censés contenir toute une intrigue en une poignée de mots. Conçu d’après les témoignages des principaux acteurs de cette folle épopée, Génération Propaganda retrace un pan inédit et essentiel de l’histoire de la télévision et du cinéma américains.
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Tout commence par un titre de musique, le Bohemian Rapsody de Queen dont la promotion vidéo jette en 1975 les bases de l’esthétique du clip. De ce terreau hybride, entremêlant lignes musicales et stylisation formelle, est né Propaganda Films. Car dix ans après le coup d’essai du groupe britannique, le format clip s’impose aux États-Unis. Celui-ci ouvre un espace de liberté à l’intérieur d’une industrie du divertissement rattrapée par ses impératifs commerciaux. Pour peu que l’on respecte son budget et les délais de tournage, le clip permet les expérimentations les plus fantastiques. Quatre réalisateurs (Nigel Dick, Greg Gold, Dominic Sena, David Fincher) et deux producteurs (Joni Sighvatsson, Steve Golin) sont à l’origine de ce projet. Société de production mise au service de l’inventivité de ses cinéastes, Propaganda détonne. Du clip au cinéma en passant par la publicité, son identité se développe rapidement, et sa réputation grandit aux côtés des plus grandes stars de son époque (de Guns N’ Roses à Slayer en passant par Janet Jackson). Une nouvelle vague de metteurs en scène (Antoine Fuqua, Michael Bay, Spike Jonze, entre autres) scelle définitivement son destin : Propaganda fera du cinéma. Kalifornia (1993), The Game (1997), Dans la peau de John Malkovich (1999), ou le film d’horreur Candyman (1992) portent la marque Propaganda, ainsi décrite par l’auteur : « un high concept clair, une expérimentation visuelle et technique quasi permanente et une propension à la vulgarité assumée. ». La formule cartonne souvent (exemple de Bad Boys de Michael Bay) mais rate parfois sa cible (Kalifornia ou The Game), des échecs qui expliquent la chute du studio, racheté par Polygram au début des années quatre-vingt-dix, puis progressivement abandonné par ses membres fondateurs.
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Collaborateur à la revue SoFilm, Benoit Marchisio raconte l’histoire de Propaganda à la façon d’un récit légendaire. Nourrie de nombreux propos recueillis par l’auteur, l’étude n’hésite pas à rentrer dans le détail, pour le plus grand bonheur du lecteur. Les analyses des clips (le matriciel Welcome to the Jungle des Guns, ou le moyen-métrage Rhythm Nation 1814 réalisé pour Janet Jackson) s’offrent comme le panorama d’une époque. Marchisio profite de son sujet pour développer des prolongements autour de l’œuvre des réalisateurs évoqués (Michael Bay, ou David Fincher dont l’auteur rappelle l’importance fondamentale qu’a pu jouer le clip dans sa formation cinématographique, analyse de séquences à l’appui). À la façon de Peter Biskind (Le Nouvel Hollywood, Sexe, Mensonges et Hollywood), Benoit Marchisio confère à son objet d’étude la dimension d’une saga, servie par une écriture intelligente et fortement documentée (les sources employées sont d’ailleurs annexées). Belle réussite donc qui permet d’en apprendre davantage sur une société aujourd’hui un peu oubliée et sur un contexte de production encore trop peu étudié.
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- GÉNÉRATION PROPAGANDA. L’histoire oubliée de ceux qui ont conquis Hollywood par Benoit Marchisio, disponible aux éditions Playlist Society, Collection « Récit/Cinéma » le 10 mai 2017.
- 160 pages
- Tarif : 7 € (numérique) – 14 € (papier)