Résumé : Le principe de construction du volume fait alterner des textes qui prennent en compte, sous un aspect particulier, l’ensemble du champ de recherche ouvert par la thématique « jouer l’actrice », et des articles qui se proposent d’étudier une modalité particulière de l’incarnation de l’actrice par une actrice, qu’elle soit réelle ou imaginaire.
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Jouer l’actrice, le beau titre de l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Loup Bourget et Françoise Zamour, tous deux enseignants en cinéma à l’Université, invite à une pensée hautement réflexive. Entre la comédienne, son personnage et celui ou celle qui la filme, le rapport ne peut être qu’interprétatif. Il fallait donc recourir à différentes plumes pour parvenir à cibler les nombreux aspects de cette thématique aux multiples facettes. Parfaitement introduit par Jacqueline Nacache, l’objet d’étude se déploie sur quatre tableaux. Il y a d’abord l’actrice vu par l’homme (tendance gender studies), puis celle qui joue (domaine des études actorales), celle qui vit et inexorablement vieillit et qui, par sa représentation, peut apparaître comme un modèle culturellement marqué (posture plus sociologique, voire civilisationnelle). Quatre approches non incommensurables, les écrits des contributeurs n’hésitant pas à adopter une forme pluridisciplinaire. En analysant Le Congrès d’Ari Folman, Nicolas Geneix en vient ainsi à considérer la figure de Robin Wright selon le prisme de la star (et du regard que porte l’industrie cinématographique sur elle) et de l’actrice (confrontée aux nouvelles techniques de son médium), de même que l’étude d’Hélène Valmary part de la Fedora de Billy Wilder pour conjuguer la question de la représentation à celle du jeu et dégager ainsi certaines grandes tendances du cinéma hollywoodien. Protéiforme, l’ouvrage couvre plusieurs cinématographies (l’Amérique, la France, l’Espagne, la Russie, le Japon), et parvient souvent à accorder le général au singulier. Dans cette perspective, Arnaud Duprat de Montero et Philippe De Vita proposent des exemples de collaborations plus ou moins réussies entre une actrice et un cinéaste. Géraldine Chaplin et Carlos Saura d’un côté, Anna Magnani et Jean Renoir de l’autre soulignent les nombreuses interférences possibles entre l’art d’un réalisateur, le talent de son actrice et la persona que celle-ci dégage à l’écran.
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À la typologie dichotomique développée avec brio par Christian Viviani (l’actrice entre la figure de la martyre et celle de la sorcière) répondent donc de nombreux exemples particuliers, relevant de cas d’écoles ou de phénomènes plus insolites. C’est l’auto-mise en scène de la vieillesse par Bette Davis étudiée par Flavia Soubiran, ou la mise en abyme dans laquelle se fonde l’originalité du jeu de Katharine Hepburn telle qu’analysée par Jules Sandeau à partir des exemples de Morning Glory et Pension d’artistes. Le cinéma domine bien sûr, mais la scène théâtrale répond aussi présente, ainsi que le roman dont Thibaut Casagrande rappelle bien l’importance dans la construction fictionnelle et fantasmatique de la star féminine.
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Tout à la fois détaillé et synthétique, Jouer l’actrice touche à la complétude escomptée. Associé au numéro double de juillet-août que la revue Positif a consacré à la figure de la femme dans le cinéma américain, cet ouvrage se présente comme un tour d’horizon particulièrement bienvenu et instructif.
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- JOUER L’ACTRICE. DE CATHERINE HEPBURN À JULIETTE BINOCHE sous la direction de Jean-Loup Bourget et Françoise Zamour, disponible aux Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, Collection « Actes de la recherche à l’ENS », Paris, 2017.
- 184 pages
- 10 €