Synopsis : 1936. Le docteur Cukrowicz vient de prendre ses fonctions à Lions View, un hôpital psychiatrique de La Nouvelle-Orléans, mais est rapidement découragé par le manque de moyens octroyés à l’établissement. C’est alors qu’il reçoit une étrange proposition de la part de Violet Venable, une riche notable qui vient de perdre son fils Sebastian dans des circonstances mystérieuses. Celle-ci est prête à lever un fonds d’un million de dollars si le Dr Cukrowicz accepte de pratiquer une lobotomie sur sa nièce Catherine qui, selon elle, aurait perdu la raison depuis la mort de son cousin…
♥♥♥♥♥
Fidèle à sa mission d’éditer des grands classiques du cinéma, Carlotta ressort cette semaine Soudain l’été dernier, l’adaptation réalisée par Joseph Mankiewicz en 1959 de la pièce de Tennessee Williams, montée pour la première fois à Broadway l’année précédente. L’histoire est celle d’un psychiatre, le docteur Cukrowicz, qui se voit offrir par une notable locale une subvention substantielle pour l’hôpital dans lequel il travaille s’il accepte de s’occuper de la nièce de celle-ci, qui aurait perdu la raison à la suite d’un tragique incident. Le film, adapté d’une pièce en un acte, se découpe en trois grandes séquences qui se succèdent comme un dévoilement progressif de la vérité. Dans la première, le docteur Cukrowicz (Montgomery Clift) rencontre la riche et excentrique Violet Venable (Katharine Hepburn) dans l’extraordinaire jardin de celle-ci, conçu pour imiter l’état du monde au moment de sa création. La séquence s’articule autour d’un long et formidable monologue de Mrs Venable qui parle de son fils Sebastian, de l’amour fusionnel qu’ils se portaient mutuellement, mais sans précisément s’attarder sur la mort de celui-ci – disparition qui aurait causé la folie de sa cousine. Le talent incomparable de Katharine Hepburn fait beaucoup pour la réussite de cette séquence. Son élocution rythmée, qui évoque un tir de mitraillette et qui a fait merveille dans tant de screwball comedy, n’est plus ici le signe de sa vitalité et de sa vivacité d’esprit mais plutôt le symptôme d’une psychologie déséquilibrée. Les talents conjugués de l’actrice et du dramaturge font rapidement deviner une relation quasi incestueuse derrière le récit d’amour maternel et filial. L’excellent Montgomery Clift n’a, face à une telle performance, rien d’autre à faire que d’ouvrir des yeux ronds de profond intérêt et d’incrédulité mêlés.
.
.
La deuxième séquence est en quelque sorte travaillée contre la première. On y suit la rencontre du docteur Cukrowicz et de Catherine (Elizabeth Taylor), et leur travail conjoint pour faire retrouver la mémoire à celle-ci. Dès la première apparition de Catherine, il apparaît nettement que la folie de celle-ci n’est pas aussi avérée que sa tante veut bien le dire et que la volonté de cette dernière de faire lobotomiser sa nièce trahit plus son désir de la faire taire que celui de la voir guérir. Sebastian qui, pour être absent de l’intrigue, n’en est pas moins le personnage principal, et nous est alors dépeint dans une toute autre lumière. Le portrait réaliste et parcellaire qu’en fait Catherine approfondit en corrigeant celui, énamouré et idéalisé, qu’en avait fait sa mère dans la première séquence. Le poète éthéré et au-dessus des contingences terrestres, cède la place à un personnage plus prosaïque et plus sexué. Elizabeth Taylor n’a pas tout à fait le magnétisme et la grandeur des deux acteurs avec qui elle partage l’affiche, mais elle campe malgré tout une excellente Catherine.
.
La troisième séquence est celle de la confrontation entre la tante et la nièce, et donc la révélation du vrai visage de Sebastian et les circonstances réelles de sa mort. Mankiewicz abandonne alors sa mise en scène classique à huis clos pour rejouer en surimpression sur le visage d’Elizabeth Taylor la scène du traumatisme inaugurale, la mort de Sebastian. L’épisode ne manque pas de puissance et a en sus le mérite de remettre en perspective les déclarations précédents de chacun de personnage. Concluant ainsi un film fort, cohérent et d’une structure impeccable. Un classique, en somme.
.
.
DVD : Cette nouvelle édition proposée par Carlotta, qui rappelle dans les bonus que « Tennessee Williams vomissait le film et que Katharine Hepburn a craché dans le bureau du producteur Sam Spiegel ! », est accompagnée d’un entretien, Le Prédateur et la Proie (25 minutes), avec Michel Ciment. Le critique, historien du cinéma et directeur de la revue Positif met en perspective les conditions de production et de réalisation de ce film de Mankiewicz. Le parallèle que fait Ciment entre l’histoire du film et ce qui sera celle de Pasolini quelques années plus tard ne manque pas d’intérêt.
.
.
.
- SOUDAIN L’ÉTÉ DERNIER (Suddenly, Last Summer)
- Sortie vidéo : 23 août 2017
- Version restaurée 4K
- Format / Produit : Nouveau Master DVD / BLU-RAY
- Réalisation : Joseph L. Mankiewicz
- Avec : Katharine Hepburn, Elizabeth Taylor, Montgomery Clift, Mercedes McCambridge, Albert Dekker, Gary Raymond…
- Scénario : Gore Vidal et Joseph L. Mankiewicz, d’après la pièce éponyme de Tennessee Williams
- Production : Sam Spiegel
- Photographie : Jack Hildyard
- Montage : William Hornbeck, Thomas G. Stanford
- Décors : Scott Slimon, Oliver Messel, William Kellner
- Costumes : Oliver Messel
- Musique : Malcolm Arnold, Buxton Orr
- Édition : Carlotta
- Tarif : 20,06 € (DVD) – 20,06 € (BLU-RAY)
- Durée : 1h50
- Sortie initiale : 22 décembre 1959 (États-Unis) – 23 mars 1960 (France)
.