Synopsis : Borough Park, quartier juif ultra-orthodoxe de Brooklyn. Menashé, modeste employé d’une épicerie, tente de joindre les deux bouts et se bat pour la garde de son jeune fils Ruben. En effet, ayant perdu sa femme, la tradition hassidique lui interdit de l’élever seul. Mais le Grand Rabbin lui accorde de passer une semaine avec son fils ; l’ultime occasion pour Menashé de prouver qu’il peut être père dans le respect des règles de sa communauté.
♥♥♥♥♥
Le documentariste et directeur de la photographie Joshua Z. Weinstein signe son premier film de fiction. Brooklyn Yiddish se révèle une oeuvre franche et dépouillée, centrée sur la communauté juive ultra-orthodoxe d’un quartier new-yorkais. Le réalisateur donne à voir un portrait dénué de jugement, tout en mettant en lumière ses contradictions et paradoxes. Brooklyn Yiddish, Prix du jury au Festival de Deauville, raconte l’histoire de Menashé (Menashé Lustig), qui joue son propre rôle, un modeste employé d’une épicerie qui se bat pour la garde de son jeune fils Ruben. Le souci de réalisme est donc à la base de la conception de ce récit, né de la rencontre entre Weinstein et cet homme attachant, drôle et triste à la fois. Le sujet, la séparation entre un père un son enfant, est tout aussi propre aux dictats de la communauté hassidique qu’universel. Au-delà des contraintes exclusivement communautaires, le combat de cet homme, dépassé par les événements, met sur la table des sentiments qui dépassent tout cadre religieux : l’impuissance, l’acharnement, la bonté, le besoin de faire partie d’un groupe. Les choix du cinéaste s’avèrent judicieux car n’étant pas issu de ce milieu, il opte pour une immersion totale dans la vie des hassidim pour montrer les règles et les rituels. Il mise sur des acteurs non-professionnels, issus de cette même communauté, et tourne en yiddish, qu’il avoue ne pas connaitre lui-même. Il pénètre dans ce milieu avec une ferme volonté de retranscrire au près près ses traditions ; il se rend dans les cafés, à la synagogue pour, selon ses propres mots, « se fondre un peu dans le décor ». Le résultat est un film sincère qui souffre néanmoins d’un surplus d’objectivité qui, s’il fonctionne à certains moments, reste parfois à la surface des enjeux dramatiques que le sujet promet. La distance que le cinéaste a cherché à garder, dans le souci de rester en dehors de tout jugement, freine quelque peu une mise en lumière effective des contradictions internes. Joshua Z. Weinstein réussit toutefois à faire éprouver, grâce à sa mise en scène, l’impression de lenteur dans la vie quotidienne de cette communauté fortement attachée aux traditions et qui refuse, de façon générale, la modernisation et l’ouverture. Le point fort reste bien sûr l’interprétation de Menashé, qui débute dans le cinéma avec une aisance et un naturel qui rendent le personnage attachant. À travers un récit relativement froid et distant, Menashé fait surgir l’émotion par un regard, un silence, un geste fatigué. Brooklyn Yiddish fonctionne grâce à l’universalité de l’histoire de ce père de famille qui nous permet, l’espace de quatre-vingt dix minutes, de pénétrer dans cet univers interdit et d’en apercevoir le fonctionnement.
Juliette Hay
- BROOKLYN YIDDISH (Menashe)
- Sortie en salles : 25 octobre 2017
- Réalisation : Joshua Z Weinstein
- Avec: Menashé Lustig, Ruben Niborski, Yoel Weisshaus, Meyer Schwartz
- Scénario: Joshua Z Weinstein, Alex Lipschultz, Musa Syeed
- Production: Alex Lipschultz, Traci Carlson, Joshua Z Weinstein, Daniel Finkelman, Yoni Brook
- Photographie: Yoni Brook, Joshua Z Weinstein
- Montage: Scott Cummings
- Musique: Aaron Martin, Dag Rosenqvist
- Distribution: Sophie Dulac
- Durée: 1h22