Le Parrain de Coppola a 45 ans, retour sur une œuvre magistrale

Publié par Camille Carlier le 18 octobre 2017
Le Parrain - The Godfather

Le Parrain – The Godfather

Le Parrain a fêté son 45e anniversaire au Festival de Tribeca avec tout le casting en avril dernier. À notre tour de souffler les bougies ce 18 octobre, date de sortie officielle en France, d’une œuvre cinématographique dont les risques, qui ont été pris en 1972, n’ont d’égal que l’héritage qu’elle a laissé.

 

 

 

Le Parrain (The Godfather) - affiche

Le Parrain (The Godfather)

Récit initiatique dans une Amérique en mutation de personnages presque shakespeariens, Le Parrain (The Godfather), sorti aux États-Unis le 5 mars 1972 et en France le 18 octobre la même année, est un film en nuances de gris. Il contraste avec les précédentes productions de la décennie 70, où bien et mal relèvent de choix tranchés alors que la psychologie des protagonistes demande plus de nuances. Son histoire est une audace technique, un traitement nouveau dans le récit de la vie criminelle, que complète une genèse de tournage et de production volcanique. Le tout participe à en faire aujourd’hui encore un culte.

 

Il serait impensable de ne pas reconnaître que ce bijou d’adaptation littéraire ne mérite pas son étude. Car il y a différentes strates de lecture d’un film, sorti en plein avènement du Nouvel Hollywood, qui ne laissent pas indifférent – quoique puisse en être la finalité. Si tout le casting était présent au Festival du Film de Tribeca à New York pour célébrer les quarante-cinq en avril dernier, retour donc ce 18 octobre sur ce chef-d’oeuvre, disponible dans une nouvelle édition Omerta DVD et Blu-ray, qui donne toujours autant envie de se (re)plonger dans la pénombre des Corleone.

 

L’offre impossible à refuser

 

Nous sommes dans les années 1970, la guerre du Vietnam a déjà fait son office ravageur parmi la population et dans les mentalités. Le cinéma ne s’apprend pas encore dans de grandes écoles telles qu’on les connaît aujourd’hui et la culture cinématographique se fait dans les salles obscures. Les jeunes réalisateurs sont imprégnés de la Nouvelle Vague française et recherchent davantage de substance et de complexité dans l’écriture des personnages. Monte alors un vent de contre-culture fait de frontières poreuses entre les genres. De Bonnie & Clyde à Easy Rider, quelque chose est en train de se passer et sonne le glas d’une industrie qui doit prendre en compte une création indépendante florissante.

 

C’est dans ce contexte et cette dynamique que les studios Paramount proposent à Francis Ford Coppola d’adapter un roman de Mario Puzo sur une option prise depuis longtemps. Ils ont au compteur de leurs succès Rosemary’s baby de Roman Polanski, Roméo et Juliette de France Zeffirelli ou encore Love Story de Arthur Hiller mais les risques qu’ils prennent sont grands. En effet, ceux-ci ont été refroidis par l’échec au box-office des Frères Siciliens (The Brotherhood), un drame mafieux de Martin Ritt, avec pour tête d’affiche Kirk Douglas. Il leur faut alors un réalisateur italo-américain. Coppola a la trentaine et une personnalité très affirmée, qu’admirent bon nombre d’autres jeunes réalisateurs comme ses camarades d’UCLA où il étudie. Georges Lucas qui travaille à ses premières productions, assiste alors un ami et presque pygmalion qui a déjà réalisé des long-métrages, comme Les Gens de la Pluie avec James Caan et Robert Duvall qu’il fera tourner ensuite dans Le Parrain, mais aussi La Vallée du Bonheur avec Fred Astair et Petula Clark en 1968.

 

Chevillé à la dimension artistique et à la volonté d’être un auteur indépendant avant tout, Coppola accepte au départ, presque de force, l’adaptation du best-seller. Ayant récemment monté sa société de production American Zoetrope avec George Lucas, il est convaincu par ce dernier de se lancer dans l’aventure afin d’éponger la dette colossale qu’il a avec la Warner. Cela n’empêchera pas cependant Coppola d’imposer bon nombre de ses choix, comme les lieux et bien sûr l’époque de l’action, située dans les années 1940 au lieu des années 1970 en plein mouvement hippie, selon les désirs des studios.

 

Le Parrain (The Godfather) de Francis Ford Coppola avec Marlon Brando

Le Parrain (The Godfather) de Francis Ford Coppola avec Marlon Brando

Une histoire de pouvoir

 

Les personnes qui ont vécu le tournage s’accordent à dire qu’il n’y a pas eu une journée sur le plateau où son réalisateur n’ait été à deux doigts d’être viré. Se sachant défié et avec la pression du résultat, c’est avec ardeur qu’il s’est mis à la lecture du Parrain afin d’en extraire sa substance. Cette période qu’il décrira comme « La Bohème » et réalisée en partie à San Francisco lui permet de comprendre que cette histoire en apparence romantique traite avant tout de pouvoir. Motif roi de l’œuvre, le pouvoir sera dans chaque rainure du manuscrit qu’il consigne – et que l’on peut désormais se procurer – comme la source principale de sa mise en scène. Conjointement à l’adaptation, Coppola avait même édité une section qui s’intitulait « Comment je pourrais tout foutre en l’air », lui permettant de lister rapidement les pièges qu’il devait éviter.

 

Mais outre le talent du jeune réalisateur, c’est aussi la paire qu’il a formé avec Mario Puzo qui mérite d’être saluée, et qui fut couronnée d’un Oscar en 1973. Francis Ford Coppola le reconnaîtra d’ailleurs à de nombreuses reprises. Puzo a su, avec dextérité, rendre compte et étoffer de psychologie une histoire de gangsters pour en faire la véritable fresque d’une famille criminelle en quête de légitimité. C’est lui qui est à l’origine des répliques cultes comme « Make him an offer he can’t refuse » (« Fais-lui une offre qu’il ne pourra pas refuser ») dont les paroles de sa propre mère furent une véritable inspiration. Le Parrain, c’est donc déjà un matériau superbe, retaillé par un auteur qui a étudié le milieu mafieux et n’a pas manqué de mettre en garde Coppola. En effet, celui-ci s’est vu conseiller par le romancier de ne pas avoir de relation avec la mafia et de ne pas les approcher. Ainsi, lorsque John Gotti, ponte de la mafia, parrain de la famille Gambino – une des cinq familles du crime à New York – a souhaité rendre visite à Francis Ford Coppola sur le plateau, il a été éconduit.

 

Le Parrain

Le Parrain

Mythologie

 

Le Parrain est un film de gangsters et de criminels en col blanc qui se révèle introspectif et très intime. En cela participe l’aura de l’œuvre et le renouveau qu’elle a pu apporter. Les Sopranos, série de David Chase dans laquelle on suit la thérapie d’un parrain de la mafia (excellent James Gandolfini), qui se confie régulièrement à sa psychiatre, assume totalement son inspiration.


La réalité a régulièrement rattrapé la fiction voyant une génération de criminels s’imaginer être les descendants des Corleone, adoptant leur code vestimentaire ou leur manière de parler. Le Parrain a posé les bases et l’esthétique d’un « art du crime » qui se poursuit encore aujourd’hui, vu comme une référence et ce, jusqu’aux mafias européennes. On aurait pu croire que Puzo a calqué son récit sur ce qu’il a pu observer, c’est cependant le contraire ; à l’instar d’un Tony Montana de De Palma glorifié par les caïds et dont l’histoire peut résonner particulièrement chez certains.

 

Le découpage fait par Coppola est réalisé en cinq actes avec des résonances temporelles et d’action qui forment une unité savoureuse. Ainsi, l’acte I propose une mise en place des relations et des jeux de pouvoir en 1945. Par cette scène d’introduction mémorable, on comprend qu’affaires familiales et professionnelles sont liées, mais également que souhaiter s’en écarter signifie s’éloigner des siens. Michael Corleone (Al Pacino), en sera le parfait exemple lors du mariage de sa sœur Connie (Talia Shire). Le meurtre d’un rival par celui-ci n’en sera donc que plus lourd de sens et cathartique.

 

Là où les films de Martin Scorsese ont une dimension presque documentaire (Mean Streets, Casino ou Les Infiltrés), le triptyque de Coppola se pare d’une mythologie avec des personnages en proie à la catharsis et le questionnement ontologique de la filiation, du déterminisme et du devoir familial. Un cocktail très shakespearien qui fait inévitablement perdurer l’œuvre dans les mémoires.

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Source: CBO Box office

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