Synopsis : Deux frères pas très futés décident de monter le casse du siècle : empocher les recettes de la plus grosse course automobile de l’année. Pour réussir, ils ont besoin du meilleur braqueur de coffre-fort du pays : Joe Bang. Le problème, c’est qu’il est en prison…
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Après avoir réalisé les deux saisons de The Knick, et produits plusieurs autres séries TV, Steven Soderbergh revient vers son medium d’origine : le cinéma. Logan Lucky est en quelque sorte une relecture de la saga des Ocean’s (Eleven, Twelve, Thirteen). Fini l’esbroufe et le luxe, ce récit de casse est définitivement redneck. Quand Jimmy Logan, interprété par Channing Tatum, en retenu mais efficace, perd son boulot sur un chantier, il embrigade son frère Clyde (Adam Driver) pour braquer une course automobile, le grand événement de la région. Les deux frères estropiés, l’un boiteux et l’autre manchot, doivent alors se battre contre la malédiction de leur nom de famille, à savoir la poisse. Le récit évolue avec un humour pince-sans-rire, très proche de celui des frères Coen à base de personnages idiots, de jeux de langage et de décisions loufoques. Qu’une tranche de bacon convainc Clyde de suivre son frère ou que les revendications des prisonniers soient surtout d’avoir accès à la suite de Game Of Thrones, il y a souvent une part d’inattendu qui abreuve la narration. Cet humour se retrouve notamment chez Daniel Craig, peroxydé et méconnaissable, qui joue le rôle de Joe Bang, le spécialiste en explosif un brin sans gêne. Il s’impose très vite comme un personnage emblématique, parce qu’il est moins discret, plus charismatique, que les Logan. Les deux frères de Joe Bang apportent quant à eux l’humour stupide caractéristique des rednecks. Une palette de personnages essentiels servis par un casting irréprochable.
Chacun d’entre eux a le droit à son moment privilégié et la succession de ces petites saynètes (la prison, le concours de la fille de Jimmy, la course automobile, le casse,…) dilue quelque peu la structure de l’ensemble. Néanmoins celles-ci rythment parfaitement les transitions et elles équilibrent les différents enjeux. Chaque histoire est finalement aussi importante que les autres. On y retrouve des procédés de mise en scène classique, comme l’utilisation de flashbacks pour mieux expliquer rétrospectivement les différentes implications et jouir de la synchronisation organisée de ce braquage inhabituel. Avec une légèreté naturelle, l’Amérique profonde – ici la Virginie Occidentale – imprègne le récit, que ce soit par la bande-son très bayou (Country Roads, Take Me Home de John Denver, Fortunate Son de Creedence Clearwater Revival) ou par certains choix scénaristiques, comme le concours de mini-miss auquel participe Sadie Logan, semblable à celui de Litlle Miss Sunshine. Le rapport entre Sadie et son père ancre l’émotion ; ce sont eux qui ouvrent la première scène et c’est leur histoire qui transforme cette comédie en un discours moins superficiel. Si le récit paraît aussi chaleureux et incarné, c’est parce que Soderbergh ne se laisse pas envahir par son style calculateur mais qu’il noue très justement les différentes intrigues. Le plan final n’en est que l’apogée, chaque personnage ayant redéfini ses relations avec les autres autour d’un verre. Bien qu’encore programmatique, Soderbergh qui cumule toujours les rôles de réalisateur, de directeur de la photographie et de monteur avec succès, témoigne d’une nouvelle vigueur, un peu plus libre et plus passionnée.
Alexandre Pierzak
- LOGAN LUCKY
- Sortie salles : 25 octobre 2017
- Réalisation : Steven Soderbergh
- Avec : Channing Tatum, Farrah Mackenzie, Adam Driver, Daniel Craig, Riley Keough, Katie Holmes, Seth MacFarlane, Hilary Swank, Katherine Waterston, Dwight Yoakam, Macon Blair, Sebastian Stan, Brian Gleeson…
- Scenario : Rebecca Blunt
- Production : Mark Johnson, Gregory Jacobs, Reid Carolin, Channing Tatum
- Photographie : Steven Soderbergh
- Montage : Steven Soderbergh
- Décors : Howard Cummings
- Costumes : Ellen Mirojnick
- Musique : David Holmes
- Distribution : ARP Selection
- Durée : 1h58