Ressortie/ Le baiser du tueur de Stanley Kubrick : critique

Publié par Thierry Carteret le 17 janvier 2018

Synopsis : Alors qu’il vient de perdre un match de boxe, Davy Gordon se retrouve à défendre Gloria, une entraîneuse de dancing malmenée par son patron. Les deux jeunes gens vont sympathiser avant de s‘éprendre l’un de l’autre. Voulant rester avec Davy, Gloria décide de changer de vie et pour cela de quitter son emploi, au grand désespoir de son patron qui, amoureux d’elle, tente d’éliminer Davy pour la reconquérir. Davy se retrouve mêlé à une sale affaire de désir et de jalousie…

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Le Baiser du Tueur - affiche

Le Baiser du Tueur – affiche

Mary-X Distribution propose de revoir au cinéma dès le 17 janvier Le baiser du tueur de Stanley Kubrick en version restaurée 2K. Le réalisateur a toujours tenté d’interdire l’exploitation de son premier long métrage Fear and Desire réalisé en 1953, qu’il considérait à tort ou à raison comme un essai prétentieux et trop « amateur » pour être exploité dans un circuit de diffusion classique. Ce qui ne sera pas le cas pour Le baiser du tueur qu’il réalise l’année suivante. Entre deux genres, boxe et criminel, le jeune réalisateur offre un petit film noir solide et très court (1h07), au budget modeste de 40 000 dollars, habité par des éclats de génie au détour de plans (le rêve halluciné) ou de séquences inoubliables (le match de boxe sur le ring, le combat final dans la remise de mannequins en plastique). Fort de son expérience de photographe de presse, Kubrick occupe également le poste de directeur photo sur le tournage. Le soin apporté aux cadrages, aux angles, aux lumières renvoie à ses chefs-d’œuvre à venir (2001, l’Odyssée de l’espace, Orange mécanique, Barry Lyndon, Shining, Eyes Wide Shut…). Mais en ce concentrant sur la forme, l’apprenti cinéaste de 27 ans, également producteur, néglige une dimension essentielle : la direction d’acteurs. Le choix des comédiens engagés pour le couple formé par Davy, jeune boxeur raté, et Gloria, entraîneuse de dancing (à la vocation contrariée de danseuse de ballet suite à la mort de sa sÅ“ur), en pâlit.

 

Le baiser du tueurLe baiser du tueur

 

L’inconnu Jamie Smith est loin de posséder le charisme d’un Kirk Douglas, et livre un jeu plutôt inexpressif. Heureusement, la narration en voix-off permet d’accentuer les tourments émotionnels de son personnage. La jeune actrice Irene Kane, inconnue aussi, possède une beauté et un charme qui conviennent au personnage de Gloria. Mais à l’instar de son partenaire masculin, elle ne dégage pas l’aura des grandes comédiennes du film noir. À noter au casting, Ruth Sobotka, alors épouse de Kubrick, dans le rôle de la sœur de Gloria qui apparaît en ballerine lors d’un flashback un peu en décalage avec le reste. On sent que cette scène a surtout été filmée pour faire « plaisir » à la jeune compagne du réalisateur, mais n’apporte pas grand-chose à l’intrigue principale. Elle permet au mieux d’intensifier et de comprendre le choix de vie solitaire et la psychologie finalement plus tourmentée du personnage de Gloria. Seule la figure du méchant (le tueur) est marquante. C’est Frank Silvera, second couteau illustre du western américain (Viva Zapata !, L’homme de la sierra, Hombre) qui incarne Vincent Rapallo, mafieux psychopathe et patron de Gloria. La jeune femme est sous son emprise sexuelle et dominatrice.

 

Le baiser du tueurLe baiser du tueur

 

Le scénario, en surface très simple, se concentre sur un triangle amoureux entre ses trois personnages avant de s’achever dans un combat rapproché comme une partie d’échecs (jeu favori de Stanley Kubrick). Le fait que Davy soit un boxeur est parfaitement utilisé lors des scènes d’action. La poursuite sur les toits est magnifiquement chorégraphiée avec de subtiles mouvements de caméras. On sent aussi l’influence du néo-réalisme italien et du cinéma expressionniste dans le clair-obscur. Certaines scènes dans les rues de New-York sont d’ailleurs filmées en caméras cachées. Cela confère un aspect documentaire et une véracité immédiate. La figure des passants est d’ailleurs directement inspirée du travail de photographe de Kubrick, des gens typiques de la ville. Le baiser du tueur a été tourné sans le son, et le travail de postsynchronisation a été un défi technique considérable. C’est d’ailleurs Kubrick lui-même qui, après la caméra et la lumière, s’occupe du montage. Une fois son long métrage terminé, il parvient à le proposer au studio United Artists qui l’acquiert pour 75 000 dollars. Il fait donc un petit bénéfice de 35 000 dollars. Le baiser du tueur peut se voir comme un « brouillon », sincère mais imparfait, de son premier chef-d’œuvre L’ultime razzia (ressorti également en salles le 3 janvier), réalisé en 1956 pour United Artists. La suite de la carrière de Stanley Kubrick appartient à l’Histoire du cinéma… Une oeuvre à (re)voir donc prestement!

 

 

 

  • LE BAISER DU TUEUR (Killer’s Kiss)
  • Ressortie salles : 17 janvier 2018
  • Version restaurée 2K
  • Réalisation : Stanley Kubrick
  • Avec : Frank Silvera, Jamie Smith, Irene Kane, Jerry Jarrett, Felice Orlandi, Shaun O’Brien, Barbara Brand, Alec Rubin,…
  • Scénario : Howard Sackler, Stanley Kubrick
  • Production : Stanley Kubrick, Morris Bousel
  • Photographie : Stanley Kubrick
  • Montage : Stanley Kubrick
  • Musique : Gerald Fried
  • Distribution : Mary-X Distribution
  • Durée : 1h07
  • Sortie initiale : 21 septembre 1955 (USA) – 13 juin 1962 (France)

 

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