The Last Family de Jan P. Matuszynski : critique

Publié par CineChronicle le 15 janvier 2018

Synopsis : Né en 1929, ZdzisÅ‚aw BeksiÅ„ski, peintre surréaliste polonais connu pour ses inquiétantes Å“uvres post-apocalyptiques, vit avec sa femme Zofia, catholique convaincue, et leur fils impulsif et suicidaire Tomasz, célèbre animateur radio. Une histoire incroyable mais vraie filmée au plus près par la caméra de l’artiste devenue un membre de la famille à part entière et qui témoigne intimement des changements de la société polonaise dans la deuxième moitié du XXe siècle.

♥♥♥♥♥

 

The Last Family - affiche

The Last Family – affiche

Pour son premier long-métrage de fiction, le réalisateur polonais Jan P. Matuszynski propose un biopic peu conventionnel autour de Zdzislaw Beksinski (Andrzej Seweryn), peintre surréaliste de la seconde moitié du vingtième siècle. Le film ne retrace ni la vie ni le parcours de l’artiste, mais se concentre sur ses dernières années entouré de sa femme, de sa belle-mère et de son fils. La toute première scène reconstitue un entretien entre le peintre et un journaliste qui révèle un esprit encore vif et joueur, détournant les questions personnelles avec amusement. Une personnalité qui n’a pas perdu sa folie. Les images fantasques évoquées dans la discussion (autour de l’achat en ligne et de la surdisponibilité) participent à une vision excentrique très polonaise de Gombrowicz à Polanski. À l’opposé d’une représentation romantique du peintre à l’oeuvre dans son atelier, touché par la grâce de l’inspiration, le quotidien de Beksinski est anti-dramatique. On passe assez rapidement sur le processus de création de glorification insistante. Peintre est un métier comme un autre ; l’art est une marchandise. Il est essentiellement question de commandes ; si la famille survit c’est grâce à la notoriété du père. Au-delà de leur valeur marchande, les tableaux ont aussi une valeur symbolique. Les seules oeuvres apparaissant à l’écran sont celles tapissant l’appartement du fils qui les conserve, non pas pour leur prix ou leur célébrité, mais pour leur esthétique. Tomasz, le fils (Dawid Ogrodnik, aperçu notamment dans Ida de Pawel Pawlikowski, 2013), ne veut garder que le meilleur de son père chez lui. C’est tout l’enjeu de la filiation qui transparaît dans ce thème.

 

The Last Family

The Last Family

 

En tant que peintre, Beksinski est un « regardeur » ; le regard dicte son rapport au monde, d’où l’idée anecdotique et pourtant si forte de l’armer d’une caméra. Il filme tout ce qui l’intrigue comme un amateur, donc de manière amoureuse et authentique. La vidéo offre une approche antagoniste à la peinture. Le travail de l’artiste est avant tout imaginaire et allégorique, poussé à son paroxysme dans le style surréaliste qu’on perçoit. La vidéo est, quant à elle, l’art du quotidien. Le cadre et la durée donnent accès à une nouvelle dimension à son sujet. Par une mise en abîme très à propos, il n’est pas étonnant que la vidéo soit plus présente que la peinture dans le film. La soudaine timidité de Zofia Beksinska, la femme du peintre (Aleksandra Konieczna), face à la caméra est compréhensible. Le geste de son mari la sort de la vie et la fait entrer dans le domaine de la représentation. Tomasz n’aura aucun souci pour s’exhiber.

 

Le medium introduit aussi une question en écho avec le film lui-même, celle de la distance ambiguë du filmeur avec son sujet. Matuszynski filme parfois au coeur de l’action quand Tomasz part en crise violente et d’autres fois plus en retrait, comme indifférent, à l’image du plan final où il abandonne son personnage. À ceci s’ajoute la durée des plans qui étire et exacerbe les sentiments, et l’impression qu’ils génèrent. Avec son camescope, Zdizislaw Beksinski filme lui également, par amour, pour témoigner ou pour ouvrir son regard (impossible de ne pas penser à Alain Cavalier). Mais il filme aussi par impuissance. Incapable d’agir sur le réel, il le regarde jusqu’au cynisme, ce qui prête à confusion puisque son inaction peut être interprétée comme une manipulation froide et sadique. Il préfère ainsi filmer sa femme en pleurs plutôt que de la consoler et de lui laisser sa dignité après une énième furie de leur fils.

 

The Last Family

The Last Family

 

Petit à petit, c’est l’explosion de la cellule familiale, qui entraîne avec elle la destruction même des individus. Tomasz en est l’incarnation. La célébrité de son père l’envahit inconsciemment et elle le pousse à devenir animateur radiophonique (connu et réputé en Pologne). Inspiré de la new wave et surtout du punk anarchiste, il se complaît dans une attitude délétère et autodestructrice. Dawid Ogrodnik offre une formidable prestation instable et outrancière, aussi sauvage que son personnage. Finalement la destruction familiale est l’oeuvre d’individus qui se déchirent et qui rongent les liens qui les unissent. Pour autant, aucun d’eux n’est malheureux. Dans une posture très stoïcienne, ils acceptent ce qu’ils ne peuvent pas changer. D’où la tragédie des révoltes infructueuses de Tomasz, comme l’ultime sursaut de la dernière famille.

 

Alexandre Pierzak

 

 

 

  • THE LAST FAMILY (Ostatnia Rodzina)
  • Sortie salles : 17 janvier 2018
  • Réalisation : Jan P. Matuszynski
  • Avec : Andrzej Seweryn, Dawid Ogrodnik, Aleksandra Konieczna, Andrzej Chyra, Magdalena Boczarska, Zofia Percynska, Danuta Nagorna, Alicja Karluk
  • Scénario : Robert Bolesto
  • Production : Aneta Hickinbotham, Leszek Bodzak
  • Photographie : Kacper Fertacz
  • Montage :  Przemyslaw Chruscielewski
  • Décors : Jagna Janicka
  • Costumes : Emilia Czartoryska
  • Musique : Atanas Valkov
  • Distribution : Potemkine Films
  • Durée : 2h03

 

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