Synopsis: Michael et Dafna, mariés depuis 30 ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonathan effectue son service militaire sur un poste frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial. Le choc de l’annonce va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours. Le couple est bouleversé. Les masques tombent.
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Neuf ans après Lebanon, récit tiré de son expérience traumatisante de tankiste dans l’armée israélienne, Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2009, Samuel Maoz revient avec un second long-métrage toujours aussi inspiré. Foxtrot a des allures de tragédie grecque. Une structure en trois actes avec des personnages en lutte face à leurs démons intérieurs et victimes du sort, lui confère un pouvoir cathartique déstabilisant. L’annonciation qui ouvre le récit est mortuaire. Leur fils réalisant son service militaire pour l’Armée de défense d’Israël, Michael (Lior Ashkenazi) et Dafna Feldmann (Sarah Adler) vivent comme chaque parent avec la peur au ventre que des uniformes viennent sonner à leur porte. Lorsque le redoutable se produit, la mère s’évanouit à la seule vue des officiers sur le palier tandis que Michael gère –avec l’assistance presque omnipotente de Tsahal- paperasse et procédure de funérailles. Avec un calme perturbant, semblant anesthésié, celui-ci ne trouve aucune consolation à l’annonce d’un Yonathan (Yonaton Shiray) mort « alors qu’il remplissait son devoir » ou encore que la chair de sa chair ait le droit de monter en grade après son trépas « privilège dont bénéficie tout tué de Tsahal ». Samuel Maoz manie avec pertinence un ton tragique d’où perce au travers du personnage de Michael, le sarcasme et parfois l’absurde. Tout l’aspect arbitraire du drame éclate à son paroxysme lorsque d’autres officiers viennent annoncer s’être trompés de mort puisque c’est un homonyme qui est finalement décédé. Michael devient hargneux, sa confiance déjà ébranlée par un post-traumatisme de son propre service militaire, définitivement perdue devant la difficulté des autorités à lui dire clairement où se trouve son fils à l’heure actuelle.
Foxtrot est également la réflexion sur deux générations qui ont combattu avec le questionnement du dévouement. On entre alors dans la seconde partie en retrouvant ledit Yonathan. Il officie dans un décor désertique, levant et baissant la barrière d’un check-point où le passage est si peu fréquent que les chameaux y passent davantage. Après une entrée en matière dense et éprouvante, cette partie se fait plus lente et convoque encore une fois le ridicule de la situation. Quatre soldats léthargiques servent une cause censée transcender le bien personnel dans une infrastructure minimaliste et vieillissante, sorte de grand container qui sombre peu à peu dans la boue stagnante. Cet acte se clôt sur une bavure de l’armée israélienne dont les victimes finiront enterrées en même temps que la vérité et une possible justice.
Foxtrot est un film de guerre d’un autre style, dans lequel sont mis en lumière les liens et l’impact de l’activité militaire sur les familles. On y retrouve un couple en crise, le poids des traumas inavoués, la perte d’un enfant et le deuil qui l’accompagne. Incroyablement filmé et à la mise en scène ultra-sensible, le film est immersif et parfois presque oppressant. L’image joue avec les lignes et courbes tandis que les entrées et sorties de champ sont soignées pour une photographie superbe et contrastée de Giora Bejach à qui on doit également celle de Lebanon.
Le foxtrot est une danse dont les pas ramènent toujours au point de départ. Elle se fait parenthèse poétique et métaphore. Comme ancre de ce que qui nous tient à cœur, ce que l’on croit, ce que nous sommes obligés de faire. Samuel Maoz réalise ici un fort et beau, au propos politique inhérent sans que pour autant cela n’éclipse l’émotion. Ayant suscité la polémique dans son pays, le film a été accusé par la ministre de la culture israélienne Miri Regev de représenter de façon mensongère l’armée israélienne à l’international. À l’international justement, les nominations et récompenses ont été légion, dont celle du Lion d’Argent à la Mostra de Venise en 2017.
- FOXTROT
- Sortie salles : 25 avril 2018
- Réalisation : Samuel Maoz
- Avec : Lior Ashkenazi, Sarah Adler, Yonaton Shiray, Shira Haas, Karin Ugowski, Yehuda Almagor, Yaakov Zada Daniel, Irit Kaplan
- Scénario : Samuel Maoz
- Production : Marc Baschet, Viola Fugen, Cédomir Kolar, Eitan Mansuri
- Photographie : Giora Bejach
- Montage : Arik Leibovitch, Guy Nemesh
- Décors : Felicity Good
- Costumes : Hila Bargiel
- Musique : Ophir Leibovitch, Amit Poznansky
- Distribution : Sophie Dulac Distribution
Durée : 1h53