Synopsis: 1997, à quelques mois de la rétrocession de Hong-Kong, la Chine va vivre de grands changements… Yu Guowei, le chef de la sécurité d’une vieille usine, dans le Sud du pays, enquête sur une série de meurtres commis sur des jeunes femmes. Alors que la police piétine, cette enquête va très vite devenir une véritable obsession pour Yu… puis sa raison de vivre.
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Grand Prix de la dixième édition du Festival International du Film Policier de Beaune, Une pluie sans fin est également le premier long-métrage de son réalisateur. Avant cela, Dong Yue avait surtout travaillé à la photographie ou en tant que chef opérateur. Il signe ici un polar oppressant où -à l’instar de beaucoup d’oeuvres du genre-, l’enquête est un moyen de fouiller les personnages, susciter des réactions et où l’intérêt se situe dans ce que révèlent les meurtres chez chacun. 1997. Quelques mois avant la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, l’action nous mène dans une petite ville du sud chinois entourée de trois usines. Les meurtres d’ouvrières qu’on retrouve lacérées occupent les autorités languissantes qui piétinent à conclure l’affaire. Yu Guowei, un chef de la sécurité qui a fait jadis la fierté de son usine et persuadé d’avoir de grands talents à l’enquête, décide de mener la sienne également. Avec lui, le spectateur s’enfonce dans les limbes d’une enquête policière mais plus encore accompagne Yu dans une quête psychologique, faite de la certitude de valoir mieux que sa condition et des difficultés pour mettre en place un changement efficace. Les références ne manquent pas pour qualifier le cinéma de Dong Yue. Tout d’abord résonne Memories of Murders, le chef-d’oeuvre de Bong Joon-Ho sorti en 2003. Des terrains vastes écrasant les personnages à la photographie monochrome faite de vert, gris et marron et dans laquelle un feu vient souvent contraster l’image.
Le réalisateur a déclaré s’être fortement inspiré de Conversation Secrète de Francis Ford sorti en 1974 et Sueurs Froides d’Alfred Hitchcock de 1958 pour l’écriture de ses personnages. Une pluie sans fin est un film sombre dont le visionnage se digère sur plusieurs jours. L’idée du scénario est venue à Dong Yue par un flash à la télévision relatant l’histoire d’une ville presque abandonnée et faible en ressources énergétiques puisque les usines avaient été fermées. Comme un miroir à son sujet, on peut néanmoins accuser le film de longueurs et de redondances. Le pluie incessante enferme les personnages dans une attente infinie et influe avec efficacité sur le moral. L’angoisse se trouve accrue par une météo qui permet plus de mystère et d’opacité dans les meurtres. Une pluie sans fin est un polar chaotique efficient qui distille le malaise en même temps qu’il ouvre une réflexion sur les populations sacrifiées par les mutations sociétales en Chine. Comme une sorte de réhabilitation, l’oeuvre de Dong Yue trouve sa place légitime dans la tradition du film noir asiatique jouant avec ses codes, entre hommage et vision personnelle de son réalisateur.
- UNE PLUIE SANS FIN (Bao xue jiang zhi)
- Sortie salles : 25 juillet 2018
- Réalisation : Dong Yue
- Avec : Yihong Duan, Yiyan Jiang, Yuan Du, Chuyi Zheng, Wei Zheng, Zhang Lin, Liu Tao, Chen Chang
- Scénario : Dong Yue
- Production : Xiao Qiancao
- Photographie : Cai Tao
- Décors : Liu Quiang
- Costumes : Liu Quiang, Li Hua
- Musique : Dingke
- Distribution : Wild Bunch
Durée : 1h59