Synopsis : 1962. Dans une Angleterre encore corsetée par des conventions sociales étouffantes, Florence et Edward, la petite vingtaine, viennent de se marier. Aussi inexpérimentés l’un que l’autre, ils passent leur première nuit ensemble dans un hôtel guindé sous l’Å“il un rien moqueur du personnel. Totalement tétanisés à l’idée de faire le moindre faux-pas, ils se souviennent, chacun, de leur rencontre. Florence, brillante violoniste élevée dans une famille fortunée et conservatrice, était tombée sous le charme d’Edward, aspirant écrivain issu d’un milieu plus modeste… Â
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Sur la plage de Chesil est adapté du roman de Ian McEwan. Depuis le début de sa carrière, plusieurs de ses œuvres littéraires ont déjà été portées à l’écran. Ici, il écrit lui-même le scénario. La romance tragique située dans l’Angleterre puritaine du début des années 1960 est mise en scène par Dominic Cooke. Le réalisateur de la deuxième saison de la minisérie historique The Hollow Crown, produite par Sam Mendes pour la BBC, est surtout un célèbre directeur d’opéra et de pièces. La dramaturgie de Sur la plage de Chesil est d’ailleurs valorisée par la théâtralité de sa structure. Le film aurait pu néanmoins bénéficier de l’expérience d’un cinéaste plus confirmé qui aurait su donner une cadence plus harmonieuse à l’ensemble. Certaines longueurs inutiles empêchent parfois un développement plus approfondi du contexte dans lequel évoluent les amants et les actions ne s’enchaînent pas toujours de manière fluide. Ceci étant dit, la narration reste plutôt bien ficelée. L’utilisation de plans-séquences, de flashbacks, ainsi que l’importance des dialogues, laissent le temps d’apprécier la singularité de chaque décor et permettent à l’intrigue de se construire progressivement pour rentrer dans l’intimité de Florence et Edward. Les deux jeunes époux sont incarnés brillamment par Saoirse Ronan, récompensée par un Golden Globe pour sa performance dans Lady Bird, et Billy Howle (Dunkerque). Il y a une alchimie indéniable entre les deux acteurs qui interprètent aussi un couple dans The Seagull de Michael Mayer.
Si l’intrigue se développe en prenant comme point de départ la lune de miel des mariés en 1962 dans le huis clos de leur chambre d’hôtel du Dorset, elle finit par s’évader de cette parenthèse spatio-temporelle figée. D’abord grâce aux souvenirs, puis à cause du conflit. Les différentes péripéties se déroulent sur une longue période ; avant la rencontre des deux héros jusqu’en 2007. Aidé par les décors de Suzie Davies et les costumes de Keith Madden, le réalisateur nous transporte à travers le temps avec brio. Le réalisateur fait aussi le choix de tourner en pellicule pour reproduire l’atmosphère d’antan et gagner en authenticité. Un choix courageux compte tenu des nombreux plans-séquences. Pourtant, Sur la plage de Chesil n’est pas une œuvre à la nostalgie exagérée, même si les regrets occupent une place importante dans le film. Il s’agit plutôt du retentissement d’un temps révolu sur l’avenir, critiquant avec justesse les conséquences d’une société conservatrice pleine de tabous sur le destin des individus par le biais d’une histoire d’amour assez anodine et de ses non-dits. Bien que novice, Dominic Cooke parvient à capturer l’intensité d’un instant précis dont les échecs, avec les frustrations qu’ils engendrent, rendent impossible tout futur commun.
Erica Farges
- SUR LA PLAGE DE CHESIL (On Chesil Beach)
- Sortie salles : 15 août 2018
- Réalisateur : Dominic Cooke
- Avec : Saoirse Ronan, Billy Howle, Anne-Marie Duff, Adrian Scarborough, Emily Watson, Samuel West, Bebe Cave, Jonjo O’Neill, Philip Labey, Oliver Johnstone, Imogen Daines, Mark Donald, Anna Burgess, Mia Burgess
- Scénario : Ian McEwan, d’après son roman
- Production : Elizabeth Karlsen, Stephen Woolley, Caroline Levy
- Photographie : Sean Bobbitt
- Montage : Nick Fenton
- Décors : Suzie Davies
- Costumes : Keith Madden
- Musique : Dan Jones
- Distribution : Mars Films
- Durée : 1h50