Synopsis : Olivier se démène au sein de son entreprise pour combattre les injustices. Mais du jour au lendemain quand Laura, sa femme, quitte le domicile, il lui faut concilier éducation des enfants, vie de famille et activité professionnelle. Face à ses nouvelles responsabilités, il bataille pour trouver un nouvel équilibre, car Laura ne revient pas.
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Après le très remarqué Keeper sur la grossesse et la parentalité adolescente, Guillaume Senez revient avec Nos batailles. Malgré une sélection à la Semaine de la critique à Cannes, le second long-métrage du réalisateur franco-belge rencontre moins de succès que son œuvre précédente récompensée dans de nombreux festivals internationaux. Inspiré par la paternité inconventionnelle, abordée également dans les courts-métrages de Senez, elle n’est ici pas forcément une évidence au début. En effet, contrairement à Keeper où la non-conformité des futurs parents aux schémas traditionnels est immédiatement affichée par leur âge, Olivier (Romain Duris) et Laura (Lucie Debay) forment initialement un ménage français typique d’aujourd’hui. C’est l’absence prolongée et inexpliquée de la mère qui intervient comme un élément perturbateur de la structure familiale nucléaire. De plus, le point de vue adopté dans Nos batailles est plus large, d’autres sujets viennent s’ajouter à celui de la parentalité. Au lieu de s’ouvrir sur la vie du couple avec leurs progénitures, la première séquence montre Olivier qui essaie de défendre un des membres de son équipe, menacé de licenciement, auprès de la direction de l’usine. Le scénario, co-écrit avec Raphaëlle Desplechin, juxtapose une dimension sociale grâce au travail et à l’engagement syndical du père. Un script qui déjoue nos expectatives en évitant les écueils de la facilité en mettant en place un thriller à partir d’une disparition. La remise en question de la stabilité professionnelle prend la même importance que le chamboulement du foyer. C’est d’une manière réaliste, affranchie de pathos surjoué et artificiel, que le cinéaste dépeint les relations au sein d’une famille rappelant Jusqu’à la garde de Xavier Legrand.
Bien que la forme puisse paraître de prime abord assez classique, le film trouve sa particularité dans un réalisme extrêmement bien maîtrisé et une perspective singulière. Pourtant, la variété de ses problématiques peut faire perdre le fil de l’histoire par moments. Ce léger défaut est contrebalancé par les performances des acteurs. Au cœur de cette trame complexe imprégnée de réalité quotidienne, Romain Duris joue un personnage qui sort de son champ d’interprétation habituel. L’acteur offre une performance convaincante dans le rôle du protagoniste qui assure le lien entre les diverses thématiques donnant la réplique à Laure Calamy (Dix pour cent, Victoria, Mademoiselle de Joncquières), Laetitia Dosch (Keeper, Jeune Femme, Mon roi) et Lucie Debay (Lola Pater, L’amour est une fête). On remarque particulièrement les petits comédiens en herbe Basile Grunberger et Lena Girard Voss qui interprètent les enfants du couple avec un naturel étonnant.
Dans une approche observatrice, tournée caméra à l’épaule avec une mise en scène épurée et une direction d’acteurs privilégiant l’improvisation, la réalisation hybride de Guillaume Senez possède une portée vaste. En adoptant un angle réaliste pour représenter la possibilité qu’une femme quitte volontairement son foyer laissant derrière elle ses enfants -ce qui renverse les rôles-, Nos batailles se positionne comme une œuvre plutôt atypique dans le paysage du cinéma français.
- NOS BATAILLES
- Sortie salles : 3 octobre 2018
- Réalisation : Guillaume Senez
- Avec : Romain Duris, Laure Calamy, Laetitia Dosch, Lucie Debay, Basile Grunberger, Lena Girard Voss, Dominique Valadié, Sarah Le Picard, Cédric Vieira, Kris Cuppens, Valentine Cadic, Francine Lorin-Blazquez
- Scénario : Guillaume Senez et Raphaëlle Desplechin
- Production : Isabelle Truc, David Thion, Philippe Martin
- Photographie : Elin Kirschfink
- Montage : Julie Brenta
- Décors : Florin Dima
- Costumes : Julie Lebrun
- Distribution : Haut et Court
- Durée : 1h38