Résumé : Il y en a qui ont fait du théâtre en attendant de pouvoir faire du cinéma. D’autres qui ont été influencés par la scène et en ont témoigné dans leurs films. D’autres encore qui se sont fait connaître par le cinéma et ont attendu longtemps avant de tenter l’expérience théâtrale. Quel que soit leur parcours, ces artistes expriment le lien profond, parfois problématique ou paradoxal qui unit cinéma et théâtre. On dit qu’au cinéma, c’est la mise en scène qui est première, alors que sur les planches, ce sont le texte et les acteurs qui règnent ; parfois, ce n’est pas si simple. Les metteurs en scène d’une pièce ont désormais acquis un statut d’auteurs, au même titre que les réalisateurs d’un film ou les chorégraphes d’un ballet : cela ne fait que brouiller un peu plus les frontières. Une dizaine de créateurs et créatrices de premier plan, forts de leur expérience, s’expriment ici sur les deux domaines. Deux passions qui n’en font qu’une : mettre en scène.
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Recueillis par les étudiants du Master professionnel de cinéma de l’École des arts de la Sorbonne (université Paris 1) et coordonnés par trois de leurs professeurs, N.T. Binh, Camille Bui et Jean-Paul Figasso, ces entretiens se focalisent sur le rapport hybride que tisse l’art de la mise en scène. Des planches au plateau de tournage, chaque personnalité interrogée revient sur les particularités de leur parcours transversal. Aux noms bien connus des spectateurs (Benoit Jacquot, Arnaud Desplechin, Agnès Jaoui, Guillaume Gallienne) répondent des patronymes plus familiers des cinéphiles (Xavier Durringer, Zabou Breitman, Safy Nebbou, Alexis Michalik). Tous ont pourtant en commun une volonté de dépasser le cadre d’une discipline unique pour en délocaliser les principes à travers l’usage d’un nouveau médium artistique. De fait, on reconnaît de conversation en conversation la récurrence de certaines problématiques. Le rapport à l’acteur ou l’importance du texte, les notions d’interprétation ou de direction, persistent et se transforment au contact de pratiques familièrement étrangères. Pour Gallienne, c’est le point de vue du spectateur qui bascule et s’altère, tandis que Desplechin semble trouver au théâtre un moyen de prolonger, différemment, certains enjeux de ses films (et inversement). Jaoui et Jacquot insistent quant à eux sur l’importance de l’héritage. Alain Resnais pour la première, Marguerite Duras pour le second, se présentent pour eux comme des modèles de méthode et de tempérament.
Diserts, les intervenants reviennent longuement sur leur pratique, concrétisant certains points de théorie (la virtuosité ou l’incarnation, la durée et le rythme…) à partir d’exemples précis. L’intérêt de l’ouvrage est de ne jamais envisager ce rapport scène-image selon une simple comparaison ou une hypothétique opposition, mais bien selon une pluridisciplinarité homogène. Ici s’explicitent la pertinence et la vivacité des questions posées qui oscillent entre particulier et général pour permettre aux metteurs en scène de rebondir immédiatement et de transformer le jeu de question-réponse en une authentique discussion.
On félicitera alors la grande culture (technique et cinéphile) des étudiants qui, forts de leur connaissance des œuvres évoquées, parviennent à brosser de très complets portraits de leurs interlocuteurs. Si l’on regrettera l’absence d’illustrations qui auraient permis de seconder la qualité de ces entretiens, la maison d’édition des Impressions Nouvelles propose un utile index des noms et des titres. On n’oubliera pas de mentionner la belle préface de Peter Brook qui avec sa truculence habituelle accompagne l’instructif préambule de N.T. Binh pour introduire brillamment cet ouvrage à la singularité bienvenue.
- METTRE EN SCÈNE. THÉÂTRE ET CINÉMA
- Auteurs : N.T. Binh, Camille Bui et Jean-Paul Figasso (sous la direction de)
- Éditions : Les Impressions Nouvelles
- Collection : Caméras subjectives
- Date de parution : 3 septembre 2020
- Langues : Français uniquement
- Format : 272 pages
- Tarifs : 20 € (print) – 14,99 € (numérique)