Dès le premier épisode, les scénaristes font le choix d’installer l’action des mois après l’arrivée de Frank à la présidence des Etats-Unis. Avec une politique critiquée, sa cote de popularité s’effondre et son gouvernement se retourne contre lui. Malgré les réticences, Frank décide de se présenter aux prochaines élections. Cet enjeu répété dans cette saison a beaucoup moins d’impact et en fait sa plus grande faiblesse. Cependant, le récit ne sombre pas dans la facilité. Le président est brisé, a perdu sa ténacité, ce qui amène Claire sur le devant de la scène. La troisième saison traite de la désillusion et du sacrifice inhérents au pouvoir. Rien ne se passe donc comme prévu.
Force est de constater que les twists sont peu nombreux, bouleversant les attentes du public qui s’attendaient à une lutte aussi acharnée que précédemment. Les épisodes se suivent à un rythme beaucoup plus lent mais non moins passionnant. La faute est à cette problématique de l’enjeu, qui renouvelle pourtant la série en l’amenant sur un chemin différent de l’ambition sans faille. L’intrigue principale trouve ainsi sa source dans le couple Underwood. De ce fait, le traitement scénaristique inverse l’ordre de priorité. Claire et Frank deviennent le cœur du récit, passant avant les joutes politiques. Par le prisme de cette nouvelle direction, cette troisième partie s’avère intéressante, multiplie les séquences intimistes entre les deux époux, et donne finalement à Claire une importance capitale. Les personnages sont présentés en situation de dissidence, de rupture dans le cadre. Plus de symétrie ici, les deux protagonistes s’opposent dans l’espace occupé, un au premier plan, l’autre dans la profondeur. L’écart dans l’espace est aggravé par les contre-plongées lors des dialogues tendus qui les positionnent au même niveau de grandeur.
L’autre atout de ce troisième chapitre est l’ancrage de la fiction dans la réalité. En effet, le président de la Russie, Vicktor Petrov (Lars Mikkelsen), qui s’oppose à Frank, n’est pas sans rappeler Poutine et l’actualité internationale du moment. Cerise sur le gâteau, la présence de Maria Alekhina et Nadejda Tolokonnikova, deux membres des Pussy Riots, qui s’invitent le temps d’un épisode pour jouer des dissidentes face à Petrov. La satire continue aussi quelque part à s’imposer avec le nom donné au président russe fictif qui évoque un écrivain ukrainien du même nom. Tout ceci contribue à la crédibilité du contexte mais propose surtout des scènes musclées entre les deux chefs d’état. Mais la vraie révélation parmi cette galerie de personnages est Douglas Stamper. Laissé pour mort à la fin de la deuxième saison, il va tenter de se remettre de ses blessures. Il confirme qu’il est la botte secrète de Frank, mais aussi de la série, assurant la meilleure trame narrative cette année. L’une des autres bonnes surprises émane de l’attention portée à l’identité plastique de la série. L’esthétisme visuel est toujours aussi soigné avec une photographie très fincherienne. Ce rendu rappelle le travail de Jeff Cronenweth, en particulier sa touche glacée sur Millenium et sa perspective clair/obscur sur THE SOCIAL NETWORK (notre critique), offrant ainsi une palette large aux ténèbres.
Cette troisième partie est un peu en manque de souffle et d’adrénaline dû à l’abandon des journalistes des deux premières saisons, mais elle assure toujours un spectacle de qualité. Si la première partie peine à trouver ses marques, la seconde est passionnante et sans concession, trouvant son apothéose dans la séquence finale, impressionnante de maîtrise dans son déchaînement de violence. En attendant la quatrième saison pour 2016, force est de constater que House Of Cards est l’un des meilleurs shows du moment, se présentant comme une alternative contemporaine à L’Art de la Guerre de Sun Tzu. Un casting de luxe, avec en tête Kevin Spacey, aussi sarcastique que terrifiant, et Robin Wright, toute en nuances, tenant là l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Mais le vrai tour de force de la série est sans doute de rendre accessible et exaltante la politique. Loin de la vision d’Aaron Sorkin avec A la Maison Blanche, mais proche de celle de Georges Clooney avec Les Marches du Pouvoir dont le scénario est d’ailleurs signé Beau Willimon. House of Cards a ainsi de beaux jours devant elle pour devenir une série de référence.
- Série Américaine HOUSE OF CARDS a démarré sa diffusion du 1er février 2013 au 27 février 2015 sur Netflix.
- Créateur : Beau Willimon
- Avec : Kevin Spacey, Robin Wright, Michael Kelly, Sakina Jaffrey, Kristen Connolly, Sebastian Arcelus, Michel Gill, Gerald McRaney, Mahershala Ali, Garett Walker, Lars Mikkelsen, Kate Mara, Rachel Brosnahan…
- Réalisation : David Fincher, James Foley, Joel Schumacher, Charles McDougall, Carl Franklin, Allen Coulter, Robin Wright, John Coles, Jodie Foster…
- Musique : Jeff Beal
- Producteurs : David Fincher, Kevin Spacey, Michael Dobbs, Eric Roth, Andrew Davies, Keith Huff, Karyn Mccarthy, Iain Paterson, Karen Moore…
- Trois saisons de 13 épisodes de 55 minutes.
- Diffusée en France sur Canal+ Séries depuis le 29 août 2013. La saison 3 se terminera le 22 avril 2015.
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