Michael K.Williams (Chalky White) dans Boardwalk Empire – HBO
La série n’omet pas de traiter des questions sociales, particulièrement du racisme. Le personnage de Chalky, dont le nom ironique « White », souligne la dualité d’un personnage complexe, en devient l’allégorie du problème racial. Gangster affirmé, il se heurte malgré tout à l’intolérance des autres et à ses origines. Le spectre de l’esclavage hante encore la communauté noire, redoutant le Ku Klux Klan et ses lynchages sur la place publique. Le traitement de cette question dans Boardwalk Empire est contemporain, et marque ainsi la revanche de cette classe sur les blancs. Ainsi, Chalky White incarne le premier gangster noir avec brio, grâce à l’interprétation bluffante de Michael K.Williams, dont le rôle de Omar dans The Wire avait marqué les esprits. Du côté des minorités, les rôles féminins dans la série sont aussi des personnages de femmes fortes, de Margaret (Kelly MacDonald) à Sally Wheet (Patricia Arquette). Ces caractères s’expliquent par leurs fréquentations qui les forcent à se radicaliser. Leur féminité s’exprime dans la séduction tandis que leur côté maternel rassure leur partenaire.
Kelly MacDonald (Margaret) dans Boardwalk Empire – HBO
La cinquième saison, épilogue de huit épisodes, se démarque à première vue du reste de la série. En effet, le choix de situer le récit en 1931 paraît discutable. Une ellipse aussi importante fait ainsi disparaître une des figures du banditisme côtoyée pendant les quatre premières saisons. Cette décision confirme cependant son intelligence. Elle a pour but de placer le personnage de Nucky dans une dynamique où le pouvoir lui échappe. Al Capone est devenu l’ennemi public tandis que Lucky Luciano s’apprête à créer les cinq familles de la Cosa Nostra. Les enjeux sont plus importants, les personnages ont tout à perdre. Cette cinquième saison prend à contrepied les attentes du téléspectateur, déréglant la linéarité de l’histoire. Le dénouement de Boardwalk Empire est alors raconté en deux temps : le présent, en 1931, et le passé, qui débute en 1884, avec l’enfance de Nucky. Les origines modestes du gangster posent ainsi une légitimité qui convoque Freud, son passé pouvant expliquer ses actes présents. Cette approche enrichit considérablement le personnage. Mais de manière plus générale, ce voile levé sur ses débuts vient boucler le cercle narratif de la première saison, liant son destin à celui du Commodore et de la mère de Jimmy Darmody. Ces huit derniers épisodes épousent la dualité de ce personnage, aux prises avec ses fantômes du passé, s’achevant sur un chant du cygne dont la démesure n’a d’égal que sa portée tragique.
Les audiences, qui avaient débuté avec près de 5 millions de téléspectateurs grâce à Martin Scorsese, terminent à un peu plus de 2 millions, perdant avec certains protagonistes, une partie du public. Ainsi, Boardwalk Empire, sans atteindre la perfection des Soprano, est une fresque criminelle à l’écriture ingénieuse et riche, portée par un casting extraordinaire. De Steve Buscemi à Vincent Piazza en passant par Michael Shannon et un Stephen Graham habité par son rôle d’Al Capone, les acteurs donnent une nouvelle dimension à une histoire dictée par le sang. La série s’inscrit comme l’une des dernières vraies réussites de HBO, grande sœur de PEAKY BLINDERS (notre critique), tout en étant influencée par des œuvres mémorables telles Les Incorruptibles et Il était une fois en Amérique…
- Série américaine BOARDWALK EMPIRE diffusée du 19 Septembre 2010 au 26 Octobre 2014 sur HBO, et en France sur OCS.
- Créateur : Terence Winter
- Casting : Steve Buscemi, Michael Pitt, Kelly Mc Donald, Michael Shannon, Shea Whigham, Michael Stuhlbarg, Stephen Graham, Vincent Piazza
- Producteurs: Joseph E. Iberti, Rick Yorn
- Cinq saisons dont quatre de 12 épisodes de 55 minutes et une de 8 épisodes
.
