Interstellar de Christopher Nolan: critique

Publié par Guillaume Ménard le 3 novembre 2014

Pourtant, c’est aussi ici qu’on peut reprocher à Nolan de céder à son manque de renouvellement dans son langage cinématographique. Car à trop vouloir recourir au montage parallèle, il annihile une partie de son suspense via ce procédé répétitif, qui fonctionnait plus volontiers de paire dans INCEPTION. Cette imbrication narrative et visuelle fait aussi perdre quelque peu le degré d’intensité à travers les dialogues parfois trop explicatifs ne laissant que peu de place vacante à notre propre vision et résolution de l’histoire. Nonobstant ces quelques anicroches, Nolan maîtrise son œuvre de science-fiction parfaitement mature tout en secouant constamment nos émotions entre espoir et désespoir profond. Le choix de Matthew McConaughey, dont la trajectoire a pris une autre ampleur ces dernières années, est in situ un choix judicieux dans la peau de cet homme, qui renvoie à la ferveur de L’Etoffe des Héros de Philip Kaufman (1983), en répondant aux valeurs ancestrales de l’Amérique et à la quintessence de l’esprit pionnier, débrouillard et hardi. Une caractéristique qu’il va léguer à sa fille adulte, magnifiquement campée par une Jessica Chastain (THE TREE OF LIFE) forte, intelligente et émouvante. Car la dimension de conquête spatiale prend ici des allures dantesques dès lors qu’elle se confronte à l’inconnu et au silence terrifiant de l’Espace précédant les envolées épiques de Hans Zimmer.

 

Matthew McConaughey dans Interstellar de Christopher Nolan

Matthew McConaughey dans Interstellar de Christopher Nolan

 

Nolan manipule ainsi avec brio tous les effets sonores pour nous immerger entre vide et néant afin de nous rappeler le danger de l’Espace. Mais si les scores du grand compositeur allemand poussent parfois trop vers le lacrymal, il compose ici des morceaux de bravoure, avec des notes plus en retenue et moins dans le grave, nous redonnant une pointe d’espoir déchirante dans les moments les plus sombres. Parfaitement en phase avec ces ballets musicaux, la photographie de Hoyte Van Hoytema est époustouflante. Car s’il parvient à capter les couleurs et la lumière des décors ruraux terrestres encore verdoyants dans les champs de maïs mais asséchés par les tempêtes de sable, il fait rayonner tout l’univers stellaire et ces planètes parallèles tantôt lumineuses, tantôt couvertes d’eau ou glacées, lesquelles ont été souvent tournées en Islande. Si on nous plonge également dans un cadre inceptionesque contestable avec ce faux retour sur Terre dans le passé, le rendu le plus probant reste les magnifiques prises de vues de ce trou de ver sphérique, et autour de la navette et du vaisseau en forme de grande roue – ou de fleur, de manière plus poétique -, plongés dans ce cosmos intersidéral. Autre point fort de Nolan, celui de mettre à mal certains piliers de la culture américaine comme cette séquence spectaculaire où la tempête de sable s’abat sur le terrain de baseball renvoyant à l’affaissement du terrain de football dans THE DARK KNIGHT RISES pour affirmer la destruction de Gotham.

 

Interstellar de Christopher Nolan

Interstellar de Christopher Nolan

 

Le casting ne fait en outre pas défaut à l’ensemble. Ainsi Matthew McConaughey – après DALLAS BUYERS CLUB (notre critique) pour lequel il remporta l’Oscar du meilleur acteur – est saisissant en père de famille tiraillé entre sa famille et l’avenir de l’humanité. Anne Hathaway – imposante catwoman dans THE DARK KNIGHT RISES – est parfaite en astronaute, bouleversante d’humanité et tout autant habitée par des choix cornéliens. Les seconds couteaux sont également à la hauteur du duo principal comme le toujours charismatique Michael Caine, qui retrouve le cinéaste pour la sixième fois. On peut cependant reprocher la présence anecdotique de Casey Affleck dans le rôle du fils adulte de Cooper, laissé pour compte dans cette aventure. Ou encore Matt Damon dans un rôle vraiment inattendu mais dont la caractérisation n’a pas été très bien exploitée. Ainsi, avec Interstellar, Nolan bouleverse. Comme il se doit, il ‘n’entre pas docilement dans cette douce nuit…’ et se réapproprie avec ingéniosité les codes de la SF en transcendant le jargon technique de la mécanique quantique pour parler d’aventures, d’espoir encore possible, de renouveau et surtout d’amour. Il parvient à concevoir une pièce maitresse du genre en dépit de quelques maladresses narratives et des partis pris émotionnels discutables. Interstellar reste l’un des meilleurs crus de l’année 2014 par son visuel extraordinaire et son scénario fascinant et novateur, d’une durée de près de trois heures justifiées, qui devrait d’ici quelques années certainement lui laisser une place de choix dans les classiques…

 

 

Guillaume Ménard, avec la collaboration de Nathalie Dassa

 

 

  • INTERSTELLAR de Christopher Nolan en salles le 5 Novembre 2014.
  • Avec : Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Jessica Chastain, Michael Caine, Matt Damon, Casey Affleck, John Lithgow, MacKenzie Foy, Ellen Burstyn, Topher Grace, Wes Bentley, David Oyelowo…
  • Scénario : Christopher Nolan et Jonathan Nolan
  • Producteurs: Christopher Nolan, Emma Thomas, Lynda Obst.
  • Photographie: Hoyte Van Hoytema
  • Compositeur: Hans Zimmer
  • Montage: Lee Smith
  • Décors : Nathan Crowley
  • Costumes : Mary Zophres
  • Distribution: Warner Bros
  • Durée: 2h49

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