Synopsis : Nadine passe un casting pour devenir mannequin. Fausto, Italien venu travailler en France, est employé dans un luxueux hôtel-restaurant parisien. Tous deux se rencontrent sur la terrasse de l’immeuble où officie le jeune homme. Après l’agression par Fausto d’un riche client de l’établissement, le destin du couple bascule et leurs chemins s’unissent à jamais.
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Le 7e Art italien est toujours en bonne santé. L’année 2015 a été marquée par les excellents YOUTH (notre critique), HUNGRY HEARTS (notre critique), Oriana Fallaci et MIA MADRE (notre critique), entre autres. Le cru 2016 débute avec le bouillonnant Alaska. À la réalisation, on retrouve Claudio Cupellini, qui s’est rendu célèbre en 2010 avec le sombre et haletant Une vie tranquille. Il a également réalisé plusieurs épisodes de la série à succès Gomorra. Pour son dernier opus, le cinéaste a réuni au casting Elio Germano, l’un des meilleurs comédiens transalpins pour avoir remporté deux David di Donatello (équivalent des César) pour Mon frère est fils unique (2007) et La Nostra Vita (2011). À ses côtés figure la Franco-Espagnole Astrid Bergès-Frisbey, actrice mais aussi mannequin. On l’a vue notamment dans La Fille du puisatier, Juliette et I Origins. Alaska raconte une histoire d’amour tumultueuse entre deux être explosifs et écorchés vifs. L’Italien Fausto se sent seul à Paris. Nadine veut s’évader de sa province dévastée. Leur rencontre va forcément produire des étincelles. Leur liaison ne peut qu’être contrariée par leurs caractères tempétueux et indécis. Claudio Cupellini nous plonge dans ce que le cinéma italien offre de meilleur : les sentiments exacerbés, les affres du destin et le romantisme, évidemment. Il décortique les caractéristiques et les conséquences tragiques du lien qui unit ses héros. Leur attachement est tellement fort qu’ils passent tous deux par les mêmes déboires.
Dans Alaska, l’amour est inévitablement chaotique et se confond avec les événements. Il est violent aussi. Le réalisateur n’oublie pas les thèmes de la mafia et du banditisme, omniprésents dans Une vie tranquille et Gomorra. Même s’ils sont plus discrets ici, les trafics, le sang et l’argent attractif jalonnent l’intrigue. Claudio Cupellini développe en parallèle sa vision de l’ascension sociale et de l’ambition. Ses deux héros tentent d’échapper à leur condition, quitte à commettre le pire et à s’égarer du droit chemin. Leur réussite s’opère toutefois à contretemps. Quand Nadine connaît la gloire du mannequinat, Fausto purge une peine de prison. Lorsqu’il devient ensuite patron d’un hôtel de luxe, elle est simple serveuse dans un bar. Alaska interroge aussi le spectateur sur l’enfermement. Cette notion est abordée dans son acception concrète avec l’incarcération de Fausto, mais elle sous-tend aussi le lien indéfectible entre les deux protagonistes principaux. Leur amour ravageur les jette dans une sorte de prison et détruit les personnes qui gravitent autour d’eux. L’enfermement est également évoqué sous son aspect social. Est-on toujours condamné à rester à la même place et à toujours se battre pour une existence un peu meilleure ? Le réalisateur illustre son propos avec justesse, grâce à une mise en scène nerveuse et une musique pop-électro enlevée.
Alaska souffre parfois de baisses de rythme et de redondances dans sa démonstration. Claudio Cupellini n’utilise pas beaucoup la nuance et certaines actions sont prévisibles. Néanmoins, son œuvre suscite l’intérêt par la flamboyance des deux acteurs principaux. Elio Germano, émouvant et magnétique, et Astrid Bergès-Frisbey, lumineuse, distillent l’émotion et la complexité de leur personnage avec un naturel et une force exceptionnels. Leurs péripéties donnent naissance à une grande saga qui couvre plusieurs années. Nadine et Fausto entraînent ainsi le spectateur dans le tourbillon de leur vie et parviennent à le captiver jusqu’au dénouement.
Christophe Binet
- ALASKA réalisé par Claudio Cupellini en salles le 10 février 2016.
- Avec : Elio Germano, Astrid Bergès-Frisbey, Valerio Binasco, Elena Radonicich, Antoine Oppenheim, Paolo Pierobon, Pino Colizzi, Marco D’Amore, Lubna Azabal, Roschdy Zem
- Scénario : Filippo Gravino, Guido Iuculano, Claudio Cupellini
- Production : Fabrizio Donvito, Benedetto Habib, Marco Cohen
- Photographie : Gergely Poharnok
- Montage : Giuseppe Trepiccione
- Décors : Paki Meduri
- Costumes : Mariano Tufano
- Musique : Pasquale Catalano
- Distribution : Bellissima Films
- Durée : 2h05
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