Synopsis : Mina et Jude se marient après une rencontre insolite dans un restaurant newyorkais. Ils font un enfant. Après la naissance, Mina va surprotéger leur fils du monde extérieur et le nourrir selon les préceptes vegan. Au dépens de sa santé et de sa croissance…
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Petite séance de rattrapage pour Hungry Hearts, cinquième long métrage de Saverio Costanzo, sorti en salles en février dernier et disponible depuis le 7 juillet en DVD/Blu-ray et VOD. Quatre ans après La Solitude des Nombres Premiers, c’est à New York que le réalisateur met en scène une nouvelle tragédie aux allures de thriller psychologique, librement inspiré du roman Il bambino Indanco de Marco Franzoso. Si ce drame indépendant peine quelque peu à se réapproprier les règles du genre, on reste néanmoins tenu en haleine d’un bout à l’autre du récit. Etrangement, la première scène en plan-séquence pourrait inaugurer une comédie romantique de Woody Allen. Un homme et une femme se rencontrent dans les commodités d’un restaurant chinois et se retrouvent enfermés, la porte mystérieusement bloquée. Jude (Adam Driver) est ingénieur. Mina (Alba Rohrwacher) est italienne et travaille dans une ambassade. Cette rencontre à la fois insolite, embarrassante et burlesque installe toute l’ambiguïté qui ne va pas quitter leur relation et leur futur conflit autour de la nourriture. Lorsque Mina apprend qu’elle est mutée et doit quitter New York, Jude ne cherche pas à dissimuler sa tristesse et lui fait un enfant contre sa volonté. Les deux amants décident de se marier. Mais la mort semble déjà rôder autour de leur idylle. Le soir des noces, devant le restaurant vidé de ses convives, un cerf est abattu par un chasseur. L’évènement hante Mina comme un mauvais présage et la grossesse se complique sérieusement. La jeune femme se nourrit peu, développe une aversion pour la viande et les ondes électromagnétiques. Car parallèlement, une voyante lui affirme qu’elle attend un « enfant indigo », un terme new age qui désigne un être venu d’une autre dimension et aux capacités psychiques et spirituelles exceptionnelles. Après la naissance, elle sombre progressivement dans la folie. Les jeunes parents se coupent de leurs amis et les répercussions sur l’enfant deviennent dès lors dramatiques. La confiance au sein de leur couple s’étiole, jusqu’à l’intervention de la mère de Jude (Roberta Maxwell).
Le parallèle avec Rosemary’s Baby de Roman Polanski est plus que tentant même si Mina n’est pas atteinte de la même paranoïa. On y retrouve ici essentiellement l’atmosphère anxiogène. Sa psychose n’est d’ailleurs pas réellement partagée ou communiquée au spectateur. Elle est davantage perçue par le prisme de Jude, tiraillé entre l’amour qu’il lui porte et ses angoisses quant à la santé de son fils, dont on ne connaît jamais le nom. Les scènes, centrées sur le monde intérieur de Mina, se font rares mais n’en sont pas moins dénuées d’importance car elles prennent soin de ne pas verser dans le manichéisme. Hungry Hearts n’est pas l’histoire d’un mari bienveillant et attentif luttant contre les penchants infanticides de son épouse. Aucun jugement moral n’est en outre porté sur le mode de vie végétarien. Cet acte, à l’origine de ses prémonitions, s’associe à la certitude d’une mort à venir (le cerf) et explique ses troubles et son comportement.
Cependant, Saverio Costanzo veille à ne pas la montrer sans cesse comme une mère irresponsable. Au contraire, la narration, plutôt elliptique, suggère que l’attitude de Jude au début de leur relation n’est sans doute pas étrangère au naufrage psychologique de sa femme. De fait, la qualité narrative de Hungry Hearts rachète l’approche visuelle souvent emphatique, comme l’usage du grand angle dans les scènes de tension. La performance des acteurs rend compte de la détérioration des sentiments à travers le jeu de dissimulation qui s’installe entre les époux. Une sensation d’étouffement nous gagne à mesure que le conflit s’intensifie. Et on ressort bouleversés de cette histoire et de cette atmosphère funeste. Hungry Hearts fait partie de ces drames sur la vie de couple qui déstabilisent les perspectives…
Etienne Vergne
- HUNGRY HEARTS réalisé par Saverio Costanzo disponible en DVD/Blu-ray et VOD depuis le 7 juillet 2015.
- Avec : Adam Driver, Alba Rohrwacher, Roberta Maxwell, Geisha Otero, Jason Selvig, Victoria Cartagena, Jake Weber, Al Roffe…
- Scénario : Saverio Costanzo d’après l’œuvre de Marco Franzoso, Il bambino Indanco.
- Production : Mario Gianani et Lorenzo Miéli
- Photographie : Fabio Cianchetti
- Montage : Francesca Calvelli
- Décors : Amy Williams
- Costumes : Antonella Cannarozzi
- Musique : Nicola Piovani
- Distributeur et éditeur DVD : Bac Films
- Date de sortie en salles : 25 février 2015
- Durée : 1h53
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