Synopsis : Dans un bar de la ville, Kathy, jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny, qui vient d’intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe aussitôt sous son charme. À l’image du pays tout entier, le gang, dirigé par l’énigmatique Johnny, évolue peu à peu… Les Vandals deviennent une bande de voyous sans vergogne et Benny doit alors choisir entre Kathy et sa loyauté envers le gang.
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De Easy Rider à la série Sons of Anarchy, en passant par Knightriders ou les inénarrables adaptations de Ghost Rider avec Nicolas Cage, l’univers des motards semble exercer une irrépressible fascination sur le cinéma américain. Le réalisateur Jeff Nichols ne fait pas exception, puisque le projet The Bikeriders murit dans son esprit depuis une dizaine d’années. Inspiré du roman-photo de Danny Lyon, journaliste ayant vécu au sein du Outlaws Motorcycle Club, The Bikeriders plonge aux origines de la culture biker dans les années 60, avant que cette dernière ne soit petit à petit gangrenée par le crime organisé. Plutôt qu’un simple thriller criminel scorsesien inspiré du travail de Lyon, le réalisateur et scénariste entremêle fiction et réalité, en intégrant directement le reporter et son ouvrage à son scénario. Le récit se retrouve ainsi entrecoupé de scènes d’interviews qui sortent un peu le spectateur de son immersion. Mais si cette narration est déroutante, le vrai projet Nichols se trouve ailleurs. Car derrière ces passages obligés, surgit un autre film, bien plus prenant et maîtrisé. Comme toujours, ce qui intéresse le réalisateur, c’est la peinture de marginaux, perdus face à des enjeux qui les dépassent. Que ce soit un père de famille schizophrène face à une apocalypse imminente dans Take Shelter, un jeune garçon pris dans un engrenage sentimental et criminel dans Mud, ou un père et son fils doté de pouvoirs poursuivis par le FBI dans Midnight Special, les héros de Nichols doivent toujours lutter avec plus grand qu’eux.
Dès lors que le cinéaste pointe sa caméra vers le personnage de Johnny, le chef du club de motards, son film devient aussitôt le portrait passionnant d’un homme qui ne souhaite rien tant que de retrouver une vie simple et libre, tout en s’enfermant lui-même dans les règles de son club. Là où les héros de Nichols affrontent des forces extérieures, Johnny se retrouve aux prises avec lui-même et sa propre création. Derrière ses aspirations de liberté et son code d’honneur chevaleresque, il est surtout un homme ordinaire et fatigué, totalement dépassé par son idéal devenu incontrôlable. Bien plus que la tête brûlée libre comme l’air, campé par Austin Butler, c’est ce chef de gang et père de famille qui fascine. Car si les personnages de Kathy et Benny et leurs interprètes ne manquent pas de charisme, ils ne sont pas suffisamment profonds pour soutenir à eux-seuls l’intrigue. Les deux ne sont jamais aussi intéressants que dans leurs liens avec Johnny.
De manière générale, un soin tout particulier a été apporté aux personnages secondaires, tous immédiatement identifiables et attachants. Par de petits traits de personnalité et un travail de costumes et de coiffures hyper soigné, The Bikeriders est immergé au sein du groupe. Pour interpréter cette galerie de personnages, Nichols a rassemblé une réjouissante distribution de gueules de cinéma. De Damon Herriman (le Charles Manson de Mindhunter et Once Upon a Time… in Hollywood) à contre-emploi, à Norman Reedus (The Walking Dead) méconnaissable, chaque apparition de comédien devient un vrai plaisir de spectateur.
De ce casting cinq étoiles, on retiendra surtout la performance de Michael Shannon, acteur caméléon et comédien fétiche de Jeff Nichols, génial dans son rôle de vétéran psychotique et philosophe The Bikeriders reste un beau portrait de personnage à l’esthétique soignée et au casting irréprochable.
Timothée Giret
- THE BIKERIDERS
- Sortie salle : depuis le 19 juin 2024
- Réalisation : Jeff Nichols
- Avec : Austin Butler, Jodie Comer, Tom Hardy, Michael Shannon, Norman Reedus, Damon Herriman, Emory Cohen, Boyd Holbrook, Mike Faist, Karl Glusman, Toby Wallace…
- Scénario : Jeff Nichols
- Production : Sarah Green, Brian Kavanaugh-Jones, Jeff Nichols
- Photographie : Adam Stone
- Montage : Julie Monroe
- Décors : Chad Keith
- Costumes : Erin Benach
- Musique : David Wingo
- Distribution : Universal Pictures International France
- Durée : 1 h 56