Synopsis : Comment anticiper la folie quand on ignore comment fonctionnent les fous ? Deux agents du FBI imaginent une enquête aux méthodes révolutionnaires et se lancent dans une véritable odyssée pour obtenir des réponses.
♥♥♥♥♥
Après avoir enrichi le catalogue Netflix de l’excellente bien qu’inégale House of Cards, David Fincher retrouve le géant du streaming avec une série sous forme de thriller psychologique. Disponible depuis le 13 octobre, Mindhunter, composé de dix épisodes, est dans la lignée de Se7en et bien sûr de Zodiac. On retrouve ici les figures des agents fédéraux cherchant à percer les patterns mentaux de psychopathes. L’épisode-pilote, étonnamment avare en ressorts scénaristiques, pose le ton sobre de cette première saison, qui sera résolument lente. Ici, peu de rebondissements ou de retournements de situations. La toile dramatique se tisse avant tout sur la relation entre les personnages et leur attitude respective face à une étude qui, pour l’époque (1977), va repousser les frontières de la morale et de la bienséance. Holden Ford (Jonathan Groff – Looking), un négociateur de prises d’otages, et Bill Tench (Holt McCallany) sont lancés sur les routes américaines pour donner des cours de criminologie dans des commissariats locaux. Rapidement, ils réalisent que les méthodes du FBI pour analyser la criminalité sont trop simplistes, surtout face à l’apparition de meurtriers, comme Charles Manson, dont les modus operandi n’ont rien de rationnels. Rejoints par l’universitaire Wendy Carr (Anna Torv – Fringe), ils se lancent dans une série d’entretiens auprès de psychopathes incarcérés, afin de comprendre leurs profils psychologiques et d’empêcher de futures séries de crimes. Parallèlement, ils utilisent le fruit de leurs recherches dans des homicides irrésolus particulièrement sordides. La série streaming prend sa source de Mindhunter, dans la tête d’un profileur de John Douglas et Mark Olshaker, paru depuis le 19 octobre, retraçant les débuts du profilage criminel, qui a marqué un changement au sein du FBI, créé par J. Edgar Hoover. Mais aussi dans la culture américaine, qui a vu naître des personnages populaires dans des films comme Le Silence des Agneaux.
Inspiré ainsi par les études de John Douglas et de Robert Ressler, ces deux pionniers et célèbres profileurs américains qui ont théorisé et popularisé le concept de serial killer, Fincher filme les instigations de ses protagonistes à la manière d’un documentaire, n’hésitant pas à introduire certains concepts de psychologie et de sociologie, notamment lors des entretiens avec les tueurs. Ces scènes représentent la plus grande réussite de la série. On est partagé entre la répulsion pour ces psychopathes, qui ont réellement existé, et une forme de fascination morbide devant leur déviance. Ces deux sentiments sont symbolisés par les protagonistes. Tandis que Bill ne peut supporter tant de monstruosité humaine, Holden s’implique émotionnellement jusqu’à l’obsession, jouant la carte de l’empathie, quitte à rentrer en conflit avec sa hiérarchie et à créer un mur psychologique dommageable pour sa vie privée. C’est l’occasion pour Fincher de poser un regard sur le rapport entre la société, en mutation radicale dans les années 70, et l’individu qui voit ses cadres structurants se dissoudre, créant un déséquilibre dont les serial killers seraient un symptôme. En somme, cela revient à expliquer la sociopathie, sans l’excuser.
Mais cette frontière entre compréhension de la déviance et compassion est ténue, comme en témoignent les conflits entre les personnages. Le jeu des acteurs vient souligner avec brio ce conflit larvé. Jonathan Groff est excellent, en jeune loup calculateur, impassible, patient, observateur et moralement ambigu, pour qui la fin justifie les moyens. Sa relation intime avec une jeune étudiante en sciences du comportement (Hannah Gross), est tout aussi intrigante. Holt McCallany est parfois bouleversant lors de quelques scènes, en père de famille mal dans sa peau, qui fuit ses responsabilités face à un fils autiste. Enfin, le personnage d’Anna Torv vient illustrer la difficulté pour une femme brillante de s’imposer dans un monde machiste qui ne peut concevoir l’homosexualité féminine. Mais la plus grande prouesse vient de Cameron Britton, interprète du tueur Ed Kemper accusé de dix meurtres dont celui de sa mère, dans un rôle glaçant qui met instinctivement mal à l’aise.
La mise en scène, relativement sobre, rappelle sans cesse qui se trouve derrière la caméra, même si d’autres réalisateurs prennent les commandes des épisodes. Les teintes ternes et bleutées de la photographie évoquent là encore Zodiac, tout comme la mise en scène minimaliste qui renforce le cachet naturaliste des séquences. Il est regrettable que le fil rouge déroulé à chaque début d’épisode, montrant un individu préparant son premier meurtre et sur le point de passer à l’acte, ne soit finalement pas exploité ; mais cela présage le meilleur pour une deuxième saison que Netflix a d’ores et déjà confirmé.
- MINDHUNTER
- Chaîne / Plateforme / Programme TV : Netflix
- Créateur : Joe Penhall
- Réalisation : David Fincher (4 premiers épisodes), Andrew Douglas, Asif Kapadia
- Avec : Jonathan Groff, Holt McCallany, Anna Torv, Hannah Gross, Cameron Britton, Stacey Roca, Cotter Smith…
- Saison 1
- Format épisodes : 10 x 50 minutes
- Diffusion : 13 octobre 2017