I’m still here : critique

Publié par Nathalie Dassa le 3 juillet 2011

Peu de temps après avoir terminé le tournage de Two Lovers de James Gray, l’acteur Joaquin Phoenix annonce aux médias vouloir arrêter sa carrière pour se consacrer à la musique. Devant la caméra de son beau-frère Casey Affleck, il tente d’expliquer ses raisons et commence peu à peu sa métamorphose en chanteur de hip hop, donnant sur deux années de tournage l’image d’une descente aux enfers radicale.

 

♥♥♥♥

 

Canular, révélation, buzz, duperie, gros pétard mouillé ? Pour toutes les raisons invoquées par les médias lors de la sortie sur les écrans US en septembre 2010 de la première réalisation de Casey Affleck, I’m still here reste avec le recul une petite bombe de documentaire qui marque une étape supplémentaire dans sa conception et sa promotion. Si le frère cadet de Ben Affleck et beau-frère de Joaquin Phoenix, cité à l’Oscar dans Jesse James d’Andrew Dominick, fait ici sa première incursion derrière la caméra, le film souligne et renforce indéniablement les talents et la performance d’acteur hors normes de Joaquin Phoenix. L’intérêt de ce mockumentary réside à la fois dans son récit évolutif, d’abord banal puis tout en profondeur, et dans la véracité des images sans concession dégagées de toute pudeur et retenue. Le scénario, signé par les deux compères, est une mise en abyme sur la désintégration de la célébrité piégée dans les arcanes du système hollywoodien, personnifiée par un Joaquin Phoenix avec 15 kilos de plus, cheveux longs, barbu, crade, vulgaire, suspicieux, récalcitrant, irascible, drogué et paumé, qui a investi ici deux années de sa vie.

 

 

 

I’m still here s’ouvre sur la projection d’une vieille pellicule de vacances où l’on découvre Joaquin Phoenix enfant, prêt à plonger dans une rivière du haut des rochers, puis bascule à nos jours. Casey Affleck filme son sujet à l’apogée de sa carrière, après le tournage de son dernier long-métrage en date, Two Lovers de James Gray avec Gwyneth Paltrow, et suite à l’annonce de sa retraite anticipée. De façon amateur avec une caméra maladroite et en mouvement, on suit alors dans des séquences dépourvues d’intérêt, son quotidien entouré de ses potes, se préparant assuré, à embrasser sa nouvelle carrière de chanteur hip hop. Encore en phase avec la réalité, Phoenix va progressivement s’enferrer dans cette lubie obsessionnelle, changeant d’attitude de manière régressive, racontant des conneries et négligeant son physique et son hygiène. Le propos dramatique s’intensifie alors en profondeur, avec une mise en scène de plus en plus maîtrisée, qui suit le cheminement autodestructif de Joaquin Phoenix, jouant son propre rôle d’ex star hollywoodienne dans l’illusion d’une reconversion artistique, hantée par des démons qu’il ne parvient plus à réfréner. I’m still here devient alors cet objet filmique à part entière. Entre querelles, putes et vomis, Affleck nous livre plusieurs scènes crues qui ne donnent aucun crédit à ce personnage jusqu’au-boutiste, instable et shooté qui tente par n’importe quel moyen de trouver une porte de sortie, allant jusqu’à pousser dans ses derniers retranchements l’un de ses plus fidèles assistants et ami, interprété par Antony Langdon (Velvet Goldmine), dans une séquence scato surréaliste.

 

 

Mais la scène clé magistrale reste sans conteste celle du studio d’enregistrement avec Sean ‘P.Diddy’ Combs, qui marque l’arrêt brutal du fantasme face à la réalité. Affleck fixe sa caméra sur le malaise et le pathétique de la situation et se concentre sur l’infime part encore existante de cet individu totalement vulnérable, fragile et paumé qui a imaginé Diddy producteur de son premier album. N’apparaît aux yeux du spectateur que la triste apparence physique de sa propre décrépitude. Si Joaquin Phoenix réussit avec une incroyable authenticité à nous embarquer dans sa descente aux enfers jusqu’à toucher le fond, il retrouve un nouvel élan dans son existence et dans sa vie avec son magnifique retour aux sources, paisible et majestueux, immortalisé par la caméra d’Affleck durant les dernières longues minutes. Alimenté par des extraits d’actualités américaines, qui raccrochent le film à une réalité, comme son interview dans le célèbre Late Show de David Letterman, et les apparitions de stars tels Ben Stiller, Bruce Willis et surtout Edward James Olmos, I’m still here est bouleversant, parfois drôle, mais surtout fascinant dans sa conception sur la trajectoire d’un homme qui s’abandonne entièrement et se fourvoie pour aller au bout de ses convictions afin de mieux se retrouver…

 

 

 

‘I’m still here’ de Casey Affleck, en salles le 13 juillet, avec Joaquin Phoenix. Scénario : Joaquin Phoenix et de Casey Affleck. Production : Casey Affleck, Joaquin Phoenix et Amanda White. Son : Robert Jackson. Montage : Dody Dorn. Musique : Marty Frogg. Distribution : CTV International. Durée : 1h47



 

 

 

Articles sur le même thème

  1. Mr Nice : passe passe le oinj (critique)
  2. Faites le mur : la révélation d’un OFNI signé Banksy (critique) !
  3. Cleveland vs Wall Street : captivant ! (critique)
  4. ‘When you’re strange’ : is everybody in ? (critique)
  5. Kaboom : explosif (critique) !

 

Commentaires

A la Une

Michel Blanc, monument du cinéma français, est décédé à l’âge de 72 ans

Star de la troupe du Splendid, acteur, scénariste et réalisateur, bien connu pour son rôle de Jean-Claude Dusse dans les… Lire la suite >>

Frank Darabont sort de sa retraite pour réaliser deux épisodes de Stranger Things Saison 5

Cela faisait onze ans qu’il n’était plus passé derrière la caméra. Frank Darabont, génial metteur en scène des Évadés et… Lire la suite >>

Juré N°2 : Une bande-annonce empreinte de tension pour le nouveau Clint Eastwood

À 94 ans, le légendaire Clint Eastwood ne compte pas prendre sa retraite. Les premières images de son nouveau film,… Lire la suite >>

John Amos, star de Good Times, Racines, 58 minutes pour vivre et Un Prince à New York, s’est éteint à 84 ans

John Amos, acteur, scénariste, dramaturge, et nommé aux Emmy Awards, connu pour son rôle mythique de James Evans, père de… Lire la suite >>

Un César d’honneur pour la grande Julia Roberts

L’Académie des Arts et Techniques du Cinéma remettra un César d’honneur à l’actrice américaine Julia Roberts lors de la 50e… Lire la suite >>

Nos vidéos

Box OFFICE France

Titre Cette sem. Nbr Sem. Cumul
1 JOKER : FOLIE A DEUX 601 995 1 601 995
2 QUAND VIENT L'AUTOMNE 231 861 1 231 861
3 BEETLEJUICE BEETLEJUICE 174 505 4 1 410 727
4 LE COMTE DE MONTE-CRISTO 141 472 15 8 388 607
5 L'HEUREUSE ELUE 124 943 2 331 758
6 LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE 96 980 3 438 467
7 LE FIL 92 871 4 612 319
8 NI CHAINES NI MAITRES 80 275 3 307 202
9 ALL WE IMAGINE AS LIGHT 69 491 1 69 491
10 MEGALOPOLIS 64 679 2 200 988

Source: CBO Box office

Nos Podcasts