Résumé : Avec des films aussi fondamentaux que L’Exorciste et The French Connection, William Friedkin s’est assuré une place parmi les géants du cinéma. Rédigé par le réalisateur lui-même, Friedkin Connection est un autoportrait sans concessions d’un réalisateur hors-normes.
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Voilà un moment que William Friedkin en parlait : ses carnets recouverts de réflexions, anecdotes et souvenirs ont finalement pris la forme de l’autobiographie escomptée. En pas moins de six cent pages, les Éditions de la Martinière nous offrent la traduction de ses mémoires où le réalisateur de KILLER JOE (notre critique) se raconte à travers ses espoirs, ses craintes, ses succès et ses déboires. Né en 1935 à Chicago, Friedkin débute sa carrière à la télévision. À l’instar de ses aînés John Frankenheimer, Sidney Lumet ou Robert Mulligan, le petit écran lui permet de faire ses premières armes. Après The People vs. Paul Crump (1962), documentaire qui lui vaut la reconnaissance du milieu, le cinéaste enchaine les réalisations médiocres où l’efficacité prime sur la qualité. Un épisode de Suspicion plus tard, Friedkin lance sa carrière cinématographique avec Good Times (1967), film musical à la gloire du duo Sonny et Cher. De ses premières expériences cinématographiques, le cinéaste retient surtout The Birthday Party, adaptation d’une pièce de Harold Pinter réalisée en Angleterre. Mais c’est avec French Connection (1971), succès critique et public, récompensé par l’Oscar du meilleur réalisateur, que les choses sérieuses commencent. De ses premiers émois cinéphiles à la réalisation de ses longs métrages, Friedkin livre dans un style clair et concis ses impressions sur le milieu du cinéma. Sans verser dans l’anecdotique, il se remémore ses expériences de tournage. L’évocation des multiples difficultés qu’il rencontra lors de la réalisation de la séquence de la course-poursuite de French Connection nous tient en haleine tandis que le récit de la genèse de L’Exorciste livre pléthore d’informations prouvant sa culture hétéroclite. Plutôt que de vendre son âme à la Babylone hollywoodienne, il choisit de filmer le Diable et affirme son intégrité en rendant hommage aux acteurs et collaborateurs techniques qui lui permirent d’atteindre sa renommée internationale.
L’une des principales qualités de ses mémoires tient à sa valeur de témoignage. Infiltré dans le milieu de la mise en scène, nous apprenons aux côtés du jeune Friedkin les affres et les joies d’un métier où les efforts ne sont pas toujours récompensés. Aux réalisations en direct pour la télévision dans les années soixante succèdent les réunions de producteurs où l’avenir d’un film semble se jouer d’un coup de dés. Jamais désabusé, Friedkin fait de la ténacité sa première nécessité. Si l’objectivité quasi-documentaire de l’entreprise se fait marque d’honnêteté, l’ouvrage n’est pas exempt d’une certaine dose d’épique. Intrépide, le réalisateur n’hésite pas à mettre sa vie en danger pour assurer la réussite de ses projets, et ses souvenirs prennent alors la forme romancée du thriller ou du conte horrifique.
Pour tous les amateurs ou non de son cinéma, la lecture de ses mémoires reste enrichissante tant la perspective du cinéaste revêt une forme plurielle, à la fois historique, sociologique, théorique et technique. La présence d’un index des noms propres est bénéfique mais on peut regretter néanmoins que les Éditions de La Martinière n’ait pas enrichi l’ouvrage de photographies et autres documents d’archives.
Jacques Demange
- FRIEDKIN CONNECTION – LES MÉMOIRES D’UN CINÉASTE DE LÉGENDE de William Friedkin, disponible en librairie depuis le 16 Octobre 2014 aux Éditions de La Martinière.
- Traduction : Florent Loulendo.
- 640 pages
- 25 €