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[Copyright©ND – archive web fev 2010] Les obstacles furent nombreux auprès du CNC et du service juridique de Canal+ pour faire aboutir le projet de Logorama. Rencontre et explication avec le producteur du film, Nicolas Schmerkin chez Autour de Minuit.

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Le producteur Nicolas Schmerkin connaissait déjà le travail des 3 réalisateurs et avait organisé une rétrospective H5 sur leurs clips en 2003. La même année, en parallèle il avait travaillé sur une production similaire : Fast Film. Entièrement fait en origami, ce court de 15 minutes reprend des extraits de films hollywoodiens, allant de Buster Keaton à Indiana Jones. Il s’est chargé du cofinancement et de la distribution à l’international, emmenant déjà le film jusqu’aux Oscars : « lorsqu’ils sont venus me voir pour Logorama, ils avaient déjà développé un début de story-board sur le principe du film choral tel Short Cuts de Robert Altman. Ce film a un potentiel de blockbuster dans le domaine du court-métrage, de par ses références sur les films d’actions et de catastrophes hollywoodiens. Forcément, j’ai dit oui tout de suite. Des projets comme ça, il y en a un tous les dix ans ».

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Ce film irrévérencieux touche le droit des marques et la représentation des grosses compagnies et pour Nicolas Schmerkin, c’était « un coup de poker sur un sujet sensible » : « si le film est réussi et s’il a une bonne carrière, les marques suivront. Il est clair que nous connaissions les risques dès le départ : 3000 procès ! Mais nous avions également des arguments de défense avec le droit à la caricature, qui existe en France. Notre avocat possédait tout un dossier de jurisprudences relatif au détournement/caricature/droit à la parodie, tel Toniglandyl. Mais tout se passe bien ! Les marques ont compris que ce n’était pas mauvais pour elles. Selon certaines études**, à chaque clignement d’œil à l’extérieur, l’individu enregistre à peu près en moyenne deux mille logos sans les voir. Il y a un effet subliminal. Sur le versant politique, Logorama est en quelque sorte un pendant de nos logos : au fil de l’histoire, ils disparaissent et laissent place aux personnages ».

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À l’origine, l’idée était prévue pour un clip de George Harrison. L’histoire, qui se déroulait en Louisiane, montrait la fin de la consommation et la reprise de la nature sur les logos et la végétation. Le projet n’a pas abouti suite au refus catégorique de la production d’intégrer de véritables logos et au décès du musicien. Le déclic du court-métrage a démarré grâce à Nicolas Schmerkin et à la contribution du CNC. L’idée d’un film de deux minutes, avec l’envie de le réaliser en deux mois, a finalement bifurqué vers un mini blockbuster de 17 minutes six ans plus tard…

 


Production et distribution à l’international
L’objectif de Nicolas Schmerkin, spécialisé vers ce nouveau mode d’écriture décalé dans l’animation et l’expérimental, est d’être toujours accessible du grand public, afin de rester dans le système de financement classique avec les commissions et de pouvoir ainsi circuler dans les grands Festivals tel Cannes.
Le film, financé en grande partie avec des fonds publics, a obtenu l’aide du CNC, la région IDF, Arcadi, Canal+, la SCAM… Les rendus de comptes s’élèvent à 400 000 euros. En réalité, son coût est plus onéreux compte tenu du travail fourni : « C’est un court-métrage. Les réalisateurs, la production et différents coproducteurs ne sont donc pas rémunérés pendant cinq ans » précise Nicolas Schmerkin ; « rien que le fait de mettre les 3 réalisateurs au smic, le film aurait été impossible à financer. Dans ce budget global il y a un apport important en industrie de 150 000 euros de Mikros Images, en charge de l’animation (machines, salaires de techniciens), H5 et Addict et, à peu près 120 000 euros entre Canal+ et les subventions levées tel le CNC de 40 000 euros ».

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A l’époque, chez Canal+, le projet ne passait pas au service juridique et l’équipe n’avait rien à montrer encore. Nicolas Schmerkin et les réalisateurs sont donc revenus en 2008 avec un extrait du film, pour enfin entrer en coproduction, car il manquait de l’argent. Grâce à Pascale Faure, en charge des programmes courts, et Ara Aprikian, le directeur des programmes, le film a pu finalement aboutir.
Dès sa sortie, Logorama a connu un départ dans les starting-blocks et fait une très belle carrière entre Cannes, Sundance, Clermont-Ferrand et maintenant les Oscars (prix du Meilleur court-métrage d’animation). Pour Nicolas Schmerkin « l’orage est passé » : « Commencer par Cannes était quelque peu stratégique. On jauge, puis on le diffuse sur Canal+, impliquée dans la production et la distribution. On a procédé par étapes. Ce qui facilite aussi, c’est que le court-métrage d’animation est de loin le plus diffusé à l’international comparé à un court-métrage classique. Tous les ans, les salles aux Etats-Unis diffusent un programme avec tous les films nominés aux Oscars. Les distributeurs étrangers veulent le montrer. L’idéal maintenant serait un César de l’animation. Mais l’Académie n’est pas encore dans le créneau pour rallonger la cérémonie, ils ont besoin d’un temps d’antenne pour la publicité ».

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L’animation expliquée au CNC
Nicolas Schmerkin fait partie d’un collectif de producteurs de courts-métrages d’animation depuis 2 ans, dont le but est d’expliquer l’importance de ce genre, sa place et ses différentes techniques aujourd’hui. Le dossier Logorama contenait un traitement de 5/6 pages, une note d’intention, le story-board avec des exemples de logos et un test d’animation de 10 secondes, qui a été le plus parlant au final. De plus il existait tout un chapitre sur la manière d’utiliser l’imagerie numérique. Une seule réunion a eu lieu avec tous les auteurs et Nicolas pour expliquer le concept et le vendre : « notre but était de faire comprendre au CNC qu’il investissait 3 fois moins pour un court d’animation alors que les coûts sont plus élevés que pour un court de fiction, tourné en DV pendant 2 semaines avec quelques personnages. » explique Nicolas Schmerkin « Ce fut tout un travail de pédagogie auprès des membres. L’animation n’est pas que du dessin animé, ni un type tout seul dans sa cave qui travaille. Il existe différents types d’animation (2D, 3D, volume ou stop motion, flash). Le CNC demandait le coût moyen pour une minute d’animation. Difficile de répondre car les paramètres divergent selon le temps de recherche, de création graphique, le degré d’animation et le nombre d’animateurs qui travaillent dessus. Logorama coûte 10 fois plus cher qu’un court en 3D d’une même durée tel Flesh (60 000 euros). Petit à petit, le CNC a augmenté le montant de l’aide, ce qui représente presque le plafond de ce qu’il donne maintenant en moyenne en fiction (120 000 euros). Notons que le plafond s’élève environ à 80 000 euros pour un court-métrage d’animation. Sans compter le délai de 2 ans à respecter. On a reçu un rappel en rouge en septembre 2008 pour rendre le film rapidement sinon on perdait l’aide. Ils m’ont accordé un délai, celui d’une prise de vue réelle, qui prend quand même moins de temps ».

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Test pour le CNC pour expliquer l’idée des logos – @H5

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L’avenir appartient à ceux qui s’animent tôt
Dans les productions d’Autour de Minuit, aucun réalisateur n’est formé dans une école de cinéma. La plupart sortent des Beaux-Arts, de Penninghen, des Arts Déco ou sont des graphistes, des autodidactes… Nicolas Schmerkin précise qu’ils sont dans une notion de graphisme et n’ont donc pas d’idées préconçues sur le champ-contrechamp ou les dialogues. Il peut être ainsi amené à les orienter vers une narration cinématographique : « Obras était très graphique et très abstrait au départ, j’ai poussé le réalisateur à trouver une certaine narration pour mettre un peu de cinéma. Ce film mélange architecture, design, peinture, photo, vidéo, plein de genres, de techniques et de formats différents. Le but est d’essayer de trouver une nouvelle combinaison entre le très artistique et le trop cinématographique ».

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Depuis une dizaine d’années, les studios d’animation se développent dans l’hexagone. De plus en plus de films sont aidés et circulent à l’étranger, des nouveaux talents apparaissent, sans oublier l’engouement d’un public friand en attentes. Nicolas Schmerkin est confiant : « les festivals acceptent de les mélanger dans des sélections normales alors qu’auparavant ces films concouraient dans des compétitions ghettos et off. Aujourd’hui, il y a une émergence d’un nouveau type de cinéma lié à l’imagerie même et à la démocratie des outils. Rares sont les films, tous formats confondus, qui ne recourent aux effets spéciaux ou d’animation. Cela a gagné toutes les strates de l’image. Et maintenant avec Avatar, la barre est encore plus haute. Cela ne peut qu’évoluer dans le bon sens… ».

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** Le Logo de Benoit Heilbrunn

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