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[Copyright©ND – archive web nov 2009] Après les succès internationaux de Trahir, Train de vie et de Va, vis et deviens, césarisé Meilleur Scénario, retour sur Le Concert de Radu Mihaileanu, une comédie dramatique franco-russe cocasse, subtile et émouvante, nominée six fois aux César, dont Meilleur Scénario Original, Meilleur Réalisateur et Meilleur Film.

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Il est des cinéastes qui vous invitent au voyage lorsqu’on les rencontre pour la première fois. Une promenade verbale interculturelle, émotionnelle et instructive au travers de leur parcours. Radu Mihaileanu, cinéaste français d’origine roumaine et nouvellement président de l’ARP (Société civile des Auteurs, Réalisateurs et Producteurs) depuis juin 2009, est de ceux-là. Marqué par le destin de son père, un journaliste juif déporté, qui a dû changer d’identité, Radu Mihaileanu forge le sien pour ne plus avoir à subir les affres d’une quelconque mainmise sur sa vie.

Dramaturge, metteur en scène et comédien dans une troupe de théâtre en Roumanie, il décide de fuir la dictature de Ceaucescu en 1980 et de se rendre en Israël avant de s’installer en France pour suivre des cours à l’IDHEC. Il débute ainsi sa carrière en tant qu’assistant réalisateur, notamment de Marco Ferreri ou encore de Jean-Pierre Mocky, puis réalise des courts-métrages avant de se consacrer au long. Son point d’ancrage ? Le scénario où se mêle toute une combinaison d’éléments ; il donne à ses films une dimension universelle qui lui permettent d’accéder à la reconnaissance internationale.

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Radu Mihaileanu - Guy Ferrandis @2009 - Les Productions du Trésor

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Un sujet prêt à porter

Le Concert est arrivé entre les mains du cinéaste en 2002. A la lecture du synopsis d’une trentaine de pages, écrit par Hector Cabello Reyes et Thierry Degrandi, le producteur Philippe Rousselet pense immédiatement à lui : « Une seule phrase me correspondait réellement « Un orchestre du Bolchoï débarque à Paris ». J’ai eu l’accord pour réécrire le scénario avec Alain-Michel Blanc, mon coscénariste sur Va, vis et deviens. Nous avons écrit un synopsis d’une dizaine de pages correspondant à la trame de base et on s’est plongé dans la documentation ». Pour eux, un scénario est un voyage sur les lieux où se déroule le film. Ils ont alors interrogé toutes personnes qui ont une influence, fut-elle minime, sur les coutumes, l’évolution de l’histoire du pays, de la culture et du social : des musiciens, le directeur du Bolchoï, le directeur du Conservatoire Tchaïkovski, des responsables politiques sous Brejnev et des personnes lambda, afin d’appréhender leurs réalités : « Je me méfiais un peu de mes connaissances des pays de l’est, même si je suis roumain. Et entre la Roumanie et la Russie, c’est différent. Je connais la dictature et l’âme slave, qui n’ont rien à voir avec le cartésianisme français. C’est un monde à part ».

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Au cours des investigations, le cinéaste a découvert l’histoire de Evgueni Svetlanov, grand chef d’orchestre, qui dirigea le Bolchoï et qui fut renvoyé par Brejnev pour avoir défendu ses musiciens juifs. Le travail d’écriture s’est d’abord construit sur le fait divers du Bolchoï à Paris auquel s’est mêlé cet autre fait historique. Comédie ou non, les sujets de fond qu’il traite, nécessitent un recueil d’informations et d’anecdotes pour nourrir les dialogues et être au plus près de la réalité. Cependant, le financement de plus de 9 millions d’euros s’est avéré difficile. Le cinéaste s’est alors proposé d’en discuter avec Thomas Langmann, qui souhaitait faire un film avec lui. Mais son calendrier étant trop chargé, Alain Attal, des Productions du Trésor, a repris le flambeau en devenant le seul et unique producteur délégué (le film étant co-produit par Radu Mihaileanu). Le Concert a nécessité un mois de répétition avec les acteurs avant le tournage, qui a duré 14 semaines en Roumanie, à Moscou et à Paris, pour un budget global de 14 millions d’euros.

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Le Concert - Guy Ferrandis @2009 - Les Productions du Trésor

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Le choc des cultures

Radu Mihaileanu connaissait la direction à prendre : parler d’amour, d’amitié, de Moscou et de l’évolution des personnes qui y vivent. Ce voyage devait être un accomplissement et provoquer un choc entre deux cultures : « Lorsque j’ai débarqué de Roumanie, je ne comprenais rien de la culture française, ni les codes, ni les comportements. Comme je parlais comme Ivan KGB, j’avais l’impression de vivre sur deux planètes différentes. Aujourd’hui, je m’en amuse, mais à l’époque, je trouvais que les français parlaient de choses insignifiantes et évitaient les vrais sujets. Par pudeur, probablement. Je venais d’une dictature qui forçait les individus à se parler vraiment (car il n’y avait rien d’autre), pour arriver dans une démocratie que j’estimais molle par rapport à sa richesse et sa liberté de choix. J’étais plus extrémiste et les relations humaines en pâtissaient. C’est cela l’âme slave : l’exubérance et l’exaltation assez extrémistes. C’est ce que je voulais montrer ; des barbares, sauvages, brutes, mais avec une vraie chaleur humaine, de la profondeur, de l’énergie et les confronter avec des personnes plus polissées qui, comme dirait un ami roumain, ont des châteaux sur la Loire avec la tour de Louis XIV, du velours et des beaux fauteuils ».

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Le Concert - Guy Ferrandis @2009 - Les Productions du Trésor

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Des dialogues cocasses

Dès leur retour à Paris, ils avaient le matériel suffisant pour se mettre à l’écriture. Ils ont ensuite sélectionné et réaménagé les meilleurs dialogues et scènes, puis bâti le séquencier, la structure et les personnages. Une fois que tout est bien solide au bout de la troisième version, Radu reste seul à écrire le scénario et les dialogues, qu’il affectionne tout particulièrement : « Il y avait trois niveaux de mauvais français qui me plaisaient à écrire. Ivan, c’est beaucoup moi. Andreï représente l’image de la France que j’avais quand je suis arrivé à Paris. J’ai connu un ami de mon père qui vouvoyait sa femme avec des « n’est-ce pas » dans toutes les phrases. J’avais beaucoup ri et je me suis dit que cette particularité irait très bien à Andreï. Sacha, lui, parle le français petit nègre et dit n’importe quoi n’importe quand. Les expressions « je vous baise chaleureusement » et « s’il vous sied » venaient de toute la littérature du XIXe que je lisais. Sorties du contexte premier, elles provoquent un réel décalage ».

Le Concert a nécessité 11 versions (anglais, français, russe). A l’époque, le cinéaste envisage de faire une adaptation américaine avec des acteurs américains. Matthew Robbins s’est chargé de la traduction et a également apporté des idées dans le scénario. Quatre mois de coaching pour Aleksei Guskov (le Depardieu russe), Dimitri Nazarov (star de télévision) et Valeri Barinov (immense comédien de théâtre) qui ne parlaient pas le français. Une traductrice russe l’a renseigné sur les confusions habituelles dans les formulations des russes lorsqu’ils parlent français.

La composition du personnage du Directeur du théâtre de Paris était dédiée à François Berléand :« Je voulais travailler avec lui car en plus d’être hilarant et un véritable mélomane, il est pour moi, l’un des meilleurs comédiens français de cinéma et de théâtre aujourd’hui ». Une fois la version définitive du scénario écrite, Radu la transmet à son coscénariste et aux producteurs pour les dernières remarques.

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Le Concert - Guy Ferrandis @2009 - Les Productions du Trésor

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L’imposture positive

Au delà des thèmes sur l’exil et l’identité, chers au cinéaste, l’imposture positive est également présente dans chacun de ses films. Radu Mihaileanu souhaitait montrer comment des personnes, que l’on a écrasées, humiliées et mises à terre, peuvent s’affranchir à nouveau et retrouver l’estime de soi : « L’être humain se retrouve souvent dans des impasses. Mes personnages correspondent à mon vécu et à celui de mon père. Que signifiait être juif pendant la guerre ? Mon père en a souffert. Contraint de changer de nom, d’identité en troquant son « Buchman » d’origine pour « Mihaileanu », il a dû se cacher, et de surcroît composer avec une autre culture puisqu’il était à chaque fois amener à émigrer. L’imposture positive, c’est être obligé de s’adapter, sans franchir une certaine frontière qui ferait perdre sa dignité totale. Je la qualifie de positive car l’intention est de s’affranchir et non d’écraser l’autre. Toute la violence de l’histoire de l’humanité est fondée sur l’humiliation ».

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Le Concert - Guy Ferrandis @2009 - Les Productions du Trésor

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L’ultime harmonie

Radu Mihaileanu entame sa seconde collaboration avec le compositeur Armand Amar depuis Va, vis et deviens, qui avait reçu une nomination pour le César de la Meilleure Musique. Selon le cinéaste, Tchaïkovski est le plus représentatif de l’âme slave avec ses envolées lyriques et romantiques. Lorsqu’il a écrit cette fin millimétrée, le concerto pour violon et orchestre s’est imposé naturellement : « Ce morceau dure 33 minutes et par rapport aux évolutions dramatiques (les flash-back, la montée d’émotion, la relation et l’orchestre qui renaît), le travail de montage d’Armand Amar est remarquable pour atteindre cette sensation d’ultime harmonie, même s’il ne se voit pas à l’image ». Quatre mois de coaching ont été nécessaires pour que Mélanie Laurent simule le maniement du violon.

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Vente sur scénario

Grâce au succès international de Va, vis et deviens et à la réputation du cinéaste, Vincent Maraval chez Wild Bunch a pu le vendre partout dans le monde. Rares sont les films qui se vendent sur scénario, particulièrement aux Etats-Unis.Lesfrères Weinsteinont acheté Le Concert à un million de dollars. Cette vente exceptionnelle rejoint l’unique autre film français, Amélie Poulain. EuropaCorp devrait le distribuer dans 350 salles.

Radu Mihaileanu planche déjà sur son prochain long-métrage, qui lui trotte dans la tête depuis 8 ans : La source des femmes, coécrit avec Alain-Michel Blanc. Ce sera sa troisième coproduction, via sa maison de production, Oï oï oï Productions, fondée en 2002 : « Coproduire, c’est aussi avoir un contrôle sur mon projet de A à Z, au moins autant que les autres partenaires. J’ai échappé à la dictature de Ceaucescu pour que plus jamais, on me dise ce que je dois faire, sans me demander mon avis ».

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