Patrick et Rémy n’ont ni peuple, ni pays, ni armée : ils sont roux. Ensemble, ils vont combattre le monde et sa morale, dans une quête hallucinée vers l’Irlande et la liberté.
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Fils du cinéaste engagé Costa Gavras et cofondateur du collectif Kourtrajmé avec Kim Chapiron, Romain Gavras, 28 ans, livre dans cette première Å“uvre cinématographique, une comédie abrasive et surréaliste, dramatiquement décalée sur la relation ambigüe entre deux hommes, parias de la société, qui deviennent tout l’un pour l’autre. En toile de fond, il traite de manière hybride du racisme primaire comme thème universel, sous la forme d’une poésie visuelle flirtant avec le road movie. Contrairement à ce qu’on aurait pu s’imaginer, on est loin de l’ultraviolence développée dans ses deux précédents clips et notamment dans Born Free de M.I.A., censuré sur YouTube, dans lequel il fait exploser des roux dans un champ de mines.
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Sur un scénario coécrit avec Karim Boukercha, Gavras construit son récit initiatique de manière linéaire et progressive avec des dialogues frontaux et poétiques. Les propos trop brut de fonderie risquent cependant de créer des amalgames faciles. On suit ainsi deux personnages en marge de la société, en quête d’identité et de liberté qui n’ont qu’un seul point commun, le fait d’être roux, mal discriminatoire au phénomène exponentiel. Leurs vies vont alors se croiser par ce biais absurde – symbole de la différence – sur le chemin des injustices, des paumés, des incompris, des rejetés, des hors normes…
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Notre jour viendra surfe à la fois sur les films de fuite tel Les Valseuses de Bertrand Blier et sur le personnage de Don Quichotte de Cervantes. Patrick (Vincent Cassel) est un psychiatre, une espèce de dandy quadra sûr de lui, nihiliste, provocateur et désenchanté. Rémy (Olivier Barthélémy) est un jeune illuminé, introverti et soumis, mal dans sa peau et paumé dans ses attirances physiques. Ces deux protagonistes dominé/dominant – tant idéalistes irraisonnés que justiciers autoproclamés – vont dévoiler leurs émotions contradictoires – entre désirs refoulés, idéaux et déchéances – d’abord dans leurs propos, puis vont s’engouffrer inévitablement dans la violence de leurs actes. Chacun à sa manière va aller au bout de ses limites et de ses attentes vaines et fantasmées à destination de l’Irlande terre promise, s’entraînant l’un et l’autre vers un point de non retour, perdus dans le ciel à bord d’une montgolfière.
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Notre jour viendra est un film qui « capture le brouillard mental de l’époque » et puise sa force uniquement dans les personnages. Gavras plante son décor dans le Nord de la France et utilise, pour renforcer l’intensité dramatique, la lumière particulière de cette région – tantôt entre chien et loup, tantôt dans une luminosité métallique – bien captée par André Chemetoff. Ce long-métrage, tourné en scope 2.35 renvoyant des images panoramiques, s’accompagne d’une bande-son, sombre et envoûtante, composée par SebastiAn.
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Gavras signe un premier essai avec un univers propre, comme une ode à la liberté qui ne mène nulle part. Il n’est pas dans l’explicatif mais dans le ressenti d’une atmosphère grave, solennelle et parfois drôle, et laisse le soin au spectateur de réfléchir quant à la violence mentale que ces deux personnages s’infligent. L’interprétation en demi-teinte d’Olivier Barthélémy est assez convaincante. Notre jour viendra marque sa troisième collaboration avec Vincent Cassel, après Sheitan de son acolyte Kim Chapiron, ici photographe de plateau, et L’ennemi public n°1. Quant à Vincent Cassel, coproducteur du film, toujours au sommet de son jeu, il confirme sa faculté à pouvoir s’envelopper de n’importe quel rôle.
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NOTRE JOUR VIENDRA en salles le 15 septembre 2010
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